Le premier jeu sur lequel j’ai passé du temps était Galaxian.
Dans une salle de jeu, il y avait plein de bornes, et j’aurais pu mettre ma pièce dans n’importe laquelle. J’ai mis pas mal de temps à choisir, bien décidé à dépenser mon maigre argent de poche.
Un jeu avec un vaisseau, ça a été mon premier critère, et celui-ci n’était pas le plus beau d’entre eux.
Seulement voilà, j’ai été fasciné par le bruit que faisaient les tirs (pishhh), accompagnés par les descentes de gamme des vaisseaux ennemis.
Vous l’aurez donc compris, je suis très sensible à l’environnement sonore des jeux, un élément qui pour moi est aussi important, et parfois plus encore, que les autres aspects techniques de la réalisation d’un titre.
Quelle évolution dans ce domaine !
Les vieux ordinateurs sur lesquels sont apparus les premiers jeux ne pouvaient émettre que de pauvres « bip » éprouvants pour les oreilles, et mieux valait jouer en silence.
Mais rapidement, la musique et les bruitages se sont améliorés. Les japonais sont sans doute les premiers à avoir saisi l’importance du son, et les consoles 8bits, puis 16bits, malgré la taille réduite des cartouches, cherchaient déjà à se démarquer de ce point de vue. Les mélodies se devaient d’être simples, pures, pour immédiatement rester gravées dans nos mémoires. Même chose pour les bruitages, qui ont gagné en complexité au fil du temps. D’une certaine façon, j’avoue un peu regretter cette époque, où les moyens techniques limités obligeaient à une certaine épure, à des mélodies directes et sans fioritures.
C’est l’arrivée du CD qui a vraiment révolutionné la musique des jeux. On pouvait alors entendre de vrais instruments, de vraies voix, et des bruitages complexes reproduisant la réalité.
Deux catégories de jeux ont depuis toujours misé sur l’environnement sonore.
Les jeux de rôle utilisent la musique depuis le début pour aider à faire passer des émotions que des sprites peu expressifs ne peuvent transmettre sans ce coup de main.
Depuis toujours la musique habille les jeux de rôle et leur donne une tonalité propre, à tel point qu’y jouer en coupant le son les dénature nettement.
L’arrivée des survival marque la deuxième catégorie de jeux qui ne peuvent se passer d’un environnement sonore ultra-travaillé, exactement pour les mêmes raisons.
Par la suite, c’est d’une façon générale tous les jeux qui veulent faire passer une émotion qui ont soigné leur BO.
J’affirme que bien des jeux parmi les plus célèbres ne le seraient pas autant sans leurs musiques associées.
Tout le monde connaît le thème principal de Mario, et il lui est indissociable, aussi basique soit-il.
Les grands jeux de rôle de l’époque des 16bits, qu’ils se nomment Final Fantasy VI, Shining Force 2 ou Phantasy Star, ont transporté les joueurs au son de mélodies leur donnant une personnalité unique.
Pour les jeux de rôle, il est d’ailleurs stupéfiant de voir à quel point les premières notes du jeu, dès le menu d’accueil, conditionnent l’état d’esprit du joueur.
Prenons l’exemple de Wild Arm sur PS1. La musque typée western donne une personnalité au jeu qui est par ailleurs totalement absente de son histoire ou de ses graphismes !
Plus proches de nous, quand on parle de Resident Evil ou de Silent Hill, ce sont autant des images que des mélodies qui nous reviennent en tête. Dans Resident Evil, les quelques notes des pièces « sûres » résonnent comme un soulagement et la garantie d’un havre de paix pour le joueur. Dans Silent Hill, les sons torturés annoncent la folie des protagonistes, et le thème du deuxième résume à lui seul tout le jeu. Pour certains, dont moi, ce sont même d’abord des mélodies, puis des images. Autre exemple de musique totalement liée au jeu : ShenMue, dont les notes mélancoliques définissent le jeu dans son intégralité.
Encore plus récent, essayez de jouer à Halo, sur le niveau mythique du cartographe silencieux, en enlevant le son…Bien que la formidable musique ne serve que d’introduction au niveau, elle conditionne le joueur dans un état d’esprit guerrier et héroïque qui va le suivre jusqu’à ce qu’il élimine tous les adversaires présents, et bien après que la musique n’ait cessé de jouer.
Soyez honnête : depuis que vous avez commencé à lire ce texte, des musiques de jeux se bousculent dans votre tête, non ?
Aujourd’hui, dans trop de tests on se concentre avant tout sur la qualité des doublages. Il faut reconnaître que dans beaucoup de jeux ils ont pris une place prépondérante, et pour partie ils ont surtout pris la place de ce qui était avant la combinaison d’un texte et d’une musique. Pour le meilleur ? Pas toujours…Le risque du doublage est que sa fréquente médiocrité a un impact immédiat sur le joueur qui ne croira plus aux personnages. Un texte, lui, a l’avantage de ne pas pouvoir être mal joué, même s’il peut être mal écrit ! Trop de jeux négligent l’importance de la qualité du doublage, donnant l’impression que l’apprentissage qui a été fait pour la musique n’est pas appliqué de la même façon. Pour un exemple de jeu en tirant parti avec bonheur (Mass Effect), combien de jeux se sabrant eux-mêmes par manque d’application et à cause d’acteurs peu concernés par ce qu’ils font ? Cet aspect, trop souvent négligé, est celui dans lequel les jeux vidéo ont la plus grande marge de progression.
Il y a un dernier élément dont on ne parle presque plus, et qui pourtant est tout aussi capital : les bruitages. On a tendance à vouloir des bruits les plus réalistes possibles, et c’est ce qu’on va éventuellement critiquer, alors que ce sont tous les bruitages « autres » qui vont participer à l’habillage du jeu. Logique : un bruit réaliste n’est ni bien ni pas bien, il est juste…réaliste.
Pourtant, pour beaucoup de jeux les bruits inventés sont aussi importants que la musique.
Que serait Sonic sans le bruit particulier des anneaux qu’on ramasse ?
Dans beaucoup de jeux un truc aussi bête que le bruit qui accompagne les navigations dans les menus va soit donner de la personnalité au jeu…soit vous casser les pieds.
Le dernier exemple en date qui me vient en tête concernant les bruitages est Left 4 Dead et sa suite, où les éructations des différents infectés participent pour beaucoup à l’ambiance.
Tout se passe bien, on vient de dégommer une horde de zombies, et la tension reprend en quelques secondes quand on entend du coin de l’oreille un Boomer non loin.
Je suis sûr que vous avez tous votre petit bruitage préféré qui en une demi-seconde vous permet d’identifier un jeu.
Et tout ça pour dire quoi ?
Et bien pour affirmer avec véhémence, en tapant du poing sur la table, mais en rythme, que l’environnement sonore d’un jeu est un élément aussi important que les graphismes d’un jeu.
Quand c’est raté, cela se ressent tout de suite. Pas de façon aussi consciente que ce que perçoit l’œil, mais avec un impact du même niveau. Même les non-mélomanes sont touchés, bien qu’ils ne s’en rendent pas compte.
C’est pourtant quelque chose qui n’est pas toujours estimé à sa juste valeur. Aujourd’hui les BO de bien des jeux sont d’un niveau tout à fait comparable à celles de grands films, et peuvent même s’écouter sans peine dans votre baladeur. La prochaine fois que vous jouez, prêtez une oreille à ce qui rythme vos exploits, vous pourriez être surpris.