Sur les forums du monde entier, il y a quelques années, on avait pour coutume de détester Electronic Arts. Trop gros, sortant des mises à jour annuelles de leurs produits, vampirisant le marché et l’appauvrissant. Que de déclarations cinglantes envers cet éditeur !
En face de cet ogre, il y avait ce qu’on pouvait appeler « tous les autres ». Activion, Take 2, 2K, Ubi, Eidos, Square,THQ, Infogrames-Atari, Sega, Acclaim, Capcom, et j’en passe. Une myriade d’éditeurs, plus ou moins gros, proposant des produits plus ou moins originaux, sur une base plus ou moins régulière.
L’objet de cet édito n’est pas de chercher à savoir si cela était fondé ou pas, peu importe, mais plutôt de voir comment les choses ont évolué, et comment elles risquent d’évoluer. Sans vouloir vous casser le moral, je ne vois pas vraiment un avenir très intéressant pour notre loisir préféré…
En effet, tristement, l’industrie des jeux vidéo ressemble à n’importe quelle autre industrie, et s’engouffre dans la voie de la concentration à outrance. On compte les morts laissés en chemin. Il n’y a pas de raison objective pour que cela se passe autrement, on parle ici d’un business avant tout, suivant les règles économiques de base. Le marché change, et le public est devenu de plus en plus friand de produits prémachés, calibrés, se ressemblant beaucoup. A ce petit jeu, pour exister, un titre se doit d’être soutenu. Dans son développement, ce qui implique une notion budgétaire importante dès le départ, mais aussi et peut-être même surtout au niveau du marketing qui va vous convaincre que c’est bien LE jeu à avoir.
La notion budgétaire est celle qui frappe de fait les studios de développement : sans un accord passé avec un distributeur aux reins solides, impossible de s’attaquer à un projet ambitieux, ou tout du moins à un projet qui peut tenir la route au milieu de l’offre pléthorique. Je n’ai pas sorti ma calculette pour compter les victimes, mais on a pu être témoins ces dernières années d’un nombre impressionnant de disparitions de studios. Dans le même temps, même des studios à fort potentiel ont été contraints, en affichant des sourires de circonstance, de passer des accords avec des distributeurs puissants pour continuer d’exister. Derrière les discours de façade et de satisfaction, c’est bien leur indépendance qui a disparu.
Quand on passe au niveau de l’édition, les plus gros ont continué de grossir pour devenir des géants, en absorbant non seulement des studios, mais aussi d’autres éditeurs. Ils se sont naturellement dirigés vers une structure et un mode de fonctionnement identique au fameux EA mentionné dans l’introduction de ma bafouille.
Ces géants ont la structure pour répondre à ce que devient le marché, avec une puissance marketing qui a elle seule permet d’imposer les jeux. Cette puissance financière leur permet de ne rater aucun nouveau jeu au potentiel fort. Quand un studio présente un potentiel fort et qu’il démarche les éditeurs, c’est bien avec l’éditeur capable de lui donner un budget conséquent qu’il signera un accord. Même si ce faisant il se retrouve contraint d’entrer dans un moule. Conséquence directe, les petits éditeurs n’ont plus que les miettes pour exister. L’époque où un éditeur modeste trouvait une pépite qu’il pouvait exploiter semble bien révolue, et il y a de grandes chances pour que les concentrations continuent pendant encore un bon moment.
De mon point de vue c’est ce qui pouvait arriver de pire pour les joueurs, tant les lignes éditoriales sont similaires de l’un à l’autre, proposant des titres qui ne prennent pas de risques pour s’assurer des revenus minimums. Les troublions débarquant de nulle part avec un jeu à succès, ça ne se voit plus…
Quelques uns tentent la nouveauté, comme EA avec Mirror’s Edge ou Dead Space, ou bien Sega avec quelques jeux, mais les résultats de ces titres ont été bien décevants, n’encourageant pas à l’originalité. Ajoutons enfin des éditeurs japonais perdus et ne sachant plus comment se positionner, et on obtient au final des jeux nombreux, souvent plutôt bien faits, mais sans grande imagination, se contentant de cloner les recettes des succès précédents.
Il n’en faut pas plus pour comprendre la nostalgie des vieux joueurs, qui se souviennent avec émotion d’une époque ou chaque éditeur avait sa patte. Les jeux Delphine Software, Ere informatique, Sierra ou autres (oui, je sais, tout ça remonte à bien loin, mais bon, j’ai bien dit les « vieux joueurs ») offraient des titres à la personnalité forte qui trouvaient leur place à côté des productions plus courantes, le tout permettant un choix étendu non pas en quantité, mais en styles variés.
Alors il n’y a plus d’espoirs ? Je dirais plutôt qu’il y a peu d’espoirs, mais qu’il y en a quand même (Ouf, on a eu chaud ! Encore un peu et on fermait tout de suite Xboxygen !).
Déjà, au milieu de la production calibrée envoyée par les éditeurs, les constructeurs de consoles se doivent de proposer des produits plus marqués pour se différencier les uns des autres. C’est ce que Sony a fait avait un Little Big Planet ou avec un Heavy Rain, c’est ce que Microsoft a fait avec Alan Wake ou Left 4 Dead (on espère qu’ils continueront avec le Natal), c’est par contre ce que ne fait pas Nintendo, nous resservant la même soupe depuis si longtemps, et avec raison étant donné le succès rencontré. La chance que nous avons, c’est que la qualité continue d’être au rendez-vous sur de nombreux titres, y compris sur des suites qui pourraient sans doute se contenter d’offrir moins de choses.
Une autre possibilité peut venir des jeux au développement « low cost », autrement dit les jeux téléchargeables. Le XLA montre régulièrement son dynamisme de ce point de vue là, et on ne peut que s’en réjouir. Cette plateforme peut également servir de test pour les éditeurs, pour essayer des concepts ou détecter des talents.
Enfin, allez savoir, peut-être qu’un ovni videoludique pointera le bout de son nez, rencontrera un gros succès, et poussera tout le monde à chercher des productions différentes.
Les années à venir, jusqu’à la fin de cette génération de console, seront capitales, et nous donneront la tendance pour la suite. Pour l’instant cette tendance va vers une réduction du nombre d’acteurs, vers la standardisation et vers la simplification pour répondre à un public plus sensible aux campagnes de pub qu’à la qualité des produits. C’est aussi à nous de la modifier en ne restant pas seulement focalisés sur ce qui est mis en avant, nous avons tout à y gagner.