Une fois n’est pas coutume, le royaume de Camelot est menacé. Anéanti, même. Point de trahisons, de dragons ou d’enlèvements, cette fois-ci la faute retombe sur les Chevaliers de la Table Ronde eux-mêmes, qui ont apparemment omis de traiter le Graal avec tout le respect qui lui est dû… Personne ne s’est dénoncé, mais il se pourrait qu’une épée ait malencontreusement ébréché la coupe sacrée… entraînant une explosion aux proportions galactiques. Ajoutons, en bonus, l’invocation d’un Mal ancien prenant la forme d’un géant qui n’a fait qu’une bouchée de la Table Ronde et le tableau apocalyptique est complet. Même Arthur y a laissé la vie. Excalibur est brisée, tout est perdu. Merlin tente cependant une ultime incantation. Le royaume entier est alors envoyé dans des limbes infernaux, la Dimension Astrale, qui ressemble à s’y méprendre aux confins de l’espace. Arthur est ressuscité en pleine Forêt de Brocéliande et il est le seul à pouvoir sauver ce qu’il reste de son royaume.
Tout cela est confus, Merlin. Arrêtez de me faire poireauter.
Si l’on sent bien que les Indonésiens de Gambir Game Studios ont pas mal potassé les légendes arthuriennes, force est de constater qu’ils ont pris un certain nombre de libertés vis-à-vis du matériau d’origine.
Notre bon vieil Arthur ne se départit jamais de son casque occultant son visage, lui donnant un air particulièrement mystérieux et permettant au joueur de se glisser plus facilement dans le personnage. Son armure, son écharpe rouge et ses mouvements vifs rappellent beaucoup plus naturellement le ninja en armure que le preux chevalier, lui donnant presque des faux airs de Shinobi dans ses épisodes sur Mega Drive.
Les personnages ont d’ailleurs cette touche asiatique que l’on retrouve couramment dans bon nombre de productions mobiles, mais qui, ici, est adaptée avec un certain brio. L’étiquette est diversement respectée, rappelant parfois les dialogues décalés de Sacré Graal des Monty Python. À tel point que l’on se demande de temps en temps si Merlin, présenté comme l’archétype du vieux fou excentrique, ne va pas finir par se mettre en colère contre son roi… ou inversement, tant les échanges rappellent parfois la truculence acide d’un certain maître d’armes d’une série bien connue.
Arthur est donc un athlète accompli, enchaînant l’exploration des différents niveaux en petites foulées et à grand renfort de roulades, comme nous pouvons l’observer lors de la prise en main initiale. Les coups et les esquives s’enchaînent avec fluidité dès les premiers écrans, avant que le jeu nous rappelle sans aucune subtilité qui est le patron lors de la confrontation scriptée avec le premier géant. S’il est apparemment possible de le battre avec notre Excalibur cassée, cela doit être long et particulièrement éprouvant.
Au moment fatidique de notre trépas, Merlin arrive in extremis à nous téléporter à Camelot. Bien entendu, la ville est en ruines et dégage une impression tenace de désolation et de désespoir. Mais le vieux sage sait bien plus de choses qu’il ne veut bien l’avouer et dévoile enfin son plan. Les esprits des chevaliers trépassés vont nous aider à rendre à Camelot sa gloire d’antan et peut-être sauver le monde.
- Des statues bien loquaces
Il m’a l’air fort sénile, mais c’est un vil combattant
Fidèle aux codes du genre, Knight vs Giant : The Broken Excalibur reprend scrupuleusement les recettes du roguelite moderne tel qu’on le pratique aujourd’hui. Avant chacun de nos runs, faute d’une Excalibur en état de trancher, Arthur peut emprunter les pouvoirs de l’un des chevaliers de la Table Ronde dont la statue est disponible sur la grand-place de Camelot. Il faut reconnaître qu’au début, la sélection est très réduite. Il n’y a que Lancelot et Bohort, mais c’est amplement suffisant pour se lancer dans l’aventure.
Le premier nous offre sa fidèle épée ainsi que la capacité de faire tomber la foudre, alors que le second nous propose ses couteaux de lancer et ses boules de feu tournoyant autour de notre personnage. Il est possible de choisir un chevalier pour chaque type d’attaque (principale et secondaire, cette dernière étant basée sur un timer). Au fil de l’aventure, d’autres statues sont érigées et permettent ainsi de varier les plaisirs.
Merlin nous renvoie alors à Brocéliande. Nous devons donc nous frayer un chemin au travers d’une faune et d’une flore pas franchement accueillantes. Arthur virevolte, taillade, pourfend, toujours avec grâce et style. Chaque niveau est généré procéduralement mais répond à certaines règles immuables. Dix salles les composent, l’une d’entre elles accueillant un marchand ambulant et une autre une fontaine de vie.
Avec de la chance, nous pouvons découvrir l’un des habitants de Camelot, apeuré et confus, que nous rapatrions automatiquement en ville. D’autres PNJ nous font parfois l’honneur de leur présence, comme ce mystérieux joueur de flûte qui nous met au défi, ou la très sexy Morgane, dont les fort handicapantes malédictions pimentent la partie et s’accompagnent d’un bonus souvent anecdotique.
Les autres abritent toute une série de monstres qu’il faut occire pour avancer. Notre récompense pour la victoire sur chaque arène prend la forme soit d’une copie de la Table Ronde, octroyant des bonus plutôt génériques, soit d’une statue du ou des chevalier(s) utilisé(s) pour la partie afin d’augmenter la puissance de leurs armes ou bien d’un cristal recelant des orbes violets à dépenser chez le camelot et des pièces d’or. Un boss énorme, particulièrement laid et aux attaques titanesques complète évidemment ces festivités.
- Un choix pour monter sa puissance
À chacun de nos échecs, nous revenons à Camelot et en fonction de notre avancée, il est possible d’échanger avec Merlin et les personnages précédemment sauvés. Pour pouvoir exercer leur art (forge, joaillerie, chasse, horticulture...) il faut reconstruire leur échoppe, ce qui coûte bien évidemment des pièces d’or, ainsi que des cristaux arrachés aux cadavres encore palpitants des géants vaincus. Combattre, sauver, mourir, améliorer et recommencer : aucun doute, le studio a bien appris ses leçons.
Parbleu, tout le monde est grognon, par ici
Une certaine routine s’installe donc, motivée en permanence par les besoins liés à notre évolution. Reconstruire Camelot est particulièrement onéreux et à chacun de nos retours, nous effectuons à contrecœur des choix déchirants. Faut-il reconstruire la salle d’entraînement de Galaad ou améliorer égoïstement l’efficacité de nos armes favorites ?
Cette pauvre petite orpheline va-t-elle retrouver sa poupée dans sa maison ou allons-nous nous régaler des compositions du barde, sur une scène digne de ce nom ? Cette limitation calculée des ressources que nous récoltons et l’unique personnage récupérable à chaque partie incite fortement à repartir au combat, une partie complète durant environ une heure.
Une fois le premier run terminé, après un petit twist et un invité surprise pour faire bonne mesure, nous récupérons enfin le Graal. De retour à Camelot, de nouvelles questions plus ou moins inquiétantes se posent.
En parallèle, Merlin nous demande de secourir les habitants restants et de récupérer de quoi réparer la coupe sacrée. Plusieurs personnages commencent à se méfier du mage royal et questionnent à mots plus ou moins couverts sa responsabilité et son rôle réel dans la catastrophe récente. La tension monte, notre foi et la légitimité de notre quête sont mises à rude épreuve.
Les possibilités offensives de notre bon roi s’étoffent pareillement. Claymore, lance, rapière et même un fort asiatique katana, arme ô combien exotique, complètent ainsi notre arsenal ainsi que les pouvoirs associés qui font de chaque partie une découverte de combinaisons parfois étonnantes. Le hit ‘n’ run étant la manière la plus efficace que nous avons trouvée pour nous défaire des ennemis, nous avons donc finalement opté pour un mix détonnant entre l’arme d’hast ultra-rapide et la tourelle-fleur particulièrement efficace, même en dehors de notre champ de vision.
- Brochette de bestioles cuite au volcan
Je n’ai guère envie d’en venir aux mains avec un vioc, mais s’il le faut…
Annonçons-le sans détours, histoire de doucher tout ce bel optimisme, Knight vs Giant : The Broken Excalibur pèche ici par un manque coupable de contenu proposé, même si celui-ci est fort agréable à parcourir. Trois environnements seulement sont disponibles (la forêt, le désert et le volcan), chacun d’entre eux occupant deux niveaux avec un fort discret changement d’ambiance de l’un à l’autre. C’est léger.
Surtout en considérant que si les boss de chaque première partie alternent entre deux ennemis aux designs et schémas d’attaque différents, les géants donnant leur nom au titre sont rigoureusement les mêmes. Quelques mondes en plus, des gains plus généreux dans les niveaux avancés, des évènements plus diversifiés au fil des parties ainsi qu’une exploration plus libre n’auraient pas été de trop pour faire du titre un réel incontournable.
Car oui, dans sa construction scénaristique, la montée en puissance du personnage et les sensations de gameplay, le titre de Gambir Game Studios ne peut qu’être mis en parallèle avec l’épopée du fils du Roi des Enfers, version grecque. Comparaison flatteuse s’il en est. Même si les deux titres évoluent dans la même cour, ils ne jouent clairement pas dans la même catégorie. Reconnaissons-le : Zagreus surclasse Arthur à tous les niveaux.
Cela ne ternit cependant en rien le plaisir que nous avons ressenti durant nos sessions de jeu. L’ambiance y est beaucoup plus légère, servie par des graphismes adorables et représente un challenge parfois relevé, mais juste. Les plus timorés ou les moins patients peuvent même activer la mensongère option « Invincible » dans les menus du jeu pour bénéficier d’une puissance et de points de vie fortement augmentés. Saluons enfin la qualité du doublage en anglais lors des dialogues importants et de la localisation française, qui nous gratifie, elle aussi, de quelques pépites médiévales particulièrement savoureuses, malgré un journal de quêtes demeurant inexplicablement en espagnol.
Testé sur Xbox Series X