Attendu de pied ferme par l’ensemble de la communauté Xbox, Hellblade II s’offre enfin à nous. Il faut dire que les joueurs ont dû prendre leur mal en patience depuis le premier trailer dévoilé lors des Game Awards 2019, en même temps que la Xbox Series X, créant par la même occasion une espérance insatiable. Véritable messie qui laisse présager d’un renouveau dans les titres first party pour certains, simple suite arrivant trop tard pour d’autres, la communication (ou son absence, selon l’appréciation) autour de ce titre attendu au tournant a fait couler beaucoup d’encre. Au point que Ninja Theory, le studio derrière la (désormais) saga, a trouvé nécessaire de remettre en perspective son ambition pour ce deuxième opus qui, rappelons-le, est vendu 49,99 €.
Long time no see
Un petit retour en arrière nous semble nécessaire avant d’entrer dans le vif du sujet. Sorti en août 2017, dans un premier temps sur PlayStation et sur PC, le premier Hellblade a su séduire de nombreux joueurs. Mais pas que, puisqu’en juin 2018, Microsoft rachetait le studio Ninja Theory, s’offrant par la même occasion les droits de la licence et l’exclusivité d’une potentielle suite. C’est donc en 2024, soit près de 7 ans après la parution du premier épisode (et une petite erreur de parcours plus tard, coucou Bleeding Edge), que Senua nous revient dans une nouvelle aventure.
Le prisme nostalgique nous permet de nous souvenir de l’ambiance incroyable du premier titre, nous plongeant dans la folie de notre héroïne et de son voyage métaphorique en contrée nordique. Plusieurs thèmes forts en intensité tels que le deuil, la religion, mais également la psychose étaient au centre de la narration, celle-ci étant le plus souvent implicite et libre d’interprétation. Mention spéciale pour la partie audio qui s’apprécie pleinement avec un casque fixé sur les oreilles, la spatialisation sonore pouvant faire rougir d’envie l’intro de Voodoo Child.
Le reste est… moins mémorable. Il est vrai que les faibles interactions (énigmes et combats) dont dispose le titre n’étaient pas des plus réussies. Qualifié par de nombreux joueurs d’un “walking-sim”, magnifié, celui-ci souffrait même de terribles longueurs malgré les six heures nécessaires pour en voir le bout. Il s’agissait sans doute de sacrifices obligatoires afin d’atteindre un tel rendu technique, pour une production autoqualifiée de “AAA indépendant”. C’est désormais (présumément) libéré de ces contraintes budgétaires et avec un temps de développement allongé que Hellblade II se présente à nous, sortie qui devait être contextualisée.
Björn et Björk sont sur un bateau…
C’est pieds et poings liés dans un navire que nous retrouvons notre héroïne, Senua, dans une scène d’introduction visuellement impressionnante. La tempête fait rage, les éléments de la nature sont déchaînés et c’est déjà l’occasion d’admirer l’incroyable soin apporté aux différentes animations faciales des personnages, puisque l’ensemble tourne en temps réel.
C’est parmi les cris et les éclairs pourfendant le ciel que l’on nous explique la raison de cette captivité : Senua s’est laissée attraper de plein gré par les hommes du Nord afin de stopper le problème à son origine, en arrêtant définitivement le chef des esclavagistes une fois amenée jusqu’à lui. Ce dernier est responsable du pillage de son village et de la mort de Dillion, son bien-aimé, qui lui a valu de descendre aux enfers dans le premier Hellblade. Le deuil étant fait, c’est une volonté de mettre fin à ce cycle de malheur qui rythmera nos pas.
Un naufrage plus tard, Senua foule enfin la côte de l’île qui deviendra notre terrain de jeu. Helheim et ses environnements surnaturels n’est plus, c’est désormais l’Islande avec ses paysages à couper le souffle qui accueille notre aventure.
Un mal différent hante ces lieux, des créatures mythiques appelées “Géants” qui terrorisent la population locale. Sans trop vous en dire, sachez simplement que la narration se veut plus directe et moins cryptique que dans le premier épisode, Senua n’étant plus seule puisque des alliés se joindront à elle, permettant par la même occasion d’avoir des dialogues autre qu’avec elle-même. Fini l’introspection, place à l’action !
On prend les mêmes et on recommence ?
Les premiers moments de Hellblade II sont l’occasion de nous faire un récapitulatif du premier jeu, au sens propre comme au figuré, puisqu’il s’ouvre sur une vidéo condensée de l’histoire (qui se retrouve ici).
Mais ces premières minutes manette en main permettent également d’alterner entre phases de marche dans des couloirs faisant la part belle à l’exposition de son scénario, à une énigme par surimpression de sigils dans le décor, à l’écoute d’une stèle qui nous en dévoile plus sur son lore, et nos premiers combats, toujours dans des arènes fermées. En d’autres termes, ils mettent bout à bout l’ensemble des différentes pièces du puzzle présentes dans le premier opus. Le ton est donné : pas de révolution au programme, on est clairement dans la continuité de Hellblade : Senua’s Sacrifice.
Heureusement, le côté “cahier des charges” de cette entrée en matière s’estompe dès la deuxième partie du chapitre 2, moment où cette suite prend réellement son envol. Comme si les petits gars de chez Ninja Theory avaient voulu nous replonger une dernière fois dans leur système précédent, histoire de nous proposer une douce transition vers ce qui nous attend après. À commencer par une ambition artistique revue à la hausse.
Oh que c’est beau !
Chaque texture, animation faciale, effet de lumière et bien plus encore nous laissent admiratifs devant le travail titanesque effectué sur l’aspect technique de Hellblade II, jusqu’à nous décrocher la mâchoire à certains endroits tellement le jeu est splendide. De plus, le studio anglais a eu la bonne idée d’apporter une identité visuelle propre pour chacun des six chapitres qui composent l’aventure, nous donnant l’envie d’aller sans cesse plus loin afin de découvrir la prochaine claque pour notre rétine.
La direction artistique n’est pas pour autant mise de côté avec d’une part les vastes panoramas islandais modélisés à la perfection, et bien sûr d’autres trouvailles visuelles que nous tairons, pour vous en laisser la surprise, en particulier sur plusieurs scènes qui resteront en mémoire pour longtemps.
L’ensemble des déplacements et agissements de nos personnages est réalisé par motion capture et cela se ressent. Le moindre mouvement est criant de vérité, la plupart des animations étant uniques. Il en est de même pour les affrontements qui, bien qu’ils restent fort similaires dans leur approche (une nouvelle fois sur base de contres, esquives et coups légers/forts), gagnent heureusement en dynamisme, ce qui était indispensable au vu de ce qu’on a connu sur le jeu précédent.
Fini les groupes d’adversaires en simultané, chaque combat se fait sous la forme d’un duel, nous évitant par la même occasion de devoir pester sur la gestion de la caméra.
En contrepartie, un ennemi vaincu laisse place au suivant et ils sont globalement plus coriaces, nécessitant une précision accrue, même si les “perfect parry” sont toujours aussi puissants.Le tout est également réalisé par motion capture, avec de nombreuses animations différentes dans la façon dont Senua bloque, riposte ou même finit ses coups. Les transitions d’un opposant à l’autre se font de manière spectaculaire, avec de multiples changements de plans de caméra. Ces valses d’épées et de coups sont d’ailleurs nettement mieux distillées durant notre progression, rendant chaque affrontement mémorable.
Cette réussite graphique est sublimée par une spatialisation sonore toujours aussi remarquable, encore une fois à apprécier au casque ou via un bon système surround, avec les murmures et les voix internes de Senua qui commentent toujours autant nos actions. Précisons que les voix du jeu ne sont disponibles qu’en version originale, en anglais, avec des sous-titres en français.
Hellblade II risque de faire parler de lui sur le long terme, tant le rendu graphique (même sur Xbox Series X, support où nous avons testé le jeu et dont les screenshots de cet article proviennent) est tout bonnement bluffant. Il rejoint sans sourciller les ténors du genre, et certains effets visuels, en particulier sur les jeux d’ombres, les teintes rouges dans la fumée ou encore le décor qui se change sous nos yeux de façon organique, rappellent l’excellent Alan Wake 2, qui nous avait également fort impressionnés sur sa direction artistique et sa technique. Mention spéciale à l’incroyable mode photo qui se dégaine d’une simple pression sur le d-pad, et ce à tout instant.
Trop linéaire et peu de rejouabilité
Malheureusement, cette fidélité graphique a un prix, et l’ambition du studio sur le plan visuel n’est pas du tout retranscrite sur la partie gameplay du titre puisqu’en dehors des combats remaniés, on retrouve, hélas, des énigmes qui n’en portent que le nom.
Les sigils, formes à repérer dans le décor en surimpression afin d’ouvrir une porte, sont à notre grand dam, de retour, bien que moins nombreux qu’avant. Un effort a cependant été fait pour faciliter ces phases obligatoires, qui sont étonnamment plus dirigistes et linéaires que précédemment, laissant peu de place aux essais-erreurs, ce qui rend ces énigmes très peu intéressantes.
L’absence totale d’interface et le format 16:9, avec les bandes noires, renforcent d’un côté l’immersion dans les instants contemplatifs, mais donnent également cette sensation d’évoluer dans un film interactif.
Sur plusieurs passages, seule la possibilité d’avancer tout droit nous est accordée, sans aucune interaction avec le décor, le tout en étant cloisonné entre des murs invisibles.
Le rythme global de Hellblade 2 a bien été remanié, notamment en retirant les nombreux allers-retours du jeu précédent et en se permettant même quelques ellipses afin de fluidifier le récit. Mais cette avancée sous la forme d’un long couloir perdure jusqu’à la fin du titre, qui d’ailleurs nous a semblé assez précipitée. Quant à la durée de vie, il nous a fallu 7 heures pour terminer Hellblade 2, un temps qui comprend quelques moments qui, selon nous, ont plutôt fait office de remplissage que de réel intérêt scénaristique.
La rejouabilité est de plus assez limitée puisque l’intégralité des moments scénarisés ne peut pas être accélérée, car réalisée en temps réel, a contrario d’une cinématique. Un chapitrage est néanmoins présent, donnant aux joueurs qui le souhaitent le choix de revivre leurs instants préférés.
Il serait facile de reprocher à Hellblade II de n’être qu’une démo technique glorifiée pour l’Unreal Engine 5 et ses différents modules technologiques. Certes, il est vrai que le jeu signe ici un portfolio très flatteur pour le moteur graphique, mais ce serait omettre l’énorme travail réalisé sur la narration et la mise en scène, qui font clairement partie des arguments pour se lancer dans l’aventure que propose le jeu.
OK, c’est beau, mais ça tourne comment ?
Techniquement, le titre tourne parfaitement bien sur Series X puisque nous n’avons subi aucun crash ou baisse de framerate. Au contraire même. Plafonnée à 30 images par seconde, la finition est impressionnante sur console et la copie rendue est très soignée.
Quant à la mouture PC, nous avons pu faire tourner le jeu en 60 images/secondes sur un ordinateur équipé d’une RTX 4070 Super et d’un processeur i5-13600K, le tout poussé au max sur un écran 2K et le DLSS mis sur “qualité”.
Sur PC, la gestion de la lumière est plus fine que sur console, même constat pour les textures, bien que la version Xbox n’ait pas à rougir au vu de la puissance dont elle dispose. Le jeu semble néanmoins très gourmand, avec des performances qui fluctuent et quelques zones qui auront fait crasher le jeu pour plusieurs membres de la rédaction, surtout dans sa deuxième moitié. À voir si la stabilité sera améliorée une fois que les drivers officiels Nvidia seront disponibles, mais en l’état, assurez-vous d’avoir les ressources nécessaires afin de le faire tourner convenablement.
Test réalisé sur Xbox Series X, code fourni par l’éditeur