Test – Life is Strange : True Colors – Coup de blues à Haven Springs

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Six ans après la sortie d’un premier épisode salué par la critique et les joueurs, la licence Life is Strange revient avec un quatrième volet que Square Enix a confié à Deck Nine Games. Pour rappel, ce studio basé dans le Colorado était déjà responsable du prequel Before the Storm, sorti en 2017. Avec ce nouvel épisode, disponible sur Xbox depuis le 9 septembre, les développeurs ont souhaité placer les émotions et l’empathie au cœur d’un nouveau récit fantastique. Suffisant pour maintenir l’intérêt des joueurs ?

La petite ville de montagne de Haven Springs, nouvelle étape dans la vie d’Alex.

“But I’m a creep, I’m a weirdo”

Orpheline, la jeune Alex Chen vient de passer les huit dernières années à être ballottée entre foyer et familles d’accueil. Marquée par ce qu’elle y a vécu, un nouveau départ s’offre à elle au sein de Haven Springs, ville paisible nichée au sein des montagnes du Colorado, cher à Deck Nine Games. Un habitant en particulier attend l’arrivée de son bus : son frère aîné, Gabriel, qui n’a jamais cessé de remuer ciel et terre pour qu’ils soient à nouveau réunis. Malheureusement pour elle, à peine Alex a t-elle le temps de trouver sa place au sein de cette petite communauté qu’un nouveau drame vient détruire ses rêves de vie heureuse et paisible...

Dans cette petite bourgade, dont la situation géographique rappelle la série Twin Peaks (1990), Alex va pouvoir mettre à profit un pouvoir aussi fascinant qu’encombrant : percevoir les émotions et pensées de ses interlocuteurs. De quoi faciliter son enquête sur les causes de l’accident et panser les plaies des habitants.

Comme toujours avec Life is Strange, le scénario est au cœur du jeu qui, rappelons-le, est centré sur la narration. Impossible donc d’en dire plus sans dévoiler ce qui fait l’intérêt du titre. Que les habitués de la série soient néanmoins rassurés, ils restent ici en terrain connu tant les éléments qui ont fait le succès des précédents épisodes sont tous présents : un personnage principal jeune doté d’un pouvoir unique, une petite ville des Etats-Unis, des problèmes personnels et un mystère à résoudre, le tout saupoudré d’une bonne dose de musique folk. Si ces ingrédients fonctionnent toujours aussi bien dans les faits, ce manque de prise de risque de la part du studio peut être pointé du doigt.

L’autre point qui a permis à Life is Strange de se faire une jolie place dans le cœur des joueuses et joueurs, c’est sa capacité à traiter de sujets sociétaux parfois tabous et trop rarement abordés. Tout au long de l’aventure, True Colors nous place aux commandes d’un personnage hyper sensible et empathique qui va devoir faire face aux maux de notre société : maladie, addiction, dépression, violence. En début de partie, la lecture de nos messages en attente ressemble malheureusement à une addition de sujets assez sensibles (harcèlement, racisme, etc.). Si ces thématiques, parfois dures, sont majoritairement traitées avec subtilité, il faudrait cependant veiller à ce qu’elles soient amenées plus naturellement.

Jed, véritable figure paternelle, est l’un de nos personnages préférés.

Si le tout s’avère aussi touchant, c’est aussi grâce à la capacité du studio américain à conserver un autre maillon de l’ADN de Life is Strange : développer une galerie de personnages plus attachants les uns que les autres, même les plus “critiquables”. Les nombreux objets et écrits disposés sur notre route nous permettent en effet d’en savoir plus sur l’histoire mais également sur les différents protagonistes ainsi que sur notre environnement. D’où l’intérêt d’y prêter un minimum d’attention, sous peine de se sentir moins investi émotionnellement.

Malgré ce travail d’écriture de qualité, le panel d’émotions véhiculées demeure parfois inégal. Certaines scènes et dialogues paraissent bien trop prévisibles ou niais (“Lève-toi et bats-toi”) quand ils ne flirtent pas dangereusement avec les clichés (le morceau Creep de Radiohead repris à la guitare par une jeune adulte). Malgré tout, le jeu parvient à disséminer quelques fulgurances durant les phases d’enquête et lors d’un troisième chapitre qui tente des choses intéressantes en allant au bout de ses idées.

Bien que Life is Strange : True Colors demande une bonne heure de jeu avant de se lancer vraiment, qu’il ne dure que huit à dix heures et que la révélation finale ne soit pas des plus mémorables, Deck Nine Games remplit parfaitement le cahier des charges scénaristique du bébé de Square Enix. On peut néanmoins lui reprocher de prendre trop peu de libertés par rapport aux fondations posées par nos chers français de chez Dontnod Entertainment.

“And I’ll see your true colors, shining through”

Pour les trois du fond qui n’auraient pas suivi l’actualité jeu vidéo de ces six dernières années ou s’ils sont, tout simplement, passés à côté des trois opus précédents, rappelons les bases du gameplay de Life is Strange. Nous incarnons un personnage, ici Alex, en vue à la troisième personne dans des environnements en 3D. Notre protagoniste doit mener l’enquête sur des événements mystérieux, le tout en menant sa propre vie faite de hauts et de bas, en dialoguant avec les différents personnages secondaires et en scrutant les différentes informations dont fourmille son environnement. La saga appartient à la catégorie des jeux narratifs, composée de nombreux dialogues, de lecture et d’un gameplay assez limité. Sa particularité tient principalement dans les choix qui impactent le déroulement de l’histoire et l’utilisation d’un pouvoir propre à chaque épisode. Comme précisé précédemment, Alex a la capacité de percevoir les émotions des personnes qui l’entourent et d’entendre leurs pensées.

Chaque halo de couleur correspond à une émotion. Ici, la colère.

Soyons clairs, en dehors de ce nouveau pouvoir, True Colors ne bouleverse en rien la série une fois la manette en main. Tout y est, ni plus, ni moins. Il nous faut donc interagir avec des objets, dialoguer souvent et longtemps et parfois faire des choix cornéliens. Bien qu’étant un des arguments de vente principaux du jeu, le pouvoir d’Alex reste sous-développé et son utilisation reste trop scriptée pour marquer les esprits.

Cette notion de scripts, bien qu’inhérente à la majorité des jeux narratifs tend parfois à prendre le pas sur l’émotion. De manière générale, le titre conserve le dirigisme des autres opus. Pas de quoi crier au loup mais cela participe à créer un sentiment de facilité qui colle au titre de bout en bout. Que ce dernier n’intègre pas de Game Over est une chose, mais il est assez décevant de se sentir pris par la main avec des objectifs pourtant très clairs et le rappel des interactions possibles qui s’affichent à l’écran.

À cela s’ajoute un manque de liberté d’action qui agace en 2021. Il faut bien comprendre que la ville de Haven Springs est d’une taille extrêmement réduite et que seuls quatre des magasins qui la composent peuvent être visités. Et ce uniquement lorsque le jeu nous le permet. C’est trop peu ! En découle la désagréable impression d’assister à une suite de dialogues, aussi qualitatifs soient-ils, entre lesquels notre héroïne doit simplement aller d’un bâtiment à un autre.

La jolie petite ville de Haven Springs a bénéficié d’un soin tout particulier.

Et que dire si ce n’est que les déplacements ne sont pas spécialement agréables, à défaut d’être fonctionnels. Alex manque terriblement de souplesse, de rapidité et sera par exemple incapable de traverser un parterre de fleurs ou de sauter par-dessus une barrière qui lui arrive aux genoux, nous obligeant à faire un détour en suivant le bitume. Une fois de plus, un panel de mouvements plus développé ne paraît pas indispensable pour un tel jeu mais devoir faire des détours dans une ville si petite a le don d’énerver. Surtout quand on sait ce que peuvent proposer d’autres titres, parfois indépendants, dans des zones bien plus vastes.

Toujours au rayon des petits défauts à souligner, on peut interroger la nécessité et la longueur de temps de chargement, qui accompagnent notamment les entrées et sorties des bâtiments. Les nouvelles consoles ne permettent-elles pas de supprimer ces temps de chargement qui cassent la progression ? De même les sauvegardes automatiques sont étrangement configurées et obligent parfois à refaire des phases de dialogue ou revoir des cinématiques de plusieurs minutes. Évidemment, il est impossible de les passer...

Dernier petit détail qui nous chagrine : l’utilisation de notre téléphone portable qui nous permet de lire les messages reçus ou de suivre l’actualité de la ville sur un réseau social. Alors qu’Alex reçoit quelques messages durant les phases de jeu, notamment pour lui rappeler un objectif, des volumes importants de messages apparaissent au début des 5 chapitres que compte le titre. La lecture de ces différentes notifications, bien qu’intéressantes, tend également à casser la progression car elle nous demande de passer plusieurs minutes à rattraper ces messages en retard. Pourquoi ne pas les avoir dilués de façon plus subtile durant les phases de gameplay ?

Malgré ces quelques menus défauts, le tout demeure plaisant, dans la droite lignée de la série et ne devrait pas bousculer les amoureux du genre.

Tout en nuances

D’un point de vue technique, True Colors semble faire les frais de la cross-gen. Il ne fait malheureusement pas honneur à la Xbox Series X, alors qu’il est censé être optimisé. En plus de temps de chargement bien présents, le titre ne semble jamais offrir une fluidité proche des 60 FPS, ce qui semble pourtant être le minimum attendu. Les saccades entre cinématiques et phases de jeu sont bien présentes et ce malgré un moteur graphique loin d’être parmi les plus gourmands. Enfin, la possibilité d’activer ou non le ray tracing dans les paramètres demeure anecdotique tant nous n’avons pu percevoir de différences flagrantes une fois cette option activée.

L’attention portée aux regards est saisissante.

Néanmoins, le jeu s’avère graphiquement bien plus fin que ses aînés. Nous avons été particulièrement séduits par le travail effectué sur les expressions faciales et plus spécifiquement sur les regards des personnages, qui aident à véhiculer leurs différentes émotions.

Malgré les problèmes cités plus haut, se promener dans Haven Springs est un plaisir pour les yeux et offre un contraste saisissant avec la noirceur de certaines thématiques. Seule la mise en scène, un brin feignante et figée depuis 6 ans, en particulier durant les dialogues, ne fait pas honneur au travail du studio. L’aventure reste tout de même ponctuée de plusieurs séquences qui ont retenu notre attention, soutenues par des choix de musiques qui, si elles ne plairont pas à toutes et tous, font leur petit effet (Dido, Kings of Leon, Radiohead, etc.). Un excellent doublage français vient compléter le tout et confère un supplément d’âme à des personnages déjà très humains.

Test réalisé sur Xbox Series X (optimisé)

Bilan

On a aimé :
  • L’histoire intrigante tient en haleine...
  • L’émotion et les sujets sensibles sont bien présents...
  • Haven Springs et ses habitants sont attachants
  • La direction artistique et l’ambiance générale sont maîtrisées
On n’a pas aimé :
  • ...même si la révélation finale n’est pas à la hauteur
  • ...même s’ils sont parfois mal amenés
  • L’aspect technique et la liberté d’action sont en retrait
  • À quand une réelle évolution de la licence, avec des thématiques renouvelées ?
Des bleus à l’âme

Life is Strange : True Colors respecte l’héritage de ses aînés. Peut-être trop. Trois ans après le dernier épisode proposé par Dontnod Entertainment, Deck Nine Games n’a que trop bien suivi le cahier des charges. Passée la découverte du pouvoir d’Alex Chen et l’amélioration graphique, trop peu de nouveautés sont proposées pour bousculer les fans de la licence. Mais que ces derniers se rassurent, tous les éléments ayant fait le succès des épisodes précédents sont bien présents. Le plaisir de découvrir Haven Springs, ses mystères et ses habitants est réel et l’émotion toujours au rendez-vous. Il faut néanmoins fermer les yeux sur une technique, une liberté d’action et une mise en scène vieillissantes. Le prochain jeu de la saga devra nécessairement prendre plus de risques, qu’il s’agisse des thèmes abordés ou de la diversité des phases d’exploration. Sous peine de passer irrémédiablement de l’émotion à l’ennui.

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Life is Strange : True Colors

Genre : Aventure/Réflexion

Éditeur : Square Enix

Développeur : Deck Nine Games

Date de sortie : 10/09/2021

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 4, PC Windows