De façon plus ou moins détournée, j’ai souvent parlé dans mes éditos de la radicalité des amateurs de jeux vidéo qui les prive du simple plaisir de jouer.
Si certains en tireront comme conclusion que je radote et qu’il serait temps que je prenne une retraite anticipée, je préfère considérer que les effets de cette radicalité sont suffisamment variés pour qu’on les examine chacun sous un prisme qui lui est propre.
Aujourd’hui je vais donc m’intéresser à la formidable intransigeance de joueurs qui ne laissent rien passer, à un point qu’on a parfois l’impression sur les forums de lire les critiques cinéma de Libération.
On observe ce phénomène à deux niveaux : concernant les « gros » jeux, et concernant les jeux plus modestes, ou bien les jeux de niche.
Dans le premier cas, ce sont les blockbusters qui sont visés. Ces jeux qui sont mis en avant par les constructeurs et sur lesquels ils comptent pour vendre des palettes de leur machine.
Ces titres n’ont tout simplement pas le droit au moindre écart, car chaque faiblesse, quand bien même celle-ci serait minime, va être disséquée, sujette à de multiples discussions et débats, accouchant du terrible et définitif « c’est trop nul ». Et ce fameux « trop nul », même s’il cible un point précis, va rejaillir sur le jeu dans son ensemble. Pire, la terrible sentence est le plus souvent exprimée par des gens qui n’ont pas joué au jeu visé : des personnes qui s’appuient sur une faiblesse visible ou connue, comme la durée de vie supposée du titre, un défaut graphique ou autre, sans que cet opinion soit contrebalancée par la finalité du jeu, qui est le simple plaisir éprouvé manette en main.
Ca tombe bien, parmi les nombreuses sorties de fin d’année de la Xbox 360, plusieurs jeux ont eu droit à ce traitement.
On peut prendre comme exemple Halo ODST. On a très vite su que la campagne solo ne durait que 5 à 6 heures de jeu. Par-dessus le marché, le titre ne propose pas d’évolution graphique. Voilà qui a justifié un formidable dénigrement sur les forums du monde entier (sans grandes conséquences sur les ventes du jeu, d’ailleurs…) avant même que le titre ne soit jouable. Des déclarations sur l’aspect scandaleux de vendre un jeu qui ne serait qu’un supplément. Heureux sont ceux qui ont vu au-delà, et qui ont découvert un titre qui atteint ses objectifs, bien conçu, et qui fout la banane à tous les amateurs de la saga. On peut ne pas aimer ce jeu, naturellement, mais dans le flot de critiques qu’il a reçues, combien concernaient le plaisir de jouer ?
Un autre exemple évident est Left 4 Dead 2. Pas d’évolution graphique, pas un contenu invraisemblable, et vendu plein pot. De quoi hurler au scandale. Et si le jeu propose des heures de fun, le deal ne devient-il pas d’un seul coup très correct ? On achète un moteur graphique ou bien du plaisir fourni par un jeu ?
Enfin, Forza Motorsport 3 a lui aussi reçu son lot de déçus pour des raisons absurdes. On ne voit pas le pilote passer les vitesses, ça aurait pu quand même être plus beau, il n’y a pas de météo…Ok, ok...Et si dans le même temps ce qu’il y avait était formidable ?
C’est le bon vieux truc du verre à moitié vide ou à moitié plein. Ce qui manque suffit à engendrer la déception, alors que ce qu’il y a pourrait engendrer la satisfaction.
Les « gros » jeux devraient être des jeux plus que complets qui proposent tout. Il manque une catégorie de voiture, on ne peut pas conduire un char d’assaut, on ne peut pas sauter à 10 mètres…et hop, la critique tombe.
C’est comme ça que dans les tests de jeux, quand quelque chose est remarqué et signalé (ce qui est le boulot du testeur), ça prend parfois des proportions invraisemblables !
Dans la même logique, on voit des réactions délirantes aux tests : « Le jeu n’a que 4 manettes sur Xboxygen, bon, alors je ne le prends pas ». Sans la mention « Très Bien », vous refusez d’acceptez vos diplômes ?
Les autres jeux touchés par cette intransigeance sont les jeux que je qualifierais de normaux.
Ils n’ont pas des budgets de fou, ne bénéficient pas de campagnes de pub énormes, et souvent ce ne sont pas des méga-hits.
Et du coup ils sont justes méprisés. Trop moches, pas une suite connue, on n’en parle pas beaucoup…C’est tout simplement pour beaucoup de joueurs comme si les jeux vidéo se limitaient à trois sorties de jeux catégorie AAA par an. Et pourtant, tous ont forcément leurs styles de jeux préférés, et dans ces jeux normaux, il y a forcément des titres qui répondent parfaitement à leurs attentes.
Pour l’élite des gamers, ces jeux ne mériteraient donc pas d’exister ? Ou bien ils y jouent en cachette, sans le dire à leurs amis, avec un gamertag créé pour l’occasion afin de ne pas se faire griller !
Quand je prête ma console, ou bien juste des jeux, en général je mets toujours dans le lot, à côté du Gears of War 2 qu’on me demande forcément, quelques uns de ces jeux. Je ne compte pas le nombre de fois où c’est un de ces titres sans renom qui a trouvé les faveurs des joueurs prêts à essayer puisque le DVD était là.
Autant l’avouer, je suis personnellement très friand de ces jeux « de seconde zone ». Comme on n’attend en général pas autant d’eux, ils sont souvent plus ciblés sur un type de gameplay ou sur un thème. Pour peu qu’on y soit sensible, on est rarement déçu. Il y a presque toujours dans ces titres quelques bonnes idées, quelques détails qu’on ne retrouve pas ailleurs. Quelle étrange idée de ne pas en profiter à cause d’un esprit fermé. Internet en général, et Xbxoygen en particulier (bhin oui, tant qu’à faire…) permet de lire même longtemps après leur parution des tests de tous ces jeux. Plutôt que de se focaliser sur les défauts et sur la note finale, pourquoi ne pas plutôt regarder ce que propose le jeu et se demander si cela correspond à ce qu’on aime ? Si c’est le cas, foncez, la réponse presque exacte à ce que vous aimez jouer existe probablement déjà, il faut juste prendre la peine de regarder et se concentrer sur ce qui devrait être la valeur fondamentale des jeux vidéo : le plaisir ressenti.
Si vous attendez la femme parfaite, qui ne présente aucun défauts, soit vous attendrez très longtemps, soit vous resterez seul (en fait, vous resterez seul à coup sûr, la femme parfaite n’existant pas).
Pendant ce temps là, ceux qui ont préféré chercher celle correspondant à leurs goûts, quand bien même ce ne sont pas ceux de la majorité ou quand bien même à côté de cela elle aurait des défauts…Et bien eux s’amusent beaucoup plus la nuit, alors que leur voisin à l’exigence maladive cherche le sommeil en regardant d’un œil vitreux un vieil épisode de New York Police Judiciaire…
A vous de voir…
PS : Avant qu’on me taxe de sexisme, la démonstration du dernier paragraphe fonctionne tout autant en inversant les sexes !