En tant que testeur, lorsque l’on se force à jouer à un jeu qui nous a été attribué, c’est déjà mauvais signe. Lorsqu’en plus on trouve plein d’autres choses à faire de plus intéressant et amusant qu’y jouer, comme par exemple descendre les poubelles, faire le ménage, nettoyer son vélo ou même repasser ses chemises, là cela devient réellement problématique. Parfois, on a quand même des circonstances atténuantes qui montrent que, malgré toute la bonne volonté du monde, on ne peut s’empêcher de penser que les développeurs ont tout fait pour nous dégoûter de leur bébé, même si on partait avec un a priori plutôt favorable comme ce fut le cas pour Valkyria Revolution. J’avoue avoir bien apprécié à l’époque Valkyria Chronicles sur PS3 dont Revolution est une sorte de spin-off… complètement loupé.
Ennui, j’écris ton nom en lettres de sang
Et pourtant… si j’oublie le cauchemar Revolution, je me remémore avec nostalgie un Valkyria Chronicles en tout point charmant. Sorti en 2008 sur PS3, il s’imposait sans mal grâce au charisme fou de son univers steampunk qui semblait directement posé, crayonné sur un lavis blanc cassé. Il avait balayé les codes du tactical rpg en lui donnant un dynamisme bienvenu. On dirigeait nos troupes avec prudence, utilisant les moindres recoins et abris du décor afin d’éliminer nos adversaires par des tirs en pleine tête audacieux ou via des lancers de grenades hasardeux. Malgré une difficulté par moments mal dosée et une absence totale de traduction dans la langue de Molière, le jeu est resté gravé dans le coeur de nombreux joueurs. Deux suites ont vu le jour, malheureusement seulement sur la portable de Sony de l’époque : la PSP. On pensait la licence définitivement morte et enterrée. Jusqu’à ce jour où l’on aurait préféré que sa sépulture ne soit pas profanée.
Dans l’idée des développeurs de Valkyria Revolution, le concept de Chronicles avait besoin d’un sérieux dépoussiérage pour être remis au goût du jour. Soit, dans le fond on ne peut blâmer, voire même condamner, au préalable une telle volonté sauf quand il s’agit de balayer d’un revers de main tout ce qui faisait le charme de la série pour s’orienter vers une sorte de “salle polyvalente” vidéoludique où, par désir de faire tout, on ne fait rien de bien. De Valkyria Chronicles, il ne reste rien. Revolution abandonne le tour par tour pour essayer de s’orienter vers un musou avec quelque flagrance de tactical résiduel. On pouvait espérer une sorte de Kingdom Under Fire mais il n’en est rien : on se retrouve devant un gameplay bâtard et bordélique où la tactique est noyée derrière des vagues d’assaillants aussi nombreux que bêtes, et où l’action est enterrée par des pauses survenant à chaque utilisation d’attaques spéciales. Au final, on n’a ni l’intérêt de l’un, ni l’action frénétique de l’autre. Le gameplay de Valkyria Revolution est une faillite totale.
On aurait pu s’arrêter là, se dire que, peu importe le gameplay bancal, on allait jouer au jeu pour son histoire captivante, ses personnages charismatiques, ses rebondissements “scoubidoudesques” et j’en passe. Mais en fait, c’est surtout à ce niveau-là que Valkyria Revolution se pare de ses plus beaux atours de Toreros et nous plante son épée dans la nuque. Le rythme du jeu est tout bonnement catatonique. Une véritable catastrophe dont la moindre séquence cinématique ferait passer les statues vivantes pour des personnes hyperactives. Revolution n’évite pas les écueils, que l’on pensait révolus, de certains RPG japonais avec leurs personnages cosplay stéréotypés s’échangeant entre eux de longs tunnels narratifs, un panel d’échanges insignifiants loin des dialogues ciselés et concis qui sont la norme aujourd’hui. À noter que le jeu est entièrement en anglais, texte et voix (même si on peut choisir les voix japonaises) donc mieux vaut maîtriser la langue si l’on souhaite éviter de décrocher rapidement. Non pas que l’histoire en elle-même soit mauvaise (même si mal racontée) mais il est curieusement impossible de passer rapidement les dialogues, ce qui ralentit encore plus le rythme du jeu. Pour les plus endurants, les développeurs ont pensé à intégrer de nombreux chargements d’une vingtaine de secondes minimum, qui viendront jouer le rôle d’entracte avant la moindre petite séquence parlée, histoire de bien les achever.
Que reste-t-il à Revolution pour sauver les meubles ? Sa patte graphique si particulière ? Non plus. Le très joli rendu crayonné de Chronicles a été abandonné au profit d’un filtre dégueulasse ne ressemblant à rien. Son ambiance steampunk guerrière ? À la trappe ! Les joueurs d’aujourd’hui préfèrent se rincer l’œil sur des soldates à forte poitrine partant à la guerre en mini-short et en brassière que de s’extasier sur la cohérence et l’unité des uniformes. On laisse aussi tomber l’ambiance très Seconde Guerre mondiale pour glisser vers un impersonnel univers stylé heroic-fantasy. Restent les musiques signées par Yasunori Mitsuda (Chrono Trigger, Xenogears, Chrono Cross !!) qui est le seul à surnager, même si j’avoue m’être endormi bercé par certaines de ses compositions.