Les Xbox Series X|S ont l’honneur d’accueillir leur première exclusivité à la nouvelle génération de consoles. Ce n’est pas un jeu Xbox Games Studios qui nous intéresse aujourd’hui mais une production estampillée Bloober Team, le studio indépendant polonais en passe de devenir référent en matière de jeux narratifs à l’ambiance horrifique. On leur doit, entre autres, les Layers of Fear et le très bon Observer : System Redux.
Né d’une collaboration avec le compositeur Akira Yamaoka, le papa des bandes originales des Silent Hill, The Medium se veut être l’histoire la plus intimiste et personnelle du studio. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le titre a suscité beaucoup d’engouement à travers les trailers publiés jusqu’à présent. Voire même trop, au point de transformer les attentes de certains en rêve utopique. En témoignent les recherches Google les plus populaires associées au jeu telles que « Est-ce que The Medium a un multiplayer ? » ou encore « Comment sont les combats dans The Medium ? », faute peut-être au manque d’autres exclusivités à se mettre sous la dent. Alors oui, certaines personnes risquent d’être déçues, mais cette aventure unique saura trouver public tant l’expérience qu’elle propose se trouve dans la lignée des autres réalisations du studio.
Les stigmates du passé
Marianne, la protagoniste et narratrice du jeu, est une médium et est de ce fait capable de communiquer avec les morts. C’est face caméra qu’elle nous conte son récit, éreintée par ce qu’elle vient de vivre et donc par l’aventure qui nous attend. « Tout commence par la mort d’une petite fille » nous dit-elle. Cette phrase hante ses rêves depuis son enfance, témoignant d’un souvenir ou d’une prémonition qu’elle-même ne comprend pas.
L’histoire prend place quelques jours avant, alors qu’elle range les affaires de son père adoptif, Jack, qui vient de passer de vie à trépas. Plus qu’un simple tuteur, il lui apprit à accepter sa nature de médium et l’éleva comme sa propre fille, remplaçant ses parents perdus en même temps que sa mémoire suite à un accident durant son enfance.
C’est l’occasion pour Marianne de lui faire ses adieux et de l’accompagner dans son dernier voyage grâce à ses pouvoirs. Ceux-ci lui permettent de voyager d’une dimension à une autre et de soulager les âmes errantes. C’est durant ce moment très intime que le téléphone retentit. L’interlocuteur, un mystérieux Thomas, l’appelle à l’aide et l’invite à se rendre à Niwa, un hôtel délabré où plus personne ne vit, en lui promettant qu’elle y trouvera des réponses quant à ses origines et à la nature de ses pouvoirs.
Arrivée sur place, force est de constater que le complexe hôtelier Niwa regorge de mystères, à commencer par le fait que la totalité des résidents y sont morts sans explication rationnelle. Des âmes errantes en quête de salut peupleront notre aventure et ce sera à nous d’en apprendre plus sur eux, sur ce qui leur est arrivé et sur le mystère qui entoure le bâtiment dans cette quête éreintante riche en révélations.
C’est dans cet environnement complètement détruit et à l’abandon que notre aventure prend place.
Niwa aurait dû être un petit coin de paradis pour la classe ouvrière polonaise sous régime communiste, malheureusement les plans en furent autrement. Des témoins du passé tels que des objets d’époque et des affiches old-school permettent de retracer cette partie trouble de l’histoire de la Pologne d’après-guerre, où des thèmes forts comme la collaboration et l’occupation sont abordés avec subtilité.
L’aventure sous-Control
L’exploration en mode urbex se fait en vue à la troisième personne avec des plans fixes de caméras, comme dans les premiers Resident Evil. Outre les interactions avec les objets permettant de résoudre de petites énigmes, Marianne a un panel de compétences qu’elle pourra utiliser lors de moments précis.
Premièrement, il est possible d’interagir avec certains éléments du décor grâce à une vision psychique et de surligner des objets-clés en une simple pression de bouton sur votre manette.
Cette vision est aussi l’occasion de « ressentir » des fragments d’esprits pris au piège dans ces objets, donnant l’opportunité de revivre ou d’entendre les derniers moments des personnes qui les portaient. Accrochez-vous car ces témoignages seront souvent poignants et sans concession.
Quant au reste de ses capacités… Difficile de l’avoir manqué si vous avez suivi la campagne marketing du titre, The Medium propose une particularité de gameplay assez visuelle. Toujours grâce à ses pouvoirs, l’écran peut se scinder en deux et voir littéralement notre héroïne voyager dans ces dimensions en parallèle, ses actions ayant des conséquences dans les deux mondes. Ces fameuses séquences, très visuelles, sont scriptées et n’apparaissent que quand le jeu nous le permet, toujours dans l’idée de progresser face à des obstacles. Marianne a également la possibilité de séparer son corps de son esprit afin de ne se déplacer que sous sa forme spirituelle durant un temps limité, ce qui lui donne accès à des zones auparavant inaccessibles. Ces énigmes, souvent très simples, ne sont pas pour autant désagréables à faire. On notera tout de même un manque d’inspiration et pas mal de redite. La plupart du temps on trouvera la clef d’une porte verrouillée à seulement quelques mètres de celle-ci.
L’utilisation des pouvoirs étant systématiquement liée aux épreuves que le jeu met devant nous, on finira par utiliser la bonne compétence en fonction de la situation sans pour autant avoir de réel choix.
Ces compétences et les trouvailles visuelles prendront leur envol en avançant dans notre partie, avec un deuxième acte que l’on taira pour ne rien dévoiler de l’intrigue, mais qui saura chambouler les habitudes établies jusqu’ici. Plusieurs parallèles avec le jeu de Remedy, Control, pourront alors être faits, comme sur le choix des couleurs ou de la narration. Il y a pire comme comparaison.
De l’autre côté du miroir
Revenons au monde spirituel. Les déchirures de l’écran proposent des effets de lumière tout simplement sublimes. Cet univers parallèle possède une direction artistique qui lui est propre, s’inspirant librement des œuvres du peintre surréaliste Zdzisław Beksiński (dont on vous invite à aller voir les créations tant elles sont à la fois belles et dérangeantes).
Le côté organique tentaculaire si atypique renforce l’effet d’oppression du récit, tablant sur un malaise communicatif qui ajoute un côté pesant à notre expérience. D’autant plus qu’un monstre y rôde et est prêt à en découdre. Littéralement, puisque ce dernier n’aura qu’un souhait : nous étriper et prendre possession de notre corps.
Le monstre, appelé The Maw (la gueule, en français), est un némésis invincible et invisible qui nous poursuit durant toute l’aventure, lors de passages scriptés. Doublé par un Troy Baker littéralement possédé dans son interprétation, les différentes rencontres se résoudront par des parties de cache-cache très sommaires qui rappellent fortement celles déjà présentes dans Observer. Sans grand intérêt et souvent maladroites dans leurs exécutions, ces affrontements donneront au maximum des mains moites aux joueurs les plus sensibles.
Car s’il a été apparenté au genre du Survival Horror, il n’en est rien. Hormis peut-être un ou deux jump scare bien placés, le jeu table principalement sur la dureté de son propos pour provoquer l’effroi.
Le silence de la montagne
Si les effets de lumière et l’originalité des environnements nous feront tourner la tête tant ils sont de qualité, certaines animations trop rigides et des textures inégales nous rappellent qu’on est face à l’œuvre d’un studio relativement modeste qui ne bénéficie pas des ressources d’un jeu AAA. Au programme, 30 images par seconde (relativement stable, selon Digital Foundry) sur les deux consoles et une résolution variable.
La grosse claque graphique nouvelle génération attendra encore un peu, même si le titre est porté par son incroyable direction artistique.
Mise en avant lors de la promotion du titre, la collaboration avec Yamaoka ne se résume finalement qu’à trois pistes. Celles-ci, très réussies, sont dans la lignée de ce qu’il avait fait pour Silent Hill et interviennent à des moments précis de l’histoire. Pour le reste, c’est le compositeur maison Arkadiusz Reikowski qui s’y colle. Fidèle à lui-même, son travail enivrant accompagne avec justesse les différentes scènes du jeu.
Test réalisé sur Xbox Series X.