Remontons quelques années en arrière, à une époque aujourd’hui révolue.
A une époque où les jeux étaient sur des cartouches.
Pas question de démos : les magazines de jeux vidéo étaient alors les rois. Le marché n’était pas encore ce qu’il est aujourd’hui, et la publicité ne pouvait suffire à assurer le succès d’un jeu.
Ce qui était important : les tests de ces magazines. Et comme les lignes éditoriales variaient beaucoup, ce n’était pas possible de se contenter d’un seul avis pour se forger sa propre opinion.
Si ces tests aidaient les joueurs, il restait toutefois pas mal de suspens au moment de commencer le jeu…
Puis il y a eu une petite étape intermédiaire maintenant oubliée de tous, où certains magazines comportaient une bonne vieille K7 VHS avec des vidéos de jeux. Pour la première fois on pouvait voir à quoi ressemblaient les jeux avant de les acheter, et c’était la possibilité de se forger sa propre opinion en plus de ces tests qui restaient importants.
Enfin la révolution des démos a débarqué avec les consoles utilisant le CD. D’abord, justement, en CD, puis de plus en plus par internet.
Aujourd’hui, les démos sont devenues un élément capital dans le succès d’un jeu, et sont devenues quelque chose de courant.
A tel point qu’on trouve anormal, voire suspect, qu’un jeu sorte sans proposer un avant goût.
Et pourtant, cette sacro-sainte démo est loin d’être indispensable dans bien des cas. Si parfois elle peut lancer un jeu, elle peut tout aussi bien le torpiller ou tout du moins lui faire du mal.
Il arrive que la démo soit une porte d’entrée pour un jeu, en particulier pour toutes ces productions qui ne sont pas des AAA, et qui risquent de passer inaperçues. Pour ces jeux, offrir un avant goût, c’est se donner une chance de se trouver un public qui appréciera un style, une réalisation, ou un thème qui fait écho en lui au-delà de tests à venir qui classifieront le titre comme « moyen ».
Une autre catégorie de démo est celle qui est là pour maintenir l’intérêt des joueurs : elle se pointe longtemps avant l’arrivée d’un jeu, juste pour que ceux qui la testent surveillent attentivement ce qui va arriver au titre. On se souvient par exemple de celle de Lost Planet, petit choc visuel accessible de nombreux mois avant la disponibilité du jeu complet. On pourrait prendre également l’exemple de la démo de Gran Turismo 5, piqûre de rappel histoire qu’on n’oublie pas que le jeu va bien exister à un moment donné.
Enfin, il y a les démos de confirmation, diffusées peu de temps avant la sortie du jeu, qui sont là pour montrer à quel point le jeu est bon, et à quel point il est indispensable de l’acheter tout de suite.
Bref, la démo, c’est le coup gagnant à chaque fois.
Sauf que non.
Pour vivre heureux, vivons cachés. Voilà une citation qui pourrait s’appliquer à bien des jeux qui ont fait l’erreur de se montrer à travers une démo.
Des jeux médiocres, ou trop moyens, qui auraient très bien pu attirer des joueurs sur un concept, une belle jaquette et quelques screens spectaculaires. En révélant leur cœur, des jeux se torpillent tout seuls.
Mais surtout, et c’est la pire catégorie, il y a toutes celles qui loupent complètement le coche en montrant quelque chose qui n’est tout simplement pas représentatif du jeu final, et qui va desservir le titre au lieu de le soutenir. Après toutes ces années, il est stupéfiant de voir à quel point trop de développeurs ne maîtrisent pas du tout l’art de la démo. Et oui, c’est bien un art !
Une bonne démo, ce n’est pas juste le tutorial ou un premier niveau traditionnellement mou et n’exploitant pas les véritables concepts du jeu. Rien de tel pour refroidir les ardeurs de l’acheteur potentiel.
Ca ne s’improvise pas, tout simplement. Combien de démos montrent à l’écran un résultat très en deçà de l’expérience proposée par le jeu complet ? Ne commencez pas à compter, il y en a trop.
Pour reprendre les jeux les plus emblématiques, on ne peut qu’être perplexe face à la démo de Forza 3, proposant un circuit et des véhicules qui ne montrent qu’un minuscule aperçu de ce que peut offrir le jeu, en faisant l’erreur de proposer par défaut une conduite assistée, alors que ce titre est d’une richesse sans égale dans les sensations procurées, justement du fait de la diversité des options proposées.
Pour ce titre, il aurait bien entendu fallu commencer la démo en étant « obligé » de choisir tel ou tel mode de conduite.
Si on reste dans les jeux de voitures, le frangin de la PS3, Gran Turismo, aurait mieux fait de rester à la maison plutôt que de montrer une démo avec un niveau technique aussi faiblard et une conduite si approximative. Il n’y a aucun doute que le jeu final sera largement supérieur…Mais alors pourquoi avoir publiquement montré ça ?
En étant trop sûr de soi, on oublie juste que la démo est une arme à double tranchant, qui peut générer des commandes par paquets…Ou bien entraîner des annulations de réservations.
On peut quand même se poser la question quand on voit des démos de jeux pas terminés, manifestement à la ramasse techniquement : mais à quoi ont-ils pensé avant de mettre ça en ligne ?
Les meilleurs l’ont bien compris, et prennent soin de spécifiquement développer leur démo, pour proposer quelque chose qui montrera réellement les différentes facettes du jeu, ses mécanismes et/ou qui suscitera suffisamment de curiosité pour, qu’une fois la démo terminée, le joueur crève d’envie de savoir la suite.
Le meilleur exemple qui me vient en tête est la démo de Bioshock. Jeu un peu mystérieux avant sa sortie, attirant par son design ou par les quelques vidéos diffusées, mais sans qu’on comprenne bien de quoi il était vraiment question. Débarque une démo qui reprend le début du jeu, car cette fois il est tout à fait approprié. On y trouve l’identité graphique du jeu, l’ébauche de son concept, et un excellent dosage dans ce qui est montré : assez pour accrocher le joueur et l’immerger dans cet univers, tout en étant frustrant pour donner envie de connaître la suite. Je suis certain que vous pourrez citer d’autres démos qui ont été des facteurs d’achat pour vous.
Mais en fin de compte, les meilleurs, et si c’étaient ceux qui pouvaient se passer de démo ?
Naturellement, il y a ceux qui s’en passent parce qu’ils n’en ont de toute façon pas besoin. Ces licences qui vont se vendre par brouettes quel que soit leur contenu. Plutôt que de mobiliser une équipe sur une démo, autant se concentrer sur le jeu en lui-même. C’est un choix qui se défend parfaitement.
Surtout, il y a ceux qui ont réfléchi à la question, et qui ont volontairement refusé de présenter une démo, ayant compris que celle-ci ne pourrait que leur faire du mal.
C’est très souvent le cas pour les jeux d’aventures, jeux complexes dont l’intérêt ne se dessine qu’au fil du temps, et qui ne peuvent en aucun cas dévoiler leur saveur en une heure de jeu.
Un Fable, un Oblivion ou un Final Fantasy ne peuvent rien montrer en une démo. Soit le joueur serait perdu dans un système de jeu qui mérite forcément un apprentissage, soit il devrait se coltiner un début de jeu avec beaucoup de parlotte ou d’explications, mais sans en tirer bénéfice en mettant en application les laborieuses phases de départ.
D’une façon générale, quelle que soit la démo, elle n’aura en tout cas pas fait disparaître l’utilité des tests des jeux, dans la presse ou sur internet (sur Xboxygen naturellement). Que la démo soit de qualité ou non, qu’elle ait donné envie ou non, elle ne reste qu’un aperçu du jeu, un échantillon, un tout petit bout. Elle permet de se forger avec certitude une idée sur quelques points, comme le style graphique ou les musiques du jeu, mais pour le reste... Rien ne remplace un bon vieux test des familles fait sur le jeu complet par un testeur dévoué qui s’applique à fouiller les options et à retourner le titre dans tous les sens pour extraire ce qu’il a réellement dans le ventre.
Tiens, en me relisant, je crois bien que c’est la plus grosse auto-publicité pour les tests publiés sur Xboxygen qui ait jamais été faite !
Jouez aux démos, mais lisez aussi nos tests ! Vous verrez les deux se complètent à merveille !
Et histoire de participer à cet édito, venez parler des démos qui vous ont fait acheter un jeu, ou qui à l’inverse vous ont convaincu de vous en passer.