Ah, nostalgie quand tu nous tiens ! Je sais qu’il me suffit de poser un regard sur un simple dé à vingt faces pour me laisser submerger par un tsunami d’images et de souvenirs de mes longues et passionnantes parties de jeu de rôle avec mes amis de jadis. Ces après-midi ou soirées attablés devant nos feuilles de personnages buvant coca cola puis bières et surtout les paroles du maître de jeu. On découvrait avec crainte ce que réservait le triptyque salle-monstre-trésor et on négociait comme des vendeurs de tapis sur le partage d’un maigre butin allant même jusqu’à jouer de la bâtarde pour faire pencher la balance en notre faveur. Je m’arrête là car sinon ma litanie rôliste pourrait durer des pages et des pages. Cela va me permettre d’enchaîner sur le test d’UnEpic qui joue d’emblée sur cette corde sensible du vieux baroudeur de papier, en transposant son héros, joueur rôliste, dans un sombre donjon peuplé d’orcs, de gobelins, de pièges, de passages secrets et de trésors après une pause pipi malencontreuse. L’aventure qui l’attend n’est pas aussi mémorable, épique que celles vécues autour d’une table mais elle n’en reste pas moins fort agréable !
Où sont les toilettes ? C’est au troisième donjon à gauche.
Une simple pause pipi, un événement banal s’il en est dans une partie de jeu de rôle pouvant durer de nombreuses heures, et pourtant celle-ci va prendre un virage inattendu pour le héros d’UnEpic, Daniel. Une panne d’électricité va en effet le téléporter dans l’immense et ténébreux château d’Harnakon où chaque pièce lui réserve une surprise mortelle. Comme si cela ne suffisait pas, une étrange ombre va prendre possession de son corps, ou plutôt essayer, vu que la possession ne va pas marcher comme escompté et que l’ombre se retrouve tout simplement prisonnière de cette enveloppe charnelle. Vous l’aurez compris, UnEpic joue la carte de la parodie assénant régulièrement des allusions ou des situations plus ou moins comiques sur les généralités des jeux de rôle traditionnels tout en distillant par moments de multiples références à la culture geeks, films, livres, dessins animés. Rien ne sera épargné au bonheur du joueur que nous sommes.
Mais la seule parodie ne suffit pas à faire un bon jeu et le développeur espagnol (catalan même) l’a très bien compris ! Car oui, UnEpic est l’œuvre d’un seul et unique homme aidé un tant soit peu afin de finaliser le projet par deux graphistes et un musicien. La traduction du jeu a été faite bénévolement par des fans de nombreux pays. On ne jettera donc pas un pavé sur la traduction française balbutiante parsemée de fautes et oubliant au passage quelques descriptions de sorts car elle a le mérite d’être là et de s’en tirer avec les honneurs. Techniquement, le jeu s’en tire avec les mêmes honneurs proposant un pixel art assez fin, détaillé et lui allant comme un gant. Les musiques et l’ambiance sonore ont le bon goût de se faire oublier et de ne jamais venir écorcher nos tympans d’esthètes.
Unepic et pic et colégram
L’inspiration principale de UnEpic est un jeu d’action-aventure-plate-forme de Konami sorti sur MSX : Maze of Galius. On retrouve tous les éléments de l’époque sentant bon la naphtaline ou les bons souvenirs, suivant le côté positif ou négatif qui sommeille en nous, à savoir une vue latérale, un personnage microscopique, une jouabilité d‘antan boostée aux raccourcis manette et un château découpé en écrans de jeu. L’exploration n’est pas vraiment libre, vu que le château se découpe en plusieurs zones accessibles seulement après avoir récupéré une clé gardée jalousement par des boss aussi gros qu’agressifs. Rajoutez à ceci quelques éléments de Castlevania, une touche de jeu de rôle traditionnel et un soupçon de Diablo pour les loots d’armes et d’objets épiques et vous obtiendrez la recette de ce jeu fort sympathique au demeurant.
Car c’est un état de fait, on prend beaucoup de plaisir à arpenter les sombres couloirs du château d’Harnakon, une exploration minutieuse car Daniel s’éclaire juste avec son briquet et doit méthodiquement allumer lampes, chandeliers, torches du donjon afin de révéler les dangers et les pièges tapis dans les ténèbres. Et ils sont nombreux ! Les chausses-trappes abondent, les créatures et les dalles piégées sont toujours placées de façon vicieuse ce qui pousse a avancer prudemment sans précipitation. Le jeu s’avère généreux dans son exploration avec sa petite vingtaine d’heures nécessaires à le finir mais aussi dans son contenu. Les passages secrets abondent, les quêtes annexes offrent des challenges originaux et intéressants et des quêtes spéciales nommées UnEpic Crédits rapportent une monnaie spéciale permettant de débloquer des objets aussi originaux que décalés tels qu’un vaisseau Star Trek en guise d’animal familier ou un pistolet laser.
UnEpic sait aussi récompenser le joueur en lui réservant d’excellentes surprises ou clins d’œil bienvenus, comme ces sangsues récupérées après un passage dans de l’eau fangeuse et qui pompent notre vie tant que l’on ne s’en est pas débarrassé via notre inventaire. Ce dernier va devenir progressivement un gros fourre-tout, vu que le jeu ne nous épargne pas la panoplie complète du petit aventurier d’héroic fantasy : épées, masses, haches, lances, arcs, baguettes magiques, potions, armures, parchemins magiques, anneaux divers et variés et composants de toute sorte. Cette profusion obligera Daniel a bien choisir quelles compétences privilégier à chaque montée de niveau afin de se spécialiser rapidement et rendre son exploration plus fluide et moins abrupte. Les armes sont aussi plus ou moins efficaces suivant le type d emonstre rencontré, on jongle souvent de l’une à l’autre afin de fracasser gobelins et squelettes dans la joie et la bonne humeur. Pour finir, sachez que UnEpic est bien un jeu indé en pixel art mais possède deux grosses qualités : celle d’être proposé à un tout petit prix de 9,99 euros et celle d’être accessible à tout type de joueurs et non pas seulement les hardcores gamers aliens sado masochistes. Et ça, c’est bien.