Je suis plus ou moins caché derrière un abri de fortune qui s’émiette à chaque impact qu’il reçoit, tout n’est que fureur et cris autour de moi. Je sors une partie de ma tête rapidement hors de ma cachette pour repérer les ennemis en espérant ne pas recevoir une balle perdue, j’en vois un plus haut qui essaie de prendre de la hauteur. Je pivote sur mon genoux et épaule mon XM8, le viseur point rouge de ma lunette le cible directement.
Malgré la sueur qui perle de mon front, j’ai le temps d’apercevoir son visage, qui même sans le vouloir, restera gravé dans ma mémoire, comme tous les autres avant et après lui. Un visage sali par les explosions et la poussière comme le mien, produisant une expression difforme que seules l’adrénaline et la peur de mourir peuvent produire. Il me voit et me vise. J’appuie rapidement sur la gâchette, en quelques centièmes de seconde se déclenche un mécanisme vieux d’une centaine d’années, que les milliards de dollars engloutis dans l’armement ont rendu de plus en plus efficace et meurtrier : le percuteur vient taper dans l’amorce d’une munition de 5,56mm dont la charge de poudre explose et projette la balle dans le canon rayé. Pendant que cette balle file à la vitesse mortelle de 950m/s vers sa cible, le gaz produit par l’explosion réarme le percuteur, éjecte la douille dans un léger nuage de fumée et replace une autre munition dans la chambre de tir. Aussitôt, mon doigt, comme guidé d’un instinct que les centaines d’heures d’entraînement ont rendu automatique, re-presse la détente pour projeter une seconde balle dans le torse de mon ennemi qui s’écroule, comme terrassé par une force invisible.
J’ai à peine le temps de me relever et de courir tout en pensant qu’un jour, je serai peut-être à sa place -que j’y serais forcément-, qu’une énorme explosion fait voler en éclat tout un coin de maison derrière laquelle j’allais me protéger. Comme pour me punir d’avoir eu cette idée, je reçois des dizaines de débris en plein visage que mon bras protège à peine. Chancelant et désorienté, tout n’est plus que bruits étouffés et vision floutée, un peu de calme dans cet enfer. Je suis sorti brusquement de ce paradis tout relatif par un camarade qui me donne de quoi me remettre sur pied.
J’ai juste eu le temps de voir le responsable de mon état de faiblesse dont on sort rarement vivant : un char T-90 et son canon de 125mm, prêt à refaire feu sur notre position, s’il n’avait pas soudainement explosé grâce au bombardement inopiné d’un chasseur-bombardier allié guidé par un drone.
Moins de 10 secondes viennent de se passer.
Bienvenue sur le champ de bataille. Bienvenue… dans la Bad Company.