Quoi que l’on en pense, le média jeu vidéo a encore un cap à passer pour qu’enfin il puisse s’affranchir du Cinéma en matière de narration et voguer de ses propres ailes dans un ciel d’émotions aussi varié que celui de son grand frère. Deliver Us The Moon est le parfait exemple pour nous montrer que la magie est possible mais aussi qu’elle a bien du mal à se libérer des ersatz lourdeaux d’un héritage vidéo ludique. Quoi qu’il en soit, cette épopée spatiale issue d’un projet kickstarter nous offre un fantastique voyage solitaire qui vaut le coup d’être vécu…
Le savant montre la Lune...
Eh oui, il n’y a pas eu besoin d’un virus dans le futur proche de Deliver Us The Moon pour plonger l’humanité dans une lente agonie. Elle n’a eu besoin de personne pour épuiser les ressources de la Terre, pour couper la branche sur laquelle elle posait ses lourdes fesses. L’humanité exsangue vit alors sa survie dans un projet totalement fou mené par la World Space Agency : construire sur la Lune un complexe incroyable à même d’extraire à lui seul une source d’énergie inépuisable capable d’alimenter la terre. Un espoir que tout le monde pensait perdu à jamais : celui de repartir sur de nouvelles bases en tirant les leçons des erreurs présen… passées.
Sauf que voilà, alors que tout semblait fonctionner, quelques années après la mise en fonction du complexe, les communications avec la colonie lunaire furent brutalement interrompues et la source d’énergie fut perdue. La World Space Agency ne se releva pas de cette crise et la Terre sombra dans le désespoir. Malgré tout, les quelques employés restants ne perdirent pas cet espoir et entreprirent de préparer une mission de la dernière chance. Et c’est nous, l’heureux élu, dernier astronaute formé, le seul que l’agence peut encore envoyer avec ses maigres ressources sur la colonie pour découvrir ce qui s’est passé et en rétablir la liaison avec la Terre. L’espoir de l’humanité toute entière repose entre nos mains. De quoi motiver si l’on arrive à supporter la pression que cela nous met sur les épaules.
...le joueur la regarde des étoiles dans les yeux
Deliver Us The Moon est une quête solitaire. C’est bien simple, durant la poignée d’heures qui constitue notre périple on ne croisera pas une seule personne. Nos seuls compagnons sont un robot appelé ASE et les contacts radio avec la Terre. Mais on n’a jamais le temps de s’ennuyer, dès le début nous sommes embarqués dans une course contre la montre, dont les références oscillent du côté cinématographique entre le Gravity d’Alfonso Cuaron et le Moon de Duncan Jones. C’est dans son rythme qu’excelle Deliver Us The Moon. Un rythme ciselé, cinématographique, suspendu entre moments de tension et de calme et réussissant l’amalgame entre action et contemplation. C’est le moment pour moi de glisser un gros coup de cœur pour l’ambiance sonore, véritable petite merveille qui arrive à transcender l’aventure lunaire de Deliver Us The Moon. Petit à petit, le jeu installe une mélancolie progressive, arrive à nous impliquer dans ses enjeux, à nous faire vivre des émotions. Deliver Us The Moon est une réussite à ce niveau et pour ce faire, l’équipe de Keoken Interactive a opté pour un changement régulier de point de vue. Suivant les phases de gameplay, on alterne entre vue à la première personne et à la troisième.
Ces changements amplifient l’immersion, comme la vue à la première personne utilisée lorsque l’on se trouve en apesanteur ou lors de nos déambulations dans les couloirs déserts de la colonie à la troisième personne. Cette dernière vue augmente cette sensation de solitude.
Les phases de gameplay sont variées entre petits casse-têtes, menus passages de plateforme, conduite de véhicules et une pincée de quick time event, le tout à découvrir en endossant ce rôle si particulier de technicien et d’enquêteur. On doit certes rétablir le contact avec la Terre dans une colonie en mauvais état mais aussi découvrir ce qui est arrivé aux colons. Deliver Us The Moon prend le parti de suivre le périple d’un personnage qui a vécu les évènements de la colonie de l’intérieur et dont on va suivre les traces, jusqu’à avoir le sentiment de le poursuivre et espérer une rencontre. Le jeu fonctionne particulièrement bien sur ses deux enjeux que sont le sauvetage de la terre et l’histoire de la colonie, même si les moyens utilisés sont pour le moins éculés et décevants.
Pour comprendre l’histoire, veuillez lancer cet enregistrement
Deliver Us The Moon n’arrive pas à éviter l’écueil de la plupart des jeux vidéoludiques narratifs, à savoir la surcharge de données écrites trouvées de façon éparse dans la colonie et de scènes enregistrées que nous sommes obligés de nous farcir pour suivre l’intrigue principale. Certainement confrontée à leurs limites, l’équipe de Keoken Interactive nous abreuve de séquences holographiques moches, sans aucune animation mais heureusement bien doublées en français intégral. Je parle ici de limites car lorsque l’on voit l’animation souffreteuse de notre personnage principal, on se dit que ce n’est pas plus mal d’éviter de la subir aussi dans ces trop nombreuses scénettes holographiques. Ce contraste entre ces avancées poussives de l’histoire et la beauté de la mise en scène de Deliver Us The Moon est criant et fait regretter une distillation de l’histoire plus en élipse, plus interactive, plus inventive, moins tout venant vidéoludique en somme.
Ces maladresses narratives n’enlèvent rien au charme de Deliver Us The Moon, elles s’atténuent juste de façon regrettable. L’autre écueil vient des limites d’un petit studio financé sur Kickstarter et se retrouve dans le manque de maîtrise technique du jeu. Mal optimisé sur Xbox One X, il devient asthmatique sur Xbox One première génération. Les animations comme décrites plus haut font de la peine et quelques bugs viennent ternir un petit peu l’expérience. Rien de bloquant heureusement, mais assez pour le signaler dans ce test.
Le coin des chasseurs : Deliver Us The Moon n’est pas avare avec ses 32 succès. Il n’est pas difficile de tous les récolter mais certains d’entre eux nécessiteront certainement une deuxième partie, voire l’aide d’une soluce pour découvrir les secrets cachés par les développeurs dans les recoins de notre périple. Une majorité d’entre eux se gagnent néanmoins en suivant le fil de l’histoire, en récoltant les informations et autres dossiers trouvés sur notre chemin. En investissant un peu de temps, ce sont quand même 1000 G faciles à récupérer.