Sega a beau ne pas nous avoir annoncé de Dreamcast 2 à l’E3 2018, pour les fans de la marque au hérisson, il restera quand même deux dates importantes à retenir : le 15 juin 2015 et le 21 août 2018. La première concerne l’annonce de la campagne Kickstarter de Shenmue 3 et la deuxième, elle, la sortie du remaster des deux premiers épisodes sortis sur Dreamcast (Shenmue II a également été porté sur Xbox). Vous ne voyez peut-être pas le rapport entre les deux et pourtant la sortie de ce nouvel opus et le teasing d’un quatrième épisode (ici) sont les causes directes de ce remaster au doux parfum de fumisterie auquel Sega nous a habitués au fil des années.
Histoire et contexte
Avant même de commencer à aborder le test à proprement parler, prenons quelques instants pour replacer un peu le contexte dans lequel la licence Shenmue a vu le jour. Né en 1996 de la tête d’un génie, Yu Suzuki (Space Harrier, Virtua Fighter, Virtua Cop), Shenmue fut sans conteste le jeu le plus ambitieux jamais produit par Sega et ce, jusqu’à aujourd’hui. On parle d’un développement de trois ans ayant coûté près de 70 millions de dollars ; un budget déjà faramineux pour l’époque. Le titre fut initialement un RPG en 3D reprenant non seulement le système de combat de Virtua Fighter mais également l’un de ses personnages, Akira. La volonté de son créateur est de vouloir donner la plus grande liberté au joueur. C’est au retour d’un voyage en Chine que Yu Suzuki aura l’idée du pitch du Shenmue que nous connaissons aujourd’hui. Il veut tout changer. Il revient sur sa décision de réutiliser Akira et embauchera une équipe de talents pour créer le script final de son jeu. Nous sommes en 1997, la phase de pré-production traîne. Suzuki le voulait sur Saturn mais ce sera finalement sur Dreamcast que le jeu sortira en 1999 au Japon et en 2000 dans le reste du monde. Shenmue est une véritable bouffée d’air frais et est, pour certain(e)s, leur première rencontre avec le Japon tel que les japonais se le représentent. Le jeu impressionne non seulement par son histoire mais également par son mélange savant d’exploration, d’enquête et de combat. Son niveau de réalisme est incroyable et reste à ce jour une véritable référence, un incontournable qu’il est de bon goût de découvrir au moins une fois dans sa vie de joueur. Sa suite renouvellera l’exploit en novembre 2001. La licence sera cependant très vite ringardisée par les jeux qu’elle aura inspirés tels que Grand Theft Auto 3 (sorti en octobre 2001) et Yakuza (sorti en septembre 2006) qui pousseront le monde ouvert en 3D beaucoup plus loin.
Un monde d’adultes
Le premier jeu ouvre sur le meurtre du père de notre héros, Ryo Hazuki, par un mystérieux criminel chinois du nom de Lan Di. Ryo fera tout pour venger la mort de son paternel. Une vengeance qui le mènera loin, très loin de Yokosuka, son village natal. L’histoire s’étend sur ces deux épisodes et reste le principal point fort de ce remaster. L’intrigue est habilement servie par l’ambiance et l’atmosphère dans laquelle le jeu nous aspire. Elle transpire d’émotions éminemment puissantes qu’un humain peut traverser dans une période de deuil : la tristesse, la haine, le désir de vengeance mais, surtout, l’espoir. Des émotions qui créent tout de suite un lien particulier entre Ryo et le joueur et qui touchent juste à chaque fois. Pas de ouin-ouin ni de surenchère à la mords-moi-le-noeud. Ici, on est chez les adultes. Les différentes péripéties auxquelles Ryo devra faire face sont amenées au joueur principalement par le biais de bribes de conversations qu’il ou elle aura avec les différents PNJ qui peuplent le monde. On regrettera toutefois des “rails” trop évidents qui brident un peu la narration. Par exemple, certains dialogues vous seront inaccessibles si le script correspondant n’a pas été activé en amont. Un défaut qui n’en est pas vraiment un étant donné l’époque à laquelle les deux jeux sont sortis. On pourrait également chipoter concernant certains enchaînements de situations qui se font de manière un peu brusque, nous sortant un poil de l’univers mais sans grande conséquence.
Mokujin
On parlait de conversations avec les PNJ un peu plus haut et bien sachez qu’il s’agit là de la composante principale du gameplay de Shenmue. Chaque nouvel évènement fera office de motif pour aller bavarder avec la populace…avec tous les aller-retours que cela implique. Les deux jeux ne sont qu’un assemblage indigeste de fetch quests pour un joueur en 2018. L’histoire nous fait passer de situation en situation sans forcément se renouveler en termes de gameplay. Certes, quelques QTE (notamment rendus populaires par ce même Shenmue) viendront épicer cette progression en apparence bien plate.
Le système de combat est devenu ringard et consiste finalement à bourriner les boutons de son pad afin de terrasser ses adversaires. Il est également mal introduit dans l’histoire via un tutoriel qui se contente de présenter les mouvements de base (pieds, poings et j’en passe). La recherche des différents mouvements cachés dans le monde à travers les différents maîtres et autres rouleaux de parchemin est toutefois assez intéressante et apporte un peu de profondeur -et de diversité- au système de combat. Si certains ennemis se montrent complètement amorphes au point de se laisser démolir la face à coups de tatanes, d’autres sont à l’inverse ultra agressifs et pourront poser problème aux joueurs les moins expérimentés. Shenmue est peut-être le jeu qui a ravivé mes pires souvenirs en matière de jeu vidéo en ce qui concerne la maniabilité et les contrôles. Ryo est lourd et agile comme un tronc d’arbre. Ajoutez à cela les fenêtres d’interaction absolument minuscules qui du coup impliquent presque de les “viser” ; et viser avec un tronc d’arbre en guise de personnage… franchement bon courage ! La caméra est elle aussi une vraie tannée qu’il faudra apprendre à maîtriser tout au long de l’aventure. Elle ne manquera pas de vous rendre fou, notamment dans les espaces exigus. Une fonction zoom (LT) est heureusement présente pour parer à ces problèmes même si elle reste perfectible.
Précision (sans doute) inutile : Shenmue 1 & 2 Remastered tourne en 4K 30 fps absolument sans aucun problème sur One X. Les textures ont été lissées apportant un rendu beaucoup plus net et flatteur pour nos rétines. La qualité du son en revanche est à la rue. Certains dialogues sonnent complètement distordus, les rendant franchement agaçants surtout lorsque l’on joue au casque. Un défaut que l’on peut retrouver sur certains bruitages également. Un seul minuscule bug m’est tombé dessus à l’heure de la rédaction de ce test : regarder une cinématique avec le bruitage de Ryo en train de vider une canette. Cocasse et loin d’être grave. On regrettera que seuls les menus, icônes et sous-titres aient été revus. Quelques bonus, comme une galerie par exemple, auraient pû être bienvenus.