Test - Control - Un remède aux blockbusters ?

«Mais qui est l’homme à la cigarette ?» , - 1 réaction(s)

Un nouveau jeu de Remedy, ce n’est pas rien. Le studio est d’autant plus à surveiller maintenant qu’il n’est plus exclusif à Microsoft. Control est un jeu multi-support et quelque part dans sa communication, on ressentait comme un manque d’ambition couplé à une impression de déjà-vu tant le gameplay et le rendu semblait être une repompe de leur précédent titre, Quantum Break. Et pourtant il n’en est rien. Control est un pur jeu Remedy avec toutes les qualités qu’on leur attribue mais aussi leurs défauts.

Perdu de recherche

Jesse Faden arrive au pied du bâtiment abritant le FBC, Federal Bureau of Control, un organisme gouvernemental mystérieux et bien difficile à trouver. Cela fait des années qu’elle le cherche d’ailleurs, depuis qu’ils ont kidnappé son jeune frère à l’âge de 7 ans. Des années durant lesquelles elle est toujours restée déterminée à le retrouver. Comment est-elle arrivée là, comment-a-t-elle vécu avant cela, pourquoi son frère a-t-il été enlevé et pourquoi le bureau était introuvable ? Voilà bien des mystères à résoudre ou plutôt qui seront révélés au joueur à des moments opportuns. Mais l’énigme la plus urgente à résoudre est encore le fait que notre protagoniste arrive dans un bâtiment visiblement désert. Il y a bien l’homme d’entretien un peu bizarre qui l’accueille et lui indique son chemin mais pour le reste, tout est vide. Il s’est passé des choses en ces lieux et l’on s’en rend très vite compte. Une entité étrange, le Hiss, a envahi les bureaux et transformé ses occupants en monstres agressifs.

L’ambiance visuelle est très soignée

Depuis sa présentation, on discernait mal ce que Remedy souhaitait faire avec ce Control. On ne retrouvait pas forcément l’ambition qu’on leur connaissait en terme de narration et de mise en scène. Il faut dire que les premiers trailers étaient orientés action et, autant l’avouer, ce n’est pas forcément leur point fort. Non, un jeu Remedy c‘est un jeu narratif comme nul autre, bien souvent. Un jeu qui lorgne vers d’autres médias, à l’instar de Quantum Break qui poussait le vice au maximum en intercalant une série live action entre ses phases de gameplay. Ici, le studio n’a pas pu aller aussi loin. Peut-être par manque de budget, peut-être aussi parce que cela ne fonctionnait pas complètement. Control revient donc vers un schéma plus traditionnel sans pour autant mettre au placard ses petites manies. Il chatouille même le quatrième mur tout comme la quatrième dimension et se joue de son public avec malice.

Sam Lake maîtrise son sujet et sa plume se joue de nous d’une manière courtoise et fine
Les personnages secondaires ne sont là que pour donner la réplique

Son écriture est très proche de celle d’une série TV. Le jeu est chapitré, chacune des parties se terminant avec un petit flash forward qui tease le joueur de manière efficace. Les révélations du jeu sont certes diluées d’une manière convenue mais elles n’en font jamais trop. Sam Lake maîtrise son sujet et sa plume se joue de nous d’une manière courtoise et fine. Si Alan Wake était inspiré de Stephen King, Control pourrait presque lorgner sur du Lovecraft avec son lot de disparitions étranges, d’éléments de folie et d’entités étrangères venues du plan Astral qui communiquent avec nous. N’attendez pas que toutes les informations viennent d’elles-mêmes, il faudra faire un effort pour s’approprier l’univers en se mettant à la place de Jesse. Elle se promène dans des bureaux vides et trouve ça et là des documents à lire et des reportages vidéo (le show TV fucked-up est encore bien classe). Les habitués de Remedy sont coutumiers de cette méthode mais force est de constater qu’ici cela est parfaitement logique. Si la plupart des documents papier traitent des événements survenus dans le building, ou sur l’observation du Hiss, ils révèlent aussi des choses qui dresseront les poils de certains joueurs attachés à Remedy. Il est aussi agréable de constater que la plupart des mécaniques du jeu, comme les points de sauvegarde et la téléportation, sont expliqués d’une manière cohérente et rationalisés par rapport à l’univers dans lequel on évolue, à l’exception des mods d’armes et de capacités de personnage. Ces éléments de gameplay paraissent encore moins logiques de ce fait. Quoiqu’il en soit, l’envie de ne pas juste faire un jeu se ressent bien dans ces moments-là.

Avec talent, Remedy a raconté une histoire qui se met en place doucement pour se terminer dans des passages vraiment plus décomplexés et fous comme on les aime. Si tout au long de l’aventure on pouvait se dire “c’est pas mal ça” sans être conquis complètement, la dernière ligne droite s’en est chargée. D’ailleurs, on ne peut pas vraiment parler de ligne droite puisque le jeu est plus libre cette fois. C’est la grosse nouveauté pour un jeu Remedy. Si les finlandais ont déjà travaillé il y a bien longtemps sur un moteur open-world qui s’est satisfait d’être l’ersatz de ce qu’il devait être sous les traits d’Alan Wake, ils sont partis ici sur un format plus modeste mais plus simple à gérer : le lieu unique.

Mais, c’est nous sur le tableau ?

Ne voyez pas le Bureau comme un triste building dépourvu d’âme avec ses open-spaces alignant les postes de travail bien rangés et ses salles de réunion en verre, même si c’est ce qui ressort de la communication du jeu. Voyez le plutôt comme la station orbitale du Prey de Arkane Studio. Car finalement, Control s’en rapproche assez dans sa structure et dans ses mécaniques. Un lieu vide avec des objets possédés par des entités étranges, des sections reliées entre-elles par des chemins cohérents mais altérés par des événements ou par cette même entité. On retrouve aussi des personnes qui donnent des quêtes secondaires mais qui manquent d’interactions. Se balader dans le building n’est pas chose aisée par moments et il faut un bon sens de l’orientation pour s’y retrouver parfois. En tout cas, on déambule en ces lieux non sans un certain plaisir et la curiosité d’en apprendre plus. Le jeu fonctionne bien et même s’il ne dispose pas de grands moments épiques propres aux triple-A, il reste au même niveau que les précédentes productions Remedy avec son savoir-faire narratif et ses climax de fin qui incitent le joueur à réfléchir un peu à ce qu’il a vécu et ce que l’on a essayé de lui raconter. En tout cas, ne partez pas à la fin du générique, il y a encore des choses à faire et à apprendre et ce même une fois passé le deuxième générique qui a l’audace de nous faire écouter un morceau de Porcupine Tree des plus agréables. Le bon goût est une coutume chez Remedy.

Tout dans la tête, rien dans les bras ?

Pourquoi insister autant sur la partie narrative du jeu ? Et bien parce que c’est sans conteste sa plus grande force. Manette en main, on reconnaît le style du studio avec son personnage se mouvant d’une manière réaliste faisant ressentir pleinement son poids. Cela confère aux pouvoirs télékinésiques que l’on débloque un rendu aussi agréable que dans Quantum Break dans le sens où l’on ressent clairement le côté surnaturel des aptitudes dont on dispose sans pour autant que cela fasse de l’héroïne une personne inarrêtable. D’ailleurs Jesse n’est pas une militaire sur-entraînée qui se met à couvert à la moindre occasion pour mieux éliminer ses cibles. Non, ici on virevolte en tous sens comme dans QB entre dash et lévitation, on utilise des éléments du décor comme projectiles (que ça soit une simple plante posée là où carrément un pan de mur) ou comme bouclier et, plus cool, on contrôle l’esprit des ennemis pour s’en faire des alliés. Être perpétuellement en mouvement est la clé de la survie. Rien de bien neuf en soit, mais l’ensemble est cohérent et efficace. En face de nous, le bestiaire est assez varié même si forcément un peu répétitif dans le sens où ce ne sont que des agents du FBC corrompus par le Hiss. Mais certains sont plus métamorphosés que d’autres ce qui laisse place à des créatures belliqueuses assez classes. On croise tout de même des boss, surtout dans les quêtes secondaires, qui sont gigantesques et intéressants à combattre. Il faut dire que le gameplay n’est pas désagréable du tout et que l’Arme de service, ce flingue possédé par le Hiss que manipule Jesse, est particulièrement fun. Il peut changer de forme pour devenir au choix un mini fusil à pompe, une mitrailleuse, un automatique mais aussi d’autres variantes. On peut switcher entre deux formes à la volée. Pour changer de set-up, par contre, il faut passer par le menu. Bien se préparer avant certains combats est un plus, même si une certaine forme disposant d’un tir chargé est tellement efficace que lors de notre run on a peu utilisé les autres une fois celle-ci débloquée. Avec la physique poussée qui permet de détruire bien des choses dans les décors, les effets de particules très présents ainsi que les ennemis qui disparaissent dans une explosion de fumée, les gunfights sont parfois assez denses, violents et chargés visuellement à défaut d’être véritablement épiques. Le juste milieu habituel entre réalisme et fantastique étant bien dosé, on se retrouve avec ce gameplay typique de Remedy que certains détestent, disons le clairement.

Le studio a beau s’être orienté vers du metroidvania, Control n’en reste pas moins un jeu narratif lorgnant du côté du petit écran.
La DA entre SF et réalisme est très chouette

Est-ce que Control est parfait ? Malheureusement, non. D’une parce que c’est un jeu Remedy, ce qui en fait sa plus grande force mais aussi sa première faiblesse. Il ne ressemble à aucune autre production du genre mais ne dépasse pas le niveau habituel dont ils font preuve. Le studio a beau s’être orienté vers du metroidvania, il n’en reste pas moins un jeu narratif lorgnant du côté du petit écran. L’autre revers de la médaille vient du fait que le studio ne semblait pas disposer du budget adéquat : la finition n’est pas exemplaire. Aussi solide soit le moteur Northlight permettant des destructions poussées, une gestion de la lumière vraiment classe, des visages bien expressifs le tout avec ce petit grain cinématographique très appréciable, le jeu rame parfois sévèrement et ce même sur One X. Il ne propose d’ailleurs pas d’optimisation particulière sur cette dernière, pas même du HDR. Chaque entrée et sortie dans les menus se fait avec la peine la plus totale tant ils sont lents et provoquent des ralentissements de quelques secondes. C’est particulièrement dommageable dans le sens où l’on passe son temps à vouloir aller lire un document fraîchement ramassé, regarder ses missions en cours, s’équiper de mods qui altèrent armes et capacités de Jesse. Pire encore, la map nécessaire pour bien se repérer dans les lieux et chercher des endroits secrets (le jeu en dispose d’un certain nombre pas toujours évidents à trouver) s’affiche en surimpression sur l’écran pour permettre de se déplacer en se repérant mais elle fait lamentablement chuter le framerate quand elle veut bien s’afficher. En effet, il faut parfois attendre quelques dizaines de secondes pour qu’elle daigne apparaître. Le manque de budget se ressent aussi dans les scènes de dialogue en général assez statiques, même si des idées de mise en scène sont introduites pour les rendre moins figées. La VF n’est d’ailleurs pas très glorieuse et pour couronner le tout, des bugs de script bloquent parfois la progression. Ces écueils sont regrettables tant le reste est très soigné et cohérent, entre rendu réaliste et direction artistique débridée concernant les éléments SF/fantastiques.

Ne perdez pas une miette des documents et vidéos

Après une bonne quinzaine d’heures de jeu, il nous reste encore des mystères à éclaircir et des missions secondaires à compléter. Cependant, cela n’empêche nullement d’avoir un avis positif sur ce Control. On se délecte même de certaines révélations qui laissent de grands espoirs pour l’avenir de Remedy et leur prochain titre quelque soit le nom qu’il empruntera, car on sait déjà la forme vers laquelle il s’orientera : celle d’un jeu Remedy, un jeu qui ne ressemble à nul autre.

Bilan

On a aimé :
  • Une histoire qui monte jusqu’à un finish intéressant
  • Un univers très soigné
  • L’exploration du building façon metroidvania
  • Un rendu visuel toujours aussi agréable et détonnant
  • Un pur jeu Remedy
On n’a pas aimé :
  • Une finition technique perfectible
  • Sûrement trop barré pour certains
  • Cette map qui fait ramer le jeu
  • VF peu glorieuse
Tout est sous contrôle

Il nous aura un peu fait peur, ce Control. Son bâtiment un peu gris, froid, austère et ses combats lui confèrant des airs de Quantum Break bis montrés dans la campagne promotionnelle cachaient pourtant du grand Remedy, ce studio qui fait des jeux à gros budget qui ne ressemblent à aucun autre. Entre Lovecraft passé à la moulinette Lynch aux relents de quatrième dimension, le titre est à nouveau original et surprenant jusqu’à devenir complètement enthousiasmant dans sa dernière partie. Certes, il ne plaira encore une fois pas à tout le monde, le gameplay divisera à nouveau, mais on ne peut que saluer un studio ne s’étant pas trahi ni pris les pieds dans le tapis en reprenant son indépendance et en passant multi-support. Si vous aimez les mystères et les ambiances tordues enveloppés dans une évidente envie de mindfucker son spectateur, Control saura vous satisfaire et on a quelque part un peu hâte de voir des théories émerger sur la toile.

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Control

PEGI 0

Genre : Action

Editeur : 505 Games

Développeur : Remedy

Date de sortie : 27/08/2019

1 reactions

jm ysb

26 aoû 2019 @ 17:14

merci pour ce test ! j’y vois un scénario qui m’emporte ;-)