On n’y croyait plus. Ou pour être tout à fait exact, on n’y croyait pas. Les arlésiennes vidéoludiques étant monnaie courante, l’annonce d’un remake officiel de Resident Evil 2 il y a un peu plus de trois ans aura autant fait péter de braguettes que lever de sourcils. Pourtant, il est bel et bien là ce remake d’un des épisodes les plus emblématiques de la saga horrifique de Capcom, et on peut dire qu’il a un sacré poids sur les épaules !
MON ÉPISODE SHERRY
1998. Il paraît si près et en même temps si loin le temps des… Cathédrales oui, c’était bien cette année-là ! 1998 c’est la première étoile de l’équipe de France, c’est Titanic, c’est Sandy Valentino, c’est la première pièce de 1 euro. 1998 c’est aussi la suprématie de la PlayStation, des nouvelles licences à foison, de Ocarina of Time, Metal Gear Solid, Tekken 3… Mais 1998 c’est surtout la mode des jeux 3D aux décors en 2D précalculée, et Capcom en est le maître incontesté grâce au succès planétaire de Resident Evil premier du nom. Resident Evil 2 est, pour beaucoup de joueurs de l’époque, une référence du genre survival horror. Moins gothique que son aîné, plus orienté action mais avec une ambiance sonore et visuelle somptueuses ainsi que ses deux scénarios croisés, le titre aura marqué toute une génération.
Autant dire que s’attaquer à un tel bestiau est un pari risqué pour la firme japonaise, qui peine depuis quelque temps à conserver les fans de la première heure tout en essayant de moderniser la franchise. D’autant plus que lorsqu’on évoque un remake, tout fan residentevilesque qui se respecte pense naturellement à l’opus Gamecube sorti en 2002. Avec sa refonte graphique totale, l’ajout de nouvelles pièces dans le manoir ainsi que de nouveaux environnements extérieurs, de nouvelles énigmes et une réalisation complètement remaniée, il étaitest parvenu à surpasser l’opus original de 1996. Depuis le très controversé Resident Evil 4, la saga a peu à peu perdu de sa superbe en se détachant de plus en plus de ses origines pour basculer, dans le pire des cas (coucou Resident Evil 6) dans le nanar d’action imbitable et injouable. Avant de voir si les joueurs ont de nouveau les chocottes avec un Resident Evil, c’est bel et bien Capcom qui doit avoir des sueurs froides !
REMAKE ME FEEL
Parlons tout d’abord de la forme avant d’attaquer le fond. Le jeu utilise le RE Engine, introduit avec le septième épisode. Sur Xbox One X, le moteur fait des merveilles : un contraste dynamique, de somptueux effets de lumière et de particules, des reflets et des textures qui accentuent le photoréalisme, une fluidité à toute épreuve… Tout ce qu’il faut pour un rendu hautement cinématographique. En revanche, on ne peut pas en dire autant pour la version Fat et S : légers ralentissements, bugs de lumière et de textures, aliasing, désynchro audio… Il est vraiment dommage de constater une telle différence d’optimisation entre les différentes versions, même si le résultat reste dans l’ensemble de belle facture et ne gâchera que très peu le plaisir de jeu.
Le sound design est un pur régal. Un néon qui claque, un plancher qui craque, une canalisation pétée, la pluie et le vent s’engouffrant dans une fenêtre cassée, des grognements au fond du couloir… Tous ces petits détails confèrent à l’ambiance sonore un réalisme à glacer le sang, en plus de vous donner des indices sur la localisation des ennemis, surtout si vous jouez au casque. Les musiques remplissent bien leur office sans être mémorables. Par contre, gros coup de gueule concernant la présence des musiques originales uniquement dans la version collector du jeu. Un contenu déblocable ou au pire une réorchestration aurait été bien plus appréciable, d’autant plus qu’il s’agit là de l’une des plus grandes qualités de Resident Evil 2 version 98. L’arrivée dans le commissariat, bordel ! Pour finir sur l’audio, vous pouvez switcher à tout moment entre les différentes langues, la version anglaise étant sans surprise bien au-dessus des autres. Les environnements, en particulier les intérieurs, fourmillent également de petits détails qui renforcent le sentiment de solitude et de désolation lorsqu’on pénètre dans un bureau déserté, ou dans un parking uniquement éclairé par les gyrophares des voitures de police. Cela aurait été tout juste parfait si l’interaction avec le décor n’était pas aussi proche du néant. Impossible de renverser les bouteilles de bière sur une table ou d’endommager une porte en shootant un ennemi, ce qui vient parfois casser l’immersion pourtant présente de fort belle manière.
L’un des aspects qui aura inquiété les fans hardcore du jeu original est l’abandon des caméras fixes pour adopter la vue à la troisième personne, à l’instar des épisodes Revelations. Choix judicieux car, tout en permettant à Capcom de ne pas rebuter les plus jeunes joueurs, cela permet aux vieux briscards de redécouvrir ces environnements si familiers sous un autre angle. Cela fonctionne très bien dans la plupart des situations, même si cela rend certains affrontements plus ardus, surtout contre les ennemis les plus véloces. Essayer de dessouder trois clébards qui tentent de vous sauter à la gorge dans des couloirs de trois mètres de large pourra bien vous faire galérer ! On ne peut pas vraiment considérer cela comme un défaut car l’utilisation même des caméras fixes participait au stress des combats. D’autant plus que la localisation des dégâts se révèle assez poussée, en tout cas sur les zombies de base, qui s’écroulent au bout de quelques balles dans la jambe, perdent leurs membres ou voient leur tête exploser sous vos assauts répétés. Il ne faut d’ailleurs pas minimiser le danger qu’ils représentent car il peuvent rapidement vous barrer le chemin et vous encercler dans les endroits exigus, casser des fenêtres et défoncer des portes, en plus de se relever deux ou trois fois après avoir été mis à terre. Heureusement, les objets de défense du premier remake font leur grand retour (couteau, grenade à fragmentation et grenade aveuglante). Le gameplay est souple et agréable à prendre en main, même si viser correctement à la tête vous demandera un petit temps d’adaptation… et quelques balles dans le placo. Il est juste dommage de ne pas avoir ajouté une esquive en plus du demi-tour rapide, qui aurait été bien utile dans certaines situations.
L’inventaire limité ainsi que les malles de stockage sont de nouveau de la partie, ce qui donne un charme assez old-school au titre, même si cela risque de surprendre ceux qui n’ont jamais tâté à un épisode de la série. Vous risquez de faire de nombreux aller-retours si c’est votre première fois à Raccoon City ! Les machines à écrire sont aussi présentes mais n’auront de réelle utilité qu’en mode Hardcore, car vous aurez besoin d’un bon vieux ruban encreur pour sauvegarder. En mode Normal, vous pouvez sauvegarder de manière illimitée, même si des checkpoints sont présents aux moments clés. La map a elle été modernisée, comportant le nom des pièces traversées et vous indiquant même celles qui n’ont pas été totalement fouillées, en plus de noter la localisation des éléments importants.
Maintenant que la partie technique est évacuée, il est temps de se demander si ce Resident Evil 2019 a réussi à faire vibrer ma corde sensible ; à savoir celle d’un joueur ayant poncé l’opus original jusqu’à la moelle, qui attend une véritable adaptation qui conserve toutefois les ingrédients essentiels du titre.
UN P’TIT VERRE DE LICKER ?
Parce-que bon, j’ai l’air de faire le mec détaché mais en vérité, le poids de la nostalgie est énorme en ce qui concerne Resident Evil 2, et je ne pense pas être le seul. C’est donc avec une objectivité tout à fait subjective que je peux vous confier que ce remake tant attendu remplit haut la main, et avec une certaine classe, le pari de contenter à la fois les fans et les nouveaux venus.
- Nan mais j’avais pas hyper envie de passer par là de toute façon.
Déjà, à la manière du remake Gamecube, les développeurs ont totalement repensé l’architecture du commissariat ainsi que les autres environnements traversés par le joueur. Suffisamment pour surprendre ceux qui connaissent le chemin par coeur en ajoutant quelques pièces, couloirs et étages, tout en conservant certains détails permettant d’identifier les zones cultes du jeu. C’est non sans une certaine émotion que l’on s’attarde plus que nécessaire dans le bureau des S.T.A.R.S., dans la chambre noire ou dans la bibliothèque. Pour cela, la refonte du commissariat est sans nul doute l’une des plus belles réussites de ce Resident Evil 2. Comme évoqué plus haut, le sentiment de solitude que l’on éprouve en arpentant les couloirs glauques et délabrés de cet ancien musée est bien réel. D’autres passages sont très réussis mais c’est moins le cas en ce qui concerne les égouts, trop longs et manquant quelque peu d’inspiration. Bien que cet environnement soit présent dans la version de 98, les développeurs auraient pu prendre un peu de liberté pour apporter encore plus de nouveautés dans le cheminement ; d’autant plus que cela fonctionne très bien quand ils choisissent de le faire au cours de l’aventure.
L’angoisse que suscite la désolation de l’environnement prend tout son sens avec le bestiaire. Créature phare à ranger au panthéon des bestioles les plus infâmes de la saga, le Licker est toujours aussi redoutable. Particulièrement rapide et résistant, ses cris risquent de vous figer sur place, si vous ne l’avez pas repéré au préalable au plafond ou collé à un mur. Vous risquez d’ailleurs d’avoir des surprises si jamais vous vous souvenez de certains de ses emplacements ! Mais si on ne devait en retenir qu’un, ce serait certainement le Tyran T-103. Également baptisé “Mister X”, ce colosse de trois mètres de haut n’est ni plus ni moins qu’un Terminator destiné à vous traquer pour vous éliminer. Précurseur du Nemesis de Resident Evil 3, le géant en imper avait quelque peu traumatisé ceux qui s’en rappellent, même si son champ d’action n’était limité qu’à quelques salles. Ici, il peut pénétrer dans pratiquement toutes les pièces, à l’exception des rares zones de repos ; et peu importe si d’autres ennemis sont déjà là pour vous bouffer, ce ne sera que la cerise sur le gâteau. Nombreuses seront les phases de traque où la fuite sera préférable à la confrontation, car même les armes les plus sophistiquées de votre arsenal ne feront que le ralentir quelques secondes. Encore une fois, chapeau au sound design qui a la capacité de vous faire hérisser les poils rien qu’au bruit de ses pas dans le couloir ! En revanche, petite déception en ce qui concerne les boss. Il font plus office d’éléments perturbateurs dans l’histoire plutôt que de réels challenges manette en main. Dommage, d’autant plus que d’autres épisodes (RE4 voire même RE5 si l’on est indulgent) étaient plus inventifs en la matière.
L’un des tours de force du Resident Evil 2 originel était de proposer deux scénarios sensiblement différents pour chaque protagoniste. Très bonne surprise de voir à l’écran titre qu’il en est de même pour cette nouvelle mouture. Vous aurez donc le choix entre Léon ou Claire pour commencer l’aventure puis, une fois la première partie terminée, le menu “2nd run” apparaîtra dans le menu principal afin de jouer la deuxième partie avec l’un ou l’autre des protagonistes. Mais à part quelques événements différents et d’autres personnages rencontrés selon que vous choisissez Léon ou Claire, les scénarios comportent le même lot d’incohérences narratives qu’en 98 ; à savoir résoudre les mêmes énigmes, ouvrir les mêmes portes à l’aide des mêmes clés… Même s’il s’agit davantage d’un scénario alternatif pour chaque personnage, avec les moyens techniques actuels, Capcom aurait pu pousser le concept encore plus loin afin de proposer des actions et des chemins réellement différents. On pinaille, on pinaille !
La tonalité plus réaliste et plus sombre se ressent également dans la direction du titre. Grâce à une mise en scène remise au goût du jour, les personnages ont gagné en consistance et c’est tant mieux. Sans aller jusqu’à dire que l’on a maintenant un thriller psychologique de haute volée, l’aspect nanardesque est atténué au profit de relations beaucoup plus crédibles et intéressantes entre certains protagonistes, notamment pour les duos Léon/Ada et Claire/Sherry. L’évolution de Léon en particulier est plus progressive et, bien qu’il soit toujours un jeune flic naïf bourré de principes, il est bien moins neuneu qu’il y a 21 ans. Comptez un peu plus de 10 heures par personnage pour terminer chaque campagne en version A et B, sans se presser. Pour prolonger le plaisir, deux autres modes de jeu sont à débloquer, à savoir The 4th Survivor et Tofu, déjà présents dans la version originale, ainsi qu’un troisième mode Mercenaries qui fera son apparition plus tard. Ajoutez à cela des costumes alternatifs ainsi que des artworks et autres figurines, pour obtenir un remake au contenu de base plutôt généreux.