(note : dans cet édito, je ne parlerai pas du tout de la Wii. Cette machine se trouve sur une autre planète, mais surtout elle affiche de plus en plus son positionnement différent, et n’a pas sa place dans le sujet)
Vu du prisme européen, en en particulier français, pays très amateur de Playstation, la question posée par cet édito peut sembler incongrue. D’autant plus, et les fidèles lecteurs s’en souviennent peut-être, que c’est la deuxième fois que j’aborde le sujet. Depuis la première fois, je pensais que Sony allait redresser la barre, et c’est effectivement ce qui s’est passé en début d’année…avant qu’ils ne replongent. Il est bien évident que chez nous la PS3 bénéficie d’une exposition importante, que ce soit dans les médias ou dans les grandes surfaces, et que cette exposition laisse l’impression que Sony domine parfaitement son sujet. Ce serait pourtant se contenter d’une analyse nihiliste. Notre marché, quoique non négligeable, n’étant qu’une goutte d’eau dans le marché mondial.
L’examen des chiffres mondiaux disponibles révèle une réalité toute autre.
En Europe, difficile d’avoir quoi que ce soit de précis, GFK faisant payer ses prestations aux professionnels qui gardent jalousement leurs chiffres. On sait cependant que la PS3 a les faveurs au minimum de l’Espagne, de l’Italie et de la France. On sait aussi que la PS3 a obtenu de très bons résultats et a rattrapé la Xbox 360 en un rien de temps.
Mais la tendance ne se confirme pas, et on sait également que la Xbox 360 a, depuis sa baisse de prix, repris une marche en avant effrénée. Ainsi, alors qu’on pensait que la PS3 allait faire oublier la 360, il n’en est rien. Les deux machines coexistent, mais en Europe, la PS3 n’arrive toujours pas à prendre la tête. Un premier constat d’échec pour Sony qui pensait sans doute s’appuyer sur l’énorme image de marque de sa console pour avoir avec l’Europe un marché fort.
Au Japon, marché qui reste important même s’il n’est plus déterminant depuis longtemps, le constat n’est pas meilleur. Naturellement, la machine de Microsoft est bien loin de sa rivale, mais pour la première fois depuis…et bien depuis toujours, elle parvient tout de même à exister, ce qui en soit est déjà une performance. A l’inverse, quand bien même la PS3 a un peu redressé la tête ces derniers temps, elle a également flirté avec les abysses des chiffres habituellement réservés à la machine américaine, et elle est bien loin d’une régularité d’un niveau suffisamment élevé pour être considérée comme un succès. Sur sa terre natal, le résultat est bien décevant.
Et il y a surtout les Etats-Unis, marché principal, celui qui draine les plus gros volumes. Alors que la PS3 était devant la 360 depuis le début d’année jusqu’en juillet, avec plus ou moins 300 000 machines de plus sur ces sept mois, il aura suffi de quatre mois à la 360 pour refaire ce retard et reprendre une avance confortable. Le pire des scénarios pour Sony, puisque la 360 a presque naturellement repris le leadership sur la période la plus importante, créant ainsi une nouvelle dynamique de vente. La PS3 en a beaucoup souffert, réussissant la terrible contre-performance de réaliser un moins bon résultat que l’année dernière à la même période, alors que l’année passée n’était déjà pas glorieuse.
Les données sont donc terribles pour Sony : non seulement la concurrence se porte très bien, mais en plus elle installe une tendance, une dynamique de vente qu’ils devront briser pour pouvoir s’installer.
Les explications à ces difficultés sont nombreuses, et peuvent être identifiées. Il y a naturellement le contexte général qui freine les ventes d’un matériel vendu très cher. Mais après tout, c’est un choix de Sony. Le faible intérêt du grand public pour le Blu Ray n’arrange pas non plus les choses, et cet avantage indéniable de la PS3 n’est que modérément apprécié. On s’en rend particulièrement compte en observant la difficulté de Sony pour positionner sa console : une fois une machine multimédia, une fois un lecteur Blu Ray, une fois une console avant tout… Mais peut-être que la raison fondamentale se trouve ailleurs, dans le comportement et la mentalité de Sony. Que ce soit dans leurs déclarations ou dans ce qu’ils proposent, Sony continue de se comporter comme s’ils étaient toujours les leaders de ce marché. Ils semblent avoir les plus grandes difficultés à ouvrir les yeux sur une réalité pourtant chiffrée. Qui croit encore que la PS3 est une machine trois fois plus puissante que les autres? Qui croit encore que cette machine va être la machine numéro 1 sur une période fantaisiste de 10 ans? Qui croit encore que l’année à venir, comme déjà annoncé à deux reprises, sera l’année PS3 ? Plutôt que de bomber le torse, ne serait-ce plutôt pas le moment de remonter ses manches et de se mettre au boulot ?
Depuis le début, Sony semble intouchable, et malgré des résultats décevants la marque n’a que bien peu été critiquée. N’importe qui d’autre aurait déjà eu le droit à des articles assassins dans la presse. Il aura fallu le temps, mais c’est ce qui est en train d’arriver, tout du moins de l’autre côté de l’Atlantique, où le pragmatisme des chiffres l’emporte sur l’image des marques.
Car ce qui est frappant, c’est l’étonnante faiblesse de la réaction de Sony par rapport à sa situation sur la marché. La baisse de prix de la console est inévitable, et de toute évidence nécessaire pour remonter la pente. Ils viennent de déclarer qu’elle ne baisserait pas de prix avant l’été prochain. En communication Sony, ça veut donc dire qu’elle baissera de prix avant, et je prends les paris pour mars. Mais pourquoi pas en cette fin d’année ? C’est encore une grosse saison de loupée, et laisser l’opportunité à la concurrence de prendre encore un peu plus d’avance. Encore ce comportement de leader qui leur fait oublier les fondamentaux de la logique commerciale. Une dynamique installée est difficile à briser : les acheteurs d’aujourd’hui sont aussi les prescripteurs de demain.
On constate la même faiblesse au niveau de la réponse apportée pour ce qui est du contenu. Le line-up proposé en cette fin d’année, bien que nettement supérieur à celui de l’année dernière, reste bien maigre, sans titres fédérateurs qui pourraient se positionner comme des porte-étendards de la marque. Little Big Planet, aussi bon soit-il, est un jeu destiné à être un succès, mais pas un moteur d’achat.
Et que dire du Home, produit survendu depuis des années, et qui a laissé perplexe les observateurs, y compris chez les amateurs les plus fervents de Sony.
Pendant ce temps, les vrais gros titres, ceux qui sont importants, sont repoussés, repoussés encore, et repoussés encore. Aurait-il fallu précipité leurs sorties ? Certainement pas. Par contre, la moindre des choses aurait été de mettre les moyens en œuvre pour aider les développeurs à accélérer ces sorties.
2008 est à nouveau une année de perdue pour Sony, et ils doivent se tourner vers 2009. Ça tombe bien, c’est l’année prochaine que des jeux très attendus doivent pointer le bout de leur nez. Mieux vaudrait qu’ils tiennent leurs promesses ! Si l’année prochaine, du simple fait de la présence de ces jeux, semble mieux embarquée que 2008, Sony devra pourtant accompagner ces atouts d’une mentalité différente, car cela sera insuffisant. Une baisse de prix est impérative, et pas une baisse de 30 euros, mais plutôt de 100. Sony a toujours comme atout important le nom de sa console, qui garde une réputation étonnamment haute en Europe. Je dis bien en Europe, car sur les autres marchés, il semble évident que Playstation ne signifie plus la même chose qu’il y a quelques années.
Je précise toutefois que les résultats de la PS3 ne sont en aucun cas mauvais. Ils sont juste corrects, mais après une machine ayant connu une domination aussi totale que la PS2, cela résonne comme un échec cuisant.
Peut-être vous demandez-vous pourquoi je m’intéresse à ce point à la PS3, alors qu’en tant que site consacré à la Xbox 360 nous pourrions être satisfaits de ses difficultés ? Et bien parce que nous ne devons pas en être satisfaits ! Déjà parce que le succès de la Xbox 360 n’implique pas forcément le souhait de l’échec de la PS3, mais aussi parce que le marché n’est jamais aussi dynamique que quand deux concurrents essaient de tout faire pour remporter la mise. Pensez-vous réellement que Microsoft aurait autant investi dans des studios, dans des développements de jeux, dans des accords de partenariats avec des gros développeurs ou éditeurs, y compris japonais, si Sony n’avait pas été avec sa PS2 dans une position outrageusement dominatrice ?
Ce que Microsoft a fait avec la Xbox 360, Sony doit le faire pour sa PS3 : être agressif, inventer des choses, passer des accords, proposer du neuf, mettre en avant de nombreux jeux d’une qualité optimale.
Pour le bien des joueurs, qu’ils jouent sur PS3 ou sur Xbox 360 (ou sur les deux pour les plus chanceux), il est nécessaire que ces deux acteurs rivalisent au niveau de l’offre. Sony refuse le combat depuis trop longtemps en se cachant derrière la marque « Playstation » et en vivant dans le passé. Qu’ils comprennent que la situation a changé, et nous, les joueurs, en tireront un bénéfice formidable.
Mais ils n’ont plus beaucoup de temps. S’ils ne réagissent pas très vite en 2009, les courbes de ventes resteront ce qu’elles sont maintenant, et la PS3 sera une machine qui n’aura eu qu’un succès d’estime et qui aura écorné l’image de la marque.