Mort à l'occase !

[Rone]

En toute discrétion, les plus grands éditeurs sont en train d’imposer petit à petit un changement important dans le biz des jeux vidéo.

Ils n’en font maintenant plus mystère : ils veulent la peau du marché de l’occasion et de la location.
L’idée est simple : tout revenu généré par les jeux vidéo se doit de rapporter quelque chose à l’éditeur. Dit comme ça, ça a l’air de se tenir. Sauf que suivant les moyens utilisés, cela revient pour l’acheteur à ne plus acheter un jeu, mais à acheter seulement le droit de jouer, la notion de propriété devenant floue…

Ce qui arrive aujourd’hui est tout sauf une surprise. Dans la presse économique on a pu par le passé entendre tous les éditeurs s’épancher sur le drame de l’occasion, trouvant scandaleux qu’un seul jeu puisse générer de l’argent dont ils ne voient pas la couleur. Ce mouvement n’a pas débordé sur la place publique, et est resté dans le milieu, entre éditeurs, distributeurs et revendeurs (ces derniers étant visés en premier lieu). Et pour cause, puisque cela remet en question le contenu même de ce que peut acheter le joueur !

Petit à petit le plan se met en place…

Le premier axe aura été de généraliser le principe de contenu téléchargeable, si possible payant (un bon moyen d’augmenter en douce le prix des jeux). S’il n’y a pas grand-chose à dire quand le contenu proposé apporte une véritable valeur ajoutée, en plus d’un jeu déjà complet (GTA, Borderland), on peut déjà discuter quand il contient ce qui devrait être de base dans le jeu acheté. On a parfois l’impression que le jeu d’origine est auto-bridé juste pour pousser à acheter, et ce n’est pas qu’une impression, puisque le contenu peut même se trouver sur le disque d’origine, étant simplement bloqué tant qu’on n’a pas versé une obole supplémentaire…
Dans la même mouvance on peut trouver le contenu gratuit, qui lui n’a pour fonction que de fidéliser le joueur sans chercher à lui faire cracher au bassinet. Déjà plus honnête.
Pour l’un ou l’autre, le but est de semer le doute dans la tête du joueur : « si je revends mon jeu maintenant, je n’en profiterai pas complètement ».

Le deuxième axe, plus récent, est le principe du cadeau bonus au primo-acheteur.
C’est ce qui est maintenant devenu extrêmement courant. Quel jeu d’envergure ne propose pas des bonus si on l’achète dès sa sortie ? La démarche est la plupart du temps raisonnable. On achète bien un jeu complet, tout à fait jouable sans bonus, et la mesure reste incitative et non pas restrictive.

La nouveauté actuelle, c’est le troisième axe : chercher à dissuader l’acheteur de seconde main en amputant volontairement une partie du jeu pour lui. Peu de cas jusqu’à présent, mais on peut parier que c’est quelque chose qu’on verra de plus en plus. THQ vendra au joueur de seconde main le droit de jouer en ligne (UFC Undisputed 2010), ou EA n’autorise le partage de vidéo gratuit dans Skate 3 que pour le possesseur original du code qui va bien. On peut ajouter, toujours chez EA, la dime à payer pour continuer de jouer en ligne aux jeux trop anciens à leur goût. Les acheteurs d’occase devront payer pour avoir accès à ces options…Cela augmente pour eux le prix du jeu complet, ce qui est dissuasif, et dans le même temps, pour ceux qui cèdent, cela va directement dans la poche de l’éditeur, qui est ainsi payé deux fois pour une même prestation. Astucieux.
Et d’autres vont suivre le mouvement, c’est une évidence. Chez Ubisoft, on surveille de près ce qui se passe pour chercher des procédés équivalents à appliquer, et ce serait surprenant que chez d’autres grands on n’ait pas des projets du même genre dans les cartons.
On peut toujours argumenter sur le fait que cela ne pénalise pas l’acheteur de jeu neuf, puisqu’il ne paie pas plus pour jouer, mais ce serait faux. Bien entendu qu’il est pénalisé puisque ne pouvant plus céder la totalité de ce qu’il a acheté : la valeur de ce qu’il a acheté n’est donc plus la même ! Une partie est bien à lui, mais l’autre lui est seulement prêtée. Bien entendu, cela n’est pas compensé par une baisse de prix du jeu neuf.

Il reste encore un axe, qui sera sans doute le prochain, et dont on discerne déjà les prémisses, avec la dématérialisation des jeux. Mais au moins dans ce cas les choses sont claires, puisqu’il est acquis dès le départ qu’on n’achète pas un jeu qui serait cessible, mais le droit de jouer, qui lui ne peut appartenir qu’à l’acheteur original (à moins qu’il ne vende son compte, bien entendu).

Que les éditeurs cherchent à gagner le plus d’argent possible, ce n’est pas spécialement critiquable. Après tout, ce sont des sociétés dont le but premier est de chercher à faire de l’argent.
Ce qui est critiquable, c’est que ne soient pas envisagées avec autant d’énergie des solutions qui iraient dans le sens du client. Pourquoi ne pas plutôt chercher à produire des jeux qui ne se retrouveraient pas sur le marché de l’occasion en deux semaines, juste parce que les acheteurs n’auraient tout simplement pas envie de les vendre ? Les jeux qui offrent une bonne expérience en ligne mettent plus de temps à se retrouver sur ce second marché, et ne sont pas très intéressants à louer. Du contenu additionnel (et si possible gratuit) va également pousser les joueurs à garder leur galette. Et même quand ce contenu est payant, quand il est annoncé comme conséquent, et longtemps à l’avance, on garde son jeu : à ce titre l’exemple de GTA IV aurait pu faire des émules.
Enfin, pourquoi ne pas commencer par faire des jeux dont la durée de vie s’étend à un peu plus que les 7 à 10 heures qui deviennent une triste norme ? Un bon jeu sur lequel on s’amuse, on le garde pour y revenir de temps en temps. Un jeu avec des modes multijoueurs bien conçus, on le garde pour le sortir le temps d’une soirée (Rock Band, Lips…Des titres dont le prix en occase ne baisse pas beaucoup par rapport à d’autres).

Vous avez l’habitude si vous lisez mes éditos de me voir mesuré, me situant souvent entre les deux extrêmes, mettant en balance les arguments contraires…Et bien là non.
En tant que joueur, j’ai bien du mal à accepter que la politique des éditeurs soit menée, justement, à l’encontre des joueurs. A l’heure où les jeux vidéo sont devenus un marché de masse, avec un public diversifié prêt à consacrer une partie de leur budget dans leur loisir, je pense que l’attitude des éditeurs ne va tout simplement pas dans le bon sens et est néfaste à l’industrie.
Nous parlons d’un domaine (ré)créatif, dans lequel travaillent des gens qui ont de l’imagination, et pourtant celle-ci n’est pas mise au service des joueurs. Dans n’importe quelle industrie, pour réussir il faut rechercher la satisfaction de l’acheteur…Là, à l’inverse, l’acheteur, c'est-à-dire nous, n’est pas pris en considération. On semble accepter que de toute façon le joueur achètera, quoi qu’il arrive, et quoi qu’on fasse. Si c’est vrai dans une certaine mesure, ça ne l’est pas complètement. Régulièrement, les résultats du marché font état d’un tassement des ventes de jeux, et ce n’est pas avec une attitude qui n’apporte rien de plus aux joueurs que cela va changer.

Si des éditeurs lisent cet édito (après tout pourquoi pas), qu’ils se posent la question : dois-je satisfaire mes actionnaires au risque de me fâcher avec mes clients, ou dois-je chercher à satisfaire mes clients au risque de devoir m’expliquer devant mes actionnaires ? Dans le premier cas, ils seront contents, puis ils le seront moins quand les clients seront moins là. Dans le deuxième, il faudra peut-être les convaincre, mais le bénéfice à moyen terme ne sera-t-il pas là au bout du compte ?

[Kenshin]

Je suis entièrement d'accord avec toi, on se rejoint sur tous les points.
Ce qu'il faut vraiment noter, c'est le fait que les consommateurs doivent payer pour la gourmandise des éditeurs. Si les contenus additionnel étaient gratuit les retours seraient bien moindre et la consommation du produit n'en serait que meilleure (un lapse de temps plus long). Donc comme les DLC sont payantes, les casuals revendent leurs jeux et c'est les éditeurs qui se tirent une balle dans le pied. Un peu chiant d'assumer pour eux.

Pour GTA IV c'est différent. C'est quand même un investissement de temps et d'argent pour Rockstar. Rockstar aurait pu se permettre de le vendre à prix vraiment intéréssant pour eux ET les joueurs. La preuve, les ventes des deux DLC ont été très médiocre alors que la qualité était présente (les meilleurs DLC que j'ai jamais vue).

En tout cas je pense qu'on va arriver à un espèce de croisement où quelque chose va changer. Avec cette méthode je pense que beaucoup de personnes finiront par arrêter de consommer autant et vraiment jouer occasionnellement et à des jeux bien ciblés.

[pieur]

[Mamulet]

Entierement d'accord.
C'est d'ailleurs pour ca que je me retient d'acheter des contenus qui pourtant parfois me font envie.

[PlaysK]

J'ai clairement du mal avec l'économie du jeu vidéo. J'ai l'impression de devenir actionnaire et d'acheter des parts d'une entreprise quand je prends un jeu et de ce fait, j'ai envie de croire que mon achat va entretenir une machinerie complexe.
Je vais prendre 2 exemples : Race PRO et Forza Motorsport 3.

Le premier édité par Atari nous promettait la lune. Le peu de support, la piètre qualité du support et des correctifs m'ont vite fait revendre le jeu pour récupérer sur mon investissement de départ (avec une perte notable). Quelques mois après, un Race On sur PC apparaissait et me laissait le goût amer d'avoir essuyé les platres d'une alpha version d'un jeu Simbin. Atari Europe était racheté par Namco-Bandai. Un gros WTF et rien ne me fera plus jamais investir dans ces 2 entreprises.

De son côté Forza Motorsport 3, Turn10 et Microsoft. La politique du DLC était attendue et clairement affichée. L'aspect communautaire remet le joueur au centre du jeu. 2 DVDs dans la boite c'est pas commun, on n'a pas voulu se sucrer sur le contenu du jeu. Le DLC est ici présent pour augmenter la durée de vie du jeu et n'est pas indispensable. Seule la notion de VIP a été implémentée pour les collectors et tous les DLC exclusifs sont téléchargeables pour les personnes ayant le jeu en occasion.

2 poids, 2 mesures et un gouffre entre les 2 éditeurs pour le même type de jeu.

Moralité : Il faut savoir étudier les politiques éditoriales avant d'acheter. Un jeu Ubisoft, EA, Atari ou Capcom ne présente pas les mêmes avantages et inconvénients.

[apollon]

Pour la partie durée de vie tout ça... Pas totalement d'accord. L'un des seuls truc qui tiendra un jeu longtemps hors de l'occase c'est le multijoueur surtout. Un RPG avec mettons 40h de durée de vie et plus si on veut le 100%, va quand même finir en occase une fois terminé... Moins vite qu'un jeu se finissant en 10h c'est évident, mais ça durera pas. L'autre truc est l'augmentation de durée de vie via des systèmes bac à sable, réalisable dans les jeux ouvert surtout, ou le joueur pourra continuer de s'amuser en "faisant n'importe quoi" librement... Pour le reste je sais de mon expérience personnelle que la différence est pas flagrante... En boostant la durée de vie réelle, allez avec du bol on retarde d'une ou deux semaines (suivant la vitesse des joueurs) l'arrivée dans l'occase, pas plus, à part pour le joueur c'est un grand boulot pour "pas grand chose".

Du reste je suis assez d'accord, peut être pas pour les même raison à chaque fois... Mais ce qui me gène le plus c'est bien de faire que ça soit systématiquement au joueur de payer les pots cassés. Pour moi c'est clairement les revendeurs qu'il faut cibler, après tout c'est eux qui se font le pognon, le joueur lui veut juste exploiter le système en place pour s'amuser à moindre frais... En gros il faudrai que les codes à payer et compagnie soit à la charge des revendeurs (ce qui serai faisable pour les grosses enseignes et mal barré pour les plus modestes), et qu'au final le joueur puisse toujours exploiter le système en place. Dans les autres cas bah ils se démerdent ! Perso l'occase je m'en sert depuis une bonne quinzaine d'année (un peu plus mais on va pas chipoter), vu que j'ai pas de réel attachements au fait de joueur à un jeu neuf ou à garder mes anciens jeux, je consomme pas mal d'occasion... Ca me tue que les éditeur se rendent compte aujourd'hui que ça existe et s'en offusquent "ça alors un truc qu'on à laissé se développer depuis des années sans rien faire prend de l'ampleur ! C'est inattendu !", ça me tue que les revendeur se contente de dire "bah on reprend moins car ya plus le code, on revend pareil sans le code" alors que ça fait des années que les consommateur d'occase leur rapporte du pognon...

Pour moi c'est clairement un problème entre éditeur et revendeur, qu'ils se démerdent entre eux et laissent le joueur en paix.

[zx6r4]

Même avis.

L'échange entre ami diminuera aussi, les potes vont moins apprécier de récupérer un jeu où ils ne pourront pas jouer à la globalité de celui-ci.

Pour l'instant, les jeux auxquels je veux vraiment jouer je les prends en import, sauf exception RDR qui n'était pas très cher en neuf en France. Mais je ne me leurre pas et je sais qu'à un moment ou un autre l'import aura soit une nouvelle taxe, soit le taux de change ne sera plus vraiment valable. A ce moment, je ciblerai les jeux et en achèterai beaucoup moins.

Je pense que les éditeurs vont se tirer une balle dans le pied avec ce type d'agissement. Passer son temps à faire payer les joueurs, ça va finir par leurs retomber dessus.

En attendant, certaines franchises peuvent encore ce le permettre, je pense surtout à MW2, qui malgré un solo assez minable, un multi limité, des dlc vendues au prix fort et pas très intéressantes et un jeu vendu à la base à 70€ en France, à juste fait le plus gros carton mondial en terme de vente.
Ce qui a tendance à me faire penser que tant que les joueurs voudrons bien être pris pour des chèvres, il y a peu de chance pour que les éditeurs réfléchissent différemment.

Je me rappel d'une scène dans le film Wargames, qui parle d'un pirate informatique qui se retrouve confronté à un ordinateur militaire qui compte agir avec les armes nucléaires quil dirige comme s'il s'agissait d'un jeu.
Dans une des scènes, l'acteur principal, Matthew Broderick, débarque chez un colonel militaire et on voit celui-ci en train de jouer à pacman sur un écran géant.
Quand j'ai vu cette scène, je me suis dit moi aussi, plus tard, quand je serai âgé je jouerai encore aux jeux vidéos. En fait, ce n'est plus si sûr que ça. Il faudra que je trouve encore du plaisir et que je n'ai pas l'impression d'être uniquement une vache à lait.

En bref, plus on va nous prendre pour des cons et plus je vais m'éloigner du jeu vidéo.

[Heykel]

[jon1138]

Et bien moi, c'est simple, je cible mes jeux : j'en ai tellement ras le bol de tous ces jeux sans génie qui sortent par camions (les FPS en général : COD, Battlefield etc) que je n'achète désormais presque que les jeux qui ont une certaines originalité ou un vrai travail. En 2009, le seul jeu que j'ai acheté est Brutal Legend ! Et je l'ai acheté neuf, afin de soutenir le studio. Cette année, mon premier jeu acheté est Alan Wake, que j'ai acheté neuf pour soutenir également le studio. J'avais acheté neuf Banjo Kazooie Nuts And Bolts, Mass Effect (le 2 ne saurait tarder), Viva pinata, Fable II, Kameo, Lost Odyssey...Bref, en dehors de la saga Halo, pas de FPS ! Je ne joue pas en multi, ou en tout cas très peu.

Le reste de l'année, je prendrai Fable III neuf, Star Wars le Pouvoir de la Force II (j'attendrai les avis) et peut-être Halo Reach....

En fait, j'achète beaucoup en import. 70€ pour un jeu, ça devient quasi inexistant chez moi....Et les DLC, c'est niet, sauf quand c'est vraiment intéressant (GTA, sans doute Alan Wake). Il faut dire qu'à la base, je suis joueur PC, j'ai connu les titres de l'âge d'or du jeu vidéo : Monkey island, Grim Fandango, The Dig, Indiana Jones and The Fate Of Atlantis, Outcast...époque où l'on vendait les jeux complets, sans extensions ( quand il y en avait, elles valaient le coup) et sans collector (on avait ces belles boites cartons avec pleins de petits trucs sympa sans mettre 1Fr de plus...)

[Rone]

Comme vous je cible mes jeux.
Maintenant mon critère est devenu la direction artistique du jeu.
D'une certaine façon j'achète "responsable", l'achat du jeu étant devenu une sorte de soutien à tel ou tel développeur/éditeur.
Là, par exemple, je viens d'acheter Alan Wake.
Le meilleur exemple serait plutôt sur PS3.
J'ai beaucoup aimé God of War 3, du fait de sa maitrise, mais bon, ce n'est qu'une grosse prod avec en fin de compte bien peu d'âme. A l'inverse, je n'ai pas aimé Heavy Rain, qui est pour moi loupé, mais qui au moins tente quelque chose. C'est donc le deuxième que j'achèterais plein pot.