Test - Crusader Kings III - Un incontournable des jeux de stratégie enfin sur Xbox Series

«Le roi est mort, vive le roi !» , - 0 réaction(s)

Ces dernières années, nous avons pu constater avec un certain plaisir l’effondrement de la frontière vidéoludique entre l’univers PC et celui des consoles. Les portages de jeux issus de l’univers PC, souvent de niche, que l’on pensait inadaptables pour une expérience à la manette, ont envahi les stores de Microsoft, Nintendo et Sony. Dans l’écosystème Xbox, cette tendance est même devenue une priorité sous l’impulsion de Phil Spencer, et de nombreux jeux issus de ces portages atterrissent directement dans le Xbox Game Pass. C’est le cas de Crusader Kings III, sorti ce 29 mars 2022 sur PS5 et Xbox Series X|S (uniquement), et qui fait le bonheur des PCistes depuis septembre 2020.

Le bonheur ? Assurément. La franchise médiévale, créée et développée par les Suédois de Paradox Interactive, est devenue incontournable pour les amateurs de grande stratégie et le troisième épisode se montre digne de son prestigieux héritage. Les réfractaires au genre lèveront leurs yeux au ciel. Ils ne comprendront jamais comment on peut apprécier un jeu basé sur des cartes du monde austères, du texte et des chiffres. Pauvres fous. Crusader Kings III est un jeu d’une richesse extraordinaire et un trou noir de temps de jeu pour les amoureux du genre… équipés d’un clavier et d’une souris. Paradox a souhaité élargir son audience et a confié les rênes du portage de sa pépite à Lab42, un studio britannique spécialisé dans cette pratique. Qu’en est-il de l’ergonomie à la manette ? L’expérience de jeu est-elle adaptée aux installations et aux spécificités des joueurs sur consoles ? Crusader Kings III est-il accueillant pour un public non averti ? C’est à ces questions que nous allons répondre dans ce test afin de savoir si l’expérience Crusader Kings III sur Xbox Series X|S mérite votre attention.

La famille, c’est sacré

Contrairement aux autres jeux de grande stratégie qui consistent généralement à exploiter et conquérir le monde proposé, nous contrôlons ici la destinée d’une dynastie seigneuriale durant la majeure partie du Moyen ge. Plus précisément, nous dirigeons le leader de la noble maison. À sa mort, nous incarnons son héritier principal et ainsi de suite, jusqu’à la date de 1453 ou l’absence d’un héritier, qui marquent la fin d’une partie. Au-delà d’étendre géographiquement la dynastie en multipliant les alliances et les conquêtes, il s’agira avant tout d’assurer la survie de la lignée.

Une succession est toujours un bouleversement

Ce postulat de départ fait le charme et la singularité de la série Crusader Kings. Les relations humaines sont au cœur du système de jeu. Bien entendu, nous aurons le plaisir de développer et d’étendre nos possessions terrestres au cours d’un règne, mais c’est sans compter sur “l’injustice” (pour le joueur) du droit féodal. Vous avez réussi à conquérir pendant 20 ans la quasi-totalité de l’Irlande au cours d’un règne glorieux, et patatrac ! Une chute mortelle lors d’une partie de chasse entraîne une crise de succession : division du “pays” entre héritiers frères et sœurs, qui ne se supportent pas. La reconquête des terres “perdues” ne pourrait être qu’une formalité, s’il ne fallait pas incarner un successeur chétif aux statistiques peu glorieuses, gérer une mère complotiste qui ne digère pas sa mise en retrait et mater une rébellion de certains vassaux qui profitent de votre faiblesse passagère. Voilà un exemple concret d’un début de règne parmi tant d’autres différents dans Crusader Kings III. Le jeu de Paradox est une formidable machine à raconter des histoires.

Un vassal au Conseil permet de calmer ses ambitions

Heureusement, face à tant d’injustices et de drames aléatoires, nous ne sommes pas totalement désarmés, bien au contraire. Être un excellent joueur de Crusader Kings, c’est savoir tout anticiper et planifier afin de limiter les effets de l’imprévisibilité. Bonne nouvelle, le système de jeu nous en donne les moyens. Comment éviter une crise de succession ? S’arranger pour avoir un unique héritier que l’on aura bien éduqué, ou changer les lois de succession (impossible en début de partie), déshériter un de ses enfants, dénoncer un membre de sa famille pour l’emprisonner ou plus simplement… l’assassiner. Comment récupérer un territoire que l’on convoite ? La manière subtile pourrait être d’arranger un mariage pour son fils de 5 ans avec la prochaine héritière du comté visé. Si le plan se passe bien, le territoire sera nôtre de droit dans deux générations. Les plus pressés et belliqueux préféreront la campagne militaire. Oui, c’est très efficace. Mais dans Crusader Kings, un casus belli est obligatoire pour entrer en conflit. Autrement dit, sans accord du droit féodal qui nous autorise à revendiquer un territoire, on ne peut rien faire militairement. C’est sans compter sur la possibilité de fabriquer un faux document “perdu” dans les archives épiscopales… Mais attention, tout ce que vous pouvez faire, les autres maisons le peuvent aussi ! Et l’IA ne s’en prive pas.

Pour toute situation, les options à notre disposition sont souvent nombreuses. C’est tout le sel et la richesse de ce jeu où le roleplay joue un rôle fondamental. Nous pourrions passer des heures à faire le tour des différents problèmes à gérer, mais ce n’est pas le but de notre test et nous laissons à chacun le plaisir de la découverte.

Tutoriel obligatoire, gentes dames et damoiseaux

Pour cette adaptation de Crusader Kings III sur consoles, l’ambition de Paradox Interactive était d’apporter la franchise à un nouveau public, loin de son fidèle et solide cœur de cible sur PC. En ce sens, le deal conclu avec Microsoft d’apporter le titre day one dans le Xbox Game Pass consoles est une aubaine, encore plus si la contrepartie financière a pu couvrir les frais d’adaptation, qui sait ? En tant qu’éditeur et développeur, Paradox n’en est pas à son premier coup d’essai d’une adaptation sur consoles de salon d’un jeu de son catalogue ; Stellaris en est le parfait exemple. Néanmoins, Crusader Kings III représente le premier portage d’un opus d’une de ses IP les plus prestigieuses avec Europa Universalis et Hearts of Iron. L’enjeu était donc important pour l’éditeur suédois mais aussi pour le studio Lab42, responsable de l’adaptation.

Un terrain de jeu formidable

Pour bien accueillir les néophytes, le menu principal se veut sobre et efficace, le tout accompagné par un titre musical de qualité qui nous met tout de suite dans l’ambiance médiévale. Un seul mode solo et un seul mode multijoueur sont de la partie. Crusader Kings est avant tout un immense bac à sable. En cliquant sur “Nouvelle partie”, une carte de l’Europe nous propose plusieurs départs dynastiques possibles, dont deux sont recommandés en cas de découverte de la licence. Tous ces points de départ ont été choisis selon une thématique et des événements majeurs de l’histoire médiévale, comme le partage de l’Empire de Charlemagne. Bien entendu, il est possible pour les habitués de commencer une partie en modifiant de nombreuses options de jeu et en choisissant n’importe quel personnage ou maison historique de l’Islande à la Chine en passant par les territoires africains situés au nord de l’Équateur, tant que l’on respecte les deux dates de départ imposées : 867 ou 1066. Crusader Kings est une mine d’or d’informations pour tout passionné de l’ère médiévale.

Le tutoriel doit être suivi avec rigueur

Par défaut, le tutoriel porte sur le Petit roi Murchad, Duc de Munster, dans l’Irlande du XIe siècle. Nous vous conseillons vivement de commencer par cela. Grâce à des fenêtres contextuelles explicatives et d’autres où vos actions valident le passage à la leçon suivante, nous intégrons des bases solides pour mieux appréhender les innombrables subtilités et possibilités que nous offre le jeu. Dans l’ensemble, le tutoriel se montre efficace, bien que capricieux par moment pour valider l’apprentissage en cours. Il se termine rapidement après notre première annexion d’un comté voisin. Puis, nous sommes quasiment livrés à nous-même. Quelques suggestions et conseils nous sont proposés en appuyant sur le bouton lié au stick droit, mais le jeu nous annonce sans détour que Crusader Kings III consiste à se fixer ses propres objectifs. Quand on vous disait que le roleplay était poussé, on ne vous mentait pas ; à vous d’assouvir vos propres désirs, vous êtes la seule limite dans l’ambition de votre dynastie.

Les suggestions sont intéressantes pour ne pas s’éparpiller

Cette liberté est extraordinaire mais fera peur à beaucoup de nouveaux joueurs, habitués à être orientés dans les jeux, surtout sur consoles. Nous comprenons ce désarroi devant cette transition abrupte où nous ne savons pas vraiment par où commencer une fois qu’on nous lâche dans la nature. C’est le véritable moment critique où vous saurez si le jeu est fait pour vous ou non. De plus, la complexité du droit féodal n’est pas là pour adoucir ce sentiment de vertige. Les développeurs ont beau essayer d’accueillir avec bienveillance les néophytes, ils ne peuvent pas dénaturer l’exigence et la proposition initiale du jeu. Crusader Kings III n’est pas un titre pour le grand public et ce n’est pas grave.

Pour les persévérants, le bouton des suggestions devient rapidement notre meilleur ami et nous apprenons les différentes possibilités de gameplay et de roleplay au fur et à mesure de nos essais et de nos échecs. De plus, de nombreux guides pullulent sur le net pour aider ceux qui le souhaitent. Une chose est certaine, si vous accrochez au concept, vous pouvez dire adieu à votre vie sociale tellement le titre devient prenant et addictif.

Un modèle d’adaptation sur consoles, mais pas sans défauts

Encore faut-il que l’ergonomie à la manette ne vienne pas gâcher l’expérience de jeu à terme. L’un des objectifs de Paradox et de Lab42 était de créer une nouvelle interface utilisateur accessible et fluide, adaptée aux spécificités du jeu sur consoles de salon. L’erreur rédhibitoire de conserver l’interface originelle du jeu PC et d’utiliser la manette comme souris virtuelle a été évitée. Au contraire, Lab42 s’est inspiré des meilleures mécaniques de jeu présentes dans d’autres titres du genre sur consoles et a cherché à exploiter efficacement les possibilités offertes par le hardware des manettes.

Il est temps de faire de Lille le berceau du futur Royaume de France

L’idée directrice fut d’attribuer certains boutons à des fonctions de jeu uniques. Ainsi le bouton Y ouvre spécifiquement la fenêtre liée aux personnages, le bouton B sert uniquement à fermer les fenêtres et infobulles, le bouton X ouvre le menu des actions que l’on peut effectuer sur le symbole mis en évidence par le curseur, les boutons de tranche servent à naviguer rapidement entre les onglets des barres de commande, etc. Concernant les gâchettes, un appui prolongé sur celle de gauche ouvre un menu radial centré sur les domaines d’interaction liés à notre personnage (culture, foi, dynastie…), alors que celle de droite ouvre un autre menu radial proposant différents filtres pour la carte. C’est une fois que nous avons intégré ces manipulations (qui exige quand même un certain temps d’apprentissage), que nous savourons le joli travail des développeurs pour rendre les interactions fluides et surtout instinctives.

Les cartes Physique auraient pu être plus détaillées

Certes, nous n’atteignons pas le confort ultime d’une expérience clavier/souris pour ce type de jeu, mais la manette apporte un vrai plus pour certaines fonctions de jeu, principalement via les raccourcis. Finalement, c’est une fois que l’on se retrouve sur la carte principale du monde que l’on se rapproche le plus de l’expérience utilisateur sur PC. En effet, le stick gauche déplace le curseur sur la carte (avec une vitesse moindre par rapport à une souris) et le stick droit permet de jouer avec le zoom et les échelles de la carte comme on le ferait avec la molette de la souris.

Les batailles restent simplistes

Si l’expérience utilisateur est dans l’ensemble une franche réussite, quelques défauts demeurent présents. Parfois, certaines actions ne sont pas prises en compte. Il faut réitérer les inputs. Dans la fenêtre principale des personnages, il est impossible à l’heure actuelle de mettre le curseur sur les revendications et les alliances, afin de les superviser. C’est particulièrement fâcheux quand on souhaite attaquer un voisin lié par des alliances, dont on ne peut pas savoir si elles concernent un baron de pacotille ou un roi en personne. Autre défaut gênant, la gestion des déplacements des troupes en temps de guerre sur la carte est plutôt laborieuse. Dans le prolongement de ce défaut, il est difficile de discerner l’emplacement exact sur la carte où il faut cliquer pour ouvrir les fenêtres contextuelles en cas de siège d’une ville ou d’un château.

La présence d’une encyclopédie pour ce type de jeu demeure essentielle et représente une mine d’informations pour comprendre les subtilités du gameplay. Si on en trouve bien une dans Crusader Kings III, malheureusement son accessibilité est loin d’être optimale et devient même pénible à la longue. Heureusement, une bulle d’information apparaît automatiquement si on laisse le curseur immobile sur un mot-clé. En résumé pour tous ces défauts, aucun n’est rédhibitoire au point de gâcher l’expérience de jeu sur consoles, mais ils mériteraient d’être corrigés via de prochaines mises à jour.

Vive l’austérité modernisée

Les jeux Paradox ont souvent été raillés, à juste titre, pour leur austérité graphique. Pour Crusader Kings III, le studio a fait un effort considérable pour rendre sa simulation plus attrayante. La charte graphique des cartes est plus agréable, en particulier la transition entre les différents niveaux de zoom qui est fluide et bien plus élégante que par le passé. Selon le niveau de zoom, la carte change de style graphique et de légende afin de nous donner des informations complètement différentes. On passe en une fraction de seconde de cartes du monde Politique à petite échelle à des cartes de région Physique à grande échelle. L’effet est grisant.

La lecture des textes est agréable

La police d’écriture et la visibilité du texte ont été adaptées pour les grands écrans, si bien que la lecture reste agréable, peu importe la quantité de texte et la taille des fenêtres ou infobulles. Le jeu est entièrement localisé en français mais nous regrettons parfois certaines erreurs de traduction ou tournures qui manquent de subtilité. La partie supérieure gauche de l’écran est consacrée aux ressources de notre maison via un bandeau permanent. Ainsi, nous pouvons visualiser à tout instant la taille de notre armée, nos finances, la renommée de notre dynastie, le niveau de notre prestige et de notre piété. Dans le coin inférieur droit, on retrouve le calendrier avec la vitesse d’écoulement de notre partie, modifiable à tout moment. Une partie de Crusader Kings se joue en temps réel, mais il est également possible de mettre l’écoulement du temps en pause afin d’élaborer sa stratégie ou d’analyser les informations sans aucune pression.

La personnalisation reste limitée

Nouveauté intéressante, Paradox a introduit dans Crusader Kings III la modélisation en 3D des personnages. Nous sommes loin des modèles photoréalistes des derniers AAA mais par rapport aux anciens titres du studio, c’est une révolution. Ces rendus 3D, accompagnés de petites animations, humanisent encore plus les personnages, ce qui renforce notre empathie à leur égard. D’autant plus qu’ils évoluent en fonction de l’âge, des comportements de vos personnages et de leurs événements vécus. Concernant la personnalisation de notre leader, si son physique nous est imposé, nous pouvons, via le menu “Barbier”, modifier sa coiffure, sa robe et la couleur de ses cheveux, même si le nuancier est restreint. Un petit plus qui renforce l’aspect RPG du jeu. Néanmoins, nous constatons une certaine redondance liée au nombre réduit de modèles de visages différents.

Pour nous accompagner dans nos aventures, la musique se veut classique et en phase avec la thématique du jeu. Elle reste discrète en temps de paix et se montre plus menaçante en temps de guerre, avec l’ajout de percussions. Dans l’ensemble, elle a l’élégance de se faire oublier, ce qui n’est pas pour nous déplaire vu le nombre d’heures que nous passerons sur le titre à l’écouter en boucle.

Enfin, si cette version consoles est très proche de la proposition initiale sur PC, elle souffrira de la comparaison sur le long terme par l’absence des mods. De plus, un nouveau titre du studio souffre toujours de la différence de contenu par rapport à l’opus précédent, alimenté par de nombreux DLC pendant des années après la sortie du jeu de base. Il faudra par exemple être patient pour incarner la Sérénissime République de Venise dans Crusader Kings III.

Testé sur Xbox Series X

Bilan

On a aimé :
  • Une liberté dans le roleplay vertigineuse
  • Un formidable incubateur d’histoires
  • L’ergonomie à la manette
  • Une interface graphique agréable
  • L’ajout de la 3D pour les personnages
  • Les efforts pour rendre le jeu plus accessible
On n’a pas aimé :
  • Seulement deux dates de départ possibles
  • Une intégration de l’encyclopédie maladroite
  • L’absence de l’option d’importer des mods
  • Un didacticiel trop court, malgré son efficacité
  • La gestion brouillonne de son armée sur la carte
Un Lannister paie toujours ses dettes

L’adaptation sur consoles (PS5 et Xbox Series uniquement) de Crusader Kings III est une réussite épatante. Certes, l’expérience de jeu est inférieure à celle optimale sur PC, mais elle n’a pas à rougir de la comparaison et s’en approche beaucoup plus que ce que l’on osait espérer, grâce à une exploitation intelligente de la manette. Les amateurs de jeux de grande stratégie ou de l’histoire médiévale doivent absolument essayer ce jeu, d’autant plus qu’il est disponible dans le Xbox Game Pass depuis sa sortie. Crusader Kings III est un incontournable dans sa catégorie et nous offre une richesse de roleplay hallucinante. Néanmoins, le titre reste un jeu de niche tellement exigeant qu’il découragera la majorité des joueurs, malgré les efforts des développeurs pour le rendre plus accessible. Par contre, si vous adhérez pleinement au concept, Crusader Kings III est le Saint-Graal.

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Crusader Kings III

Genre : STR

Editeur : Paradox Interactive

Développeur : Paradox Development Studio

Date de sortie : 01/09/2020

Prévu sur :

Xbox Series X/S, PlayStation 5, PC Windows