Test - Sherlock Holmes : Chapter One - La genèse du parfait détective conseil

«L’écrit tue, la tech nique» , - 0 réaction(s)

Qu’il nous a manqué ce brave Sherlock ! Cinq ans après Sherlock Holmes : The Devil’s Daughter, Frogwares nous propose un nouvel épisode du plus célèbre des détectives intitulé Sherlock Holmes : Chapter One. Entretemps, le studio ukrainien profita d’une virée dans l’horreur lovecraftienne de The Sinking City pour apprivoiser le développement d’un jeu en monde ouvert et réfléchir à l’avenir de leur licence fétiche. C’est donc à une évolution majeure pour la série que nous sommes conviés avec ce neuvième opus des aventures du fin limier britannique. Si Sherlock Holmes : Crimes & Punishments, sorti en 2014, avait permis de passer un cap important avec le passage du moteur du jeu à l’Unreal Engine 3, les lieux visités demeuraient étriqués, se limitant à deux mini quartiers de Londres pour l’opus suivant The Devil’s Daughter. Cette fois-ci, Chapter One nous offre un véritable open world à parcourir avec l’île fictive et méditerranéenne de Cordona, sous protectorat anglais. Pour nous faire saliver un peu plus, Frogwares nous invite même à partager sa vision des événements fondateurs qui ont poussé Sherlock Holmes à devenir le fantastique détective conseil qui nous fascine tant.

Oui, mais voilà, The Sinking City nous a déçus il y a deux ans et demi avec une technique catastrophique pour un monde ouvert (rectifiée en partie avec la version optimisée Series X|S sortie cette année) et des choix de gameplay déroutants. Comme Sherlock Holmes : Chapter One s’appuie sur les bases apportées par cette dernière aventure, nous devrions être inquiets à l’heure d’entamer notre voyage pour Cordona. C’était sans compter sur notre capacité à nous transformer en citoyen digne de sa Majesté : quoiqu’il arrive, on garde son flegme et on déguste sa tasse de thé.

Que la lumière soit, et Sherlock fut

Une île charmante et un duo prometteur

Notre aventure commence en 1880 au moment où Sherlock, jeune adulte, débarque sur l’île de Cordona en compagnie de son ami Jon, qui n’est évidemment pas le Dr Watson. Ce paradis méditérranéen n’est pas inconnu pour nos deux effrontés. En effet, la famille de Sherlock s’y installa quelques années jusqu’au décès de sa mère Violet Holmes en 1869, qui repose en paix au cimetière local. La mort tragique de sa mère est l’objet du retour de Sherlock à Cordona. Le prodige est enfin prêt à découvrir ce qui s’est réellement passé ce jour-là, à revivre les événements qu’il a refoulés au plus profond de lui et qui le hantent, malgré la désapprobation de son frère aîné Mycroft. Cet arc narratif sera l’énigme principale et le fil rouge de notre périple, comme fut l’intrigue autour de la fille adoptive de Sherlock dans The Devil’s Daughter.

Quel beau gosse !

Que les fans des anciens épisodes se rassurent, le monde ouvert ne cassent pas en mille morceaux l’organisation traditionnelle des enquêtes à mener. Nous aurons ainsi 4 grosses affaires à élucider en plus de celle liée à la tragédie familiale qui se débloquent uniquement après avoir terminé la précédente. La première sert de tutoriel et se passe intégralement dans notre hôtel le jour de notre arrivée. Elle est à notre goût trop courte et plutôt décevante. La seconde est beaucoup plus touffue et intéressante tout en nous apprenant les dernières mécaniques de gameplay et nous permettant enfin de nous balader dans le monde ouvert. En revanche, les 2 dernières sont véritablement passionnantes, voire déchirante pour la troisième enquête, sans doute l’une des plus marquantes tous épisodes confondus. Et que dire du dénouement final de notre aventure, à part avouer qu’il nous a fortement émus. C’était un pari osé de s’attaquer à la genèse du détective de Baker Street et surtout d’en proposer une version crédible qui ne déçoive pas les passionnés. De notre côté, c’est un grand oui et nous tirons notre chapeau aux scénaristes de Frogwares.

Assassin’s Creed Cordona

Contrairement aux apparences, Sher ne chôme pas

Si d’aucuns peuvent faire la moue à la lecture de seulement 5 grosses affaires, ils se trompent. Déjà, leur nombre reste conforme à la tradition de la série et la résolution de ces intrigues principales demanderont une vingtaine d’heures de jeu, soit le double de la durée de vie des anciens épisodes. Surtout, le monde ouvert apporte à l’expérience une multitude de petites affaires secondaires, de chasses au trésor, de recherches sur le patrimoine de Cordona et … de camps de bandits à débarrasser. Ces mini expériences s’articulent souvent autour d’une mécanique principale de jeu, telles les enquêtes proposées par le commissariat de police où l’on doit la plupart du temps reconstituer mentalement les événements de la scène du crime. Tout ceci peut se faire à n’importe quel moment une fois qu’on a découvert leur existence au fil de nos pérégrinations et permet par exemple de laisser de côté une enquête principale en cas d’impasse provisoire. Ainsi, les complétistes auront sans doute besoin d’une bonne dizaine d’heures supplémentaires.

Même les aigles nous disent de monter là-haut

Si on comprend rapidement l’intérêt d’un open world pour implanter facilement des événements et des quêtes à des endroits précis, encore faut-il qu’on prenne plaisir à le parcourir. Contrairement à l’ambiance glauque et horrifique d’Oakmont dans The Sinking City, Cordona est une ville-îlot bénie des Dieux, baignée de soleil, au patrimoine historique exceptionnel et remplie de vie. Plusieurs fois, nous avons souri en imaginant Evie et Jacob Frye escalader les tours de la vieille ville médiévale, infiltrer un manoir de la bourgeoisie britannique expatriée, préparer un assassinat du haut d’une ruine de l’époque romaine ou mettre la pagaille dans un entrepôt crasseux géré par les mafieux des quartiers pauvres au nord de l’île. Au-delà de cette richesse architecturale et sympathique à découvrir, Cordona est une véritable poudrière. Ce carrefour méditerranéen est tiraillé entre les autochtones musulmans, l’armée et les riches résidents britanniques qui contrôlent l’île, les gangs et les migrants d’une multitude de nationalités. Les différents quartiers sont bien représentés et distincts et l’on remarque même à la fin du jeu que certaines zones demeurent grisées sur la carte, probablement de futurs lieux de prédilection pour ... le passe saisonnier proposé en supplément du jeu de base.

Et là, c’est le drame

Beau de loin, loin d’être beau

Si la direction artistique est globalement réussie et de nombreux panoramas de la cité nous charment, nous devons toutefois souligner la qualité grossière de nombreuses textures. Après la claque visuelle d’un Forza Horizon 5, déambuler dans les rues de Cordona pique souvent les yeux, en partie à cause d’un chargement tardif des textures HD. Comme dans beaucoup de mondes ouverts de jeux AA, le clonage effarant parmi les PNJ secondaires et la quasi impossibilité d’interagir avec l’essentiel des éléments du décor sont de la partie. Si bien qu’on profite de la balade quand on découvre un nouveau lieu puis on abuse rapidement des accès aux voyages rapides disséminés un peu partout sur la carte pour ne pas perdre de temps à déambuler dans des ruelles qui n’ont la majeure partie du temps pas grand-chose à nous offrir.

Ci-gît la technique, RIP

Malheureusement pour le studio ukrainien, une fois de plus (une fois de trop ?), la technique est d’un niveau indigne de la nouvelle génération de consoles, voire de l’ancienne sur certains aspects. En comparaison de The Sinking City qui était catastrophique à sa sortie, ce Sherlock Holmes montre des progrès, notamment dans la modélisation des visages et les animations de notre détective. Ce dernier se déplace de manière plus naturelle et moins robotique que ne l’était celle de Charles W. Reed. Pour le reste, nous retrouvons, même sur Series X, les fameuses chutes de framerate et un clipping monstrueux dès que nous faisons courir notre héros. De nombreux bugs de collision et des rotations de caméra à la fluidité douteuse corsent nos déplacements. Heureusement, du moins sur Series X, les temps de chargement restent relativement courts quand nous entrons dans les rares bâtiments qui se visitent pour avancer dans nos enquêtes, mais nous émettons de sacrés doutes pour la version du jeu sur Xbox One. Le plus dur à digérer demeure le sentiment d’une régression de la technique par rapport à la version optimisée pour Xbox Series X|S de The Sinking City sortie en avril 2021. Ainsi Chapter One semble se situer entre les deux versions de l’expérience lovecraftienne, en attendant qu’il soit à son tour optimisé dans plusieurs mois, voire années.

Nous comprenons la logique financière qui entraîne certains studios AA à sortir rapidement les jeux. Il faut bien remplir les caisses le plus tôt possible, d’autant plus dans le cas de Frogwares qui auto-édite cet épisode suite à son litige avec son ex-éditeur Nacon. Toutefois, en tant que passionnés de jeux vidéo et amateurs de Sherlock Holmes, nous restons sur notre faim et ressentons de la frustration face à cette faiblesse technique.

Un gameplay classique mais toujours aussi efficace

Notre meilleur ami après Jon, le carnet d’affaires

Concernant les mécaniques de gameplay, le jeu récupère les phases de gameplay qui ont fonctionné par le passé tout en essayant de corriger les autres. Premier bon point, parcourir son carnet d’affaires est plaisant grâce à une bonne ergonomie et un design clair. Très souvent, on obtient par un témoignage, une conversation ou une recherche dans les archives l’adresse approximative d’un lieu (facile à trouver), à nous de le repérer sur la carte et de s’y rendre. Une fois sur place, on fouille les lieux pour retrouver des indices, dont certains exigent l’utilisation de notre super sens de détective activable par la touche RB. Les informations sont ensuite consignées dans notre journal pour les utiliser lors d’entretiens avec les témoins ou suspects et pour nous orienter dans la suite de l’enquête. D’ailleurs lors de la première rencontre avec des suspects potentiels, la phase traditionnelle d’observation de ces derniers afin de dresser un portrait précis des personnages est toujours d’actualité. Sur les scènes de crime ou importantes, une phase de reconstitution des événements se met en place. Il s’agit de choisir une saynète parmi deux ou trois, à différents endroits de la scène. Le jeu n’étant absolument pas punitif, en cas d’erreur, nous sommes simplement invités par Jon à nous “reconcentrer”.

Sherlock, le roi du déguisement

Une fois que nous obtenons des preuves ou indices majeurs, nous pouvons émettre les fameuses déductions dans le palais mental de Sherlock. Ce dernier n’entre en jeu que pour les 5 grosses affaires. La mécanique consiste à combiner deux par deux les faits récoltés pour établir une déduction importante. Certaines déductions offrent une alternative suivant l’interprétation que l’on souhaite valider. Dès lors, un enchaînement en cascade des déductions peuvent aboutir à la désignation d’un coupable. Ainsi, chaque grosse affaire offre généralement une résolution bâclée par faute d’indices récupérés et deux autres dénouements très crédibles sans pour autant en considérer un meilleur que l’autre. C’est à ce moment-là que nous sommes confrontés en tant que joueurs à nos propres dilemmes moraux et que ce mini-jeu apporte toute sa saveur. Quel est selon nous le vrai coupable ? Une fois celui-ci désigné, décidons-nous de le livrer aux autorités locales ou de le laisser en liberté par compassion ou intérêt supérieur ? Nous pouvons même dire que le choix final dans une enquête nous a laissés sans voix. Que choisir entre la peste et le choléra, la justice pour individu ou le bien d’une communauté ?

1 + 1, ça fait 11 !

Au-delà de cette boucle de gameplay classique mais toujours efficace dans les jeux de Frogwares, nous profitons de plein de mini jeux pour varier les plaisirs et changer la routine. Ainsi, pour rester fidèle à l’univers de Sherlock, nous retrouvons les analyses chimiques qui demandent dans cet épisode de résoudre de simples équations mathématiques en liant des cartes “Réactifs” (nombres) avec des cartes “Manipulations chimiques” (opérations). Nous avons également besoin de trouver le bon déguisement dans notre garde-robe ou chez les commerçants du coin pour entrer dans certains endroits ou tromper la vigilance de certaines personnes. Frogwares a eu la bonne idée de retirer l’arbre de compétences et ce côté RPG qu’il avait mis en place pour The Sinking City. De plus, il a aussi modifié les phases de combat. Il faut considérer ces dernières comme un mini jeu de rythme où nous sommes encouragés à désorienter nos adversaires en tirant dans des endroits précis lors de moments en bullet time et en réussissant un QTE. Rien de passionnant mais l’ambiance reste fun à petites doses.

A casual game, my dear Jon !

Les bandits vont prendre cher dans un instant

Sherlock Holmes : Chapter One continue l’orientation de la série vers la casualisation, entamée par Crimes and Punishments en 2014. Par défaut, la difficulté est réglée sur “Jeune détective”, soit la plus basse, le signal donné par les développeurs ne trompe pas. Le menu paramètres permet à tout moment de modifier les curseurs de difficulté pour les phases d’investigation et de combat. Il est même possible de pouvoir passer ces dernières lorsqu’elles interviennent au cours d’une enquête si vous les trouvez rébarbatives. Pour corser l’investigation, nous pouvons faire disparaître les icônes d’interaction (quand nous sommes éloignés de l’emplacement des objets), accentuer la difficulté des analyses chimiques et diminuer les temps de décision. Toutefois, le jeu n’est pas du tout punitif puisque nous sommes invités inlassablement à recommencer toute tentative échouée pour n’importe quelle mécanique de gameplay. À moins de créer ses propres challenges personnels afin d’augmenter le plaisir de jeu, comme réussir les analyses chimiques avec un minimum de cartes jouées ou reconstituer une séquence d’événements du premier coup, jouer à une expérience made in Frogwares est devenu une balade de santé.

Un véritable ami dit toujours la vérité

Une balade de santé, certes, mais finalement très agréable à parcourir. C’est un plaisir de jouer Sherlock et son interprétation est remarquable. De plus, son chara design est réussi à nos yeux. La modélisation des personnages principaux du jeu est montée d’un cran par rapport aux titres précédents. Surtout le duo Sherlock / Jon fonctionne à merveille. Ce choix permet non seulement de compenser l’absence de Watson mais corrige l’un des principaux défauts de The Sinking City, où Reed, seul au monde, ne pouvait même pas dialoguer avec lui-même. Jon entre directement dans la caste des personnages secondaires qui marquent un joueur, notamment grâce à ses facéties, la plupart du temps hilarantes. Et puis, celui-ci n’hésite pas à conseiller ou réprimander “Sher” et à le consoler dans les moments douloureux que traverse ce dernier. Pour couronner le tout, les références au lore du héros de Sir Arthur Conan Doyle sont nombreuses et sympathiques à découvrir. Une fois de plus, Frogwares respecte profondément cet univers et brille dans la narration, à nos yeux, l’élément le plus important pour interpréter avec délectation notre détective préféré.

Testé sur Xbox Series X

Bilan

On a aimé :
  • Un Sherlock Holmes jeune adulte fascinant
  • Un duo avec Jon au top
  • Les trois dernières enquêtes remarquables
  • Le plaisir de découvrir l’île de Cordona
  • Un gameplay qui fonctionne toujours
  • Le monde ouvert pour démultiplier les possibilités de jeu
On n’a pas aimé :
  • La faiblesse technique habituelle et pénible
  • Le manque de challenges, même en difficile
  • Les deux premières enquêtes bonnes mais poussives
  • Des phases de combat limitées et répétitives
Je vous trouve un charme fou

Sherlock Holmes : Chapter One est bien un jeu labellisé Frogwares, une expérience unique pour le meilleur et pour le pire. La technique reste une nouvelle fois le gros boulet qui entraîne l’expérience de jeu vers l’abîme, le facteur qui fera fuir au premier regard les amoureux des beaux graphismes et de la fluidité parfaite. Les anciens de la franchise seront une nouvelle fois peinés par l’orientation inexorable des titres du studio vers la casualisation. Toutefois, ceux qui auront résisté à la tentation de passer leur chemin profiteront d’un titre généreux, d’un monde ouvert agréable à découvrir où se multiplie les intrigues secondaires, d’un duo Sherlock / Jon qui fonctionne à merveille et surtout de 5 grosses affaires de plus en plus passionnantes à élucider qui ne les laisseront pas indemnes. Malgré tous les défauts de cet épisode, nous ressortons cette fois-ci charmés de ce voyage à Cordona et avons hâte de parcourir la suite des aventures du plus grand des détectives.

Accueil > Tests > Tests Xbox One

Sherlock Holmes : Chapter One

PEGI 0

Genre : Aventure/Réflexion

Éditeur : Frogwares

Développeur : Frogwares

Date de sortie Xbox Series X|S et PS5 : 16 novembre 2021

Prévu sur :

Xbox Series X/S, PlayStation 5, PlayStation 4, PC Windows