Je dois avoir un traumatisme lié à l’enfance ou quelque chose dans ce genre. Le simple fait de voir un casque virtuel me révulse. Je suis pris de soudaines convulsions, je transpire à grosses gouttes, mes pupilles se dilatent et je pars en courant les bras levés en chantant “Mon Everest” de Soprano. Autant dire que j’ai l’air idiot et donc que j’évite scrupuleusement tout contact avec lesdits casques. Sauf que. Sauf que le destin est parfois cruel et que sur une machine telle que la Xbox One, toujours dépourvue de réalité virtuelle, on peut néanmoins trouver des jeux VR sans VR. Nevermind fait partie de ces jeux et, comble du malheur, il est allé chercher le trauma dans mon subconscient, il l’a débusqué, acculé et lui a donné un violent coup de pied dans les parties en criant à mon moi intérieur : “Tu vois que la réalité virtuelle c’est quand même quelque chose !!!!”. Et ce sans casque. Il est fort le Nevermind.
Un cauchemar traumatique
Vu que je n’ai qu’une mauvaise nouvelle à vous annoncer, je vais commencer par celle-là : Nevermind n’est pas (encore) dispo sur le store français. Pas la peine de chercher, il faudra changer de store et aller sur celui des US pour l’acquérir. Et vous auriez tort de vous en priver car Nevermind vous propose un magnifique voyage surréaliste et malsain au coeur du subconscient de patients atteints de traumatisme. Plus qu’un simple jeu, Nevermind est une expérience sensorielle et artistique unique et particulièrement intéressante dont l’ambiance n’est pas sans rappeler celle de Silent Hill. Mais avant de porter un coup d’estoc à votre curiosité, rappelons qu’à la base, Nevermind est un jeu pensé et fait pour la réalité virtuelle et le casque qui va de paire, et pour la première fois, le testeur que je suis regrette amèrement d’avoir découvert et joué à un jeu VR sans l’accessoire adéquat. De plus, Nevermind propose une expérience de jeu unique sur PC avec un capteur de fréquence cardiaque capable d’analyser votre stress et faire évoluer l’expérience suivant votre capacité à rester calme ou à perdre pied. Malgré les efforts de Flying Mollusk pour essayer d’utiliser Kinect afin de reproduire cette option, celle-ci a été définitivement abandonnée sur Xbox One au grand désarroi de votre serviteur. Ces tares d’immersions, ces manques cruels n’ont toutefois absolument pas entravé le plaisir que j’ai eu à me perdre dans les méandres du subconscient des patients de Nevermind et je vais vous dire pourquoi…
Vous êtes un docteur fraîchement embauché par la Neurostalgia Institute afin de devenir Neuroprober. Le Neuroprober utilise les technologies de l’Institut afin de pénétrer dans le subconscient d’un patient atteint d’un traumatisme pour en découvrir l’origine refoulée et pouvoir entreprendre le processus de guérison. On pénètre donc dans la tête du patient et on traverse les fragments de souvenirs, sortes de tableaux oniriques, inquiétants ou/et malsains afin de recoller les pièces du traumatisme, de découvrir l’histoire du patient. Nevermind pourrait être perçu comme un simple et bête jeu d’aventure à la première personne totalement dénué de challenge. Globalement, on ne trouverait rien à redire de cette description sommaire mais tout à fait correcte.
En fait, la force de Nevermind est ailleurs, l’expérience sensorielle qu’il propose est formidable, même sans casque virtuel, ni capteur de fréquence cardiaque. On ressort de chaque cas chancelant, mal à l’aise, les images de certains climax encore marqués au fer rouge dans notre tête. Les halls d’un hôtel hanté par les silhouettes tremblantes d’enfants qui ne nous quittent pas des yeux, l’imbrication surréaliste de maisons d’une zone pavillonnaire qui semblent se refermer sur vous, la traversée de couloirs organiques et tordus, tout est fait dans le jeu pour tordre la réalité et vous asséner des visions de cauchemar, jamais gratuites, toujours servant la narration et le trauma du patient.
Nevermind est un travail d’orfèvre, un panel hallucinant de visions surréalistes, particulièrement travaillées dans le moindre détail, allant même jusqu’à jouer avec la perspective ou l’échelle du décor lorsque vous voyagez dans les souvenirs d’enfance du patient. Nevermind est une expérience unique, bouleversante à plus d’un titre et donc mémorable. Même si les cinq cas à étudier sont assez courts, que la possibilité de le refaire en découvrant d’autres indices disséminés afin d’enrichir l’histoire de chaque patient n’est en soi pas très motivante, on ne regrette absolument pas l’expérience vécue. Nevermind bénéficie en sus d’un sous-titrage intégral en français et d’une ambiance sonore impressionnante qui flirte avec les compositions Silent-Hillesque de Yamahoka et le jeu particulièrement convaincant de ses acteurs. Nevermind ne laissera personne indifférent et ce même en lui ôtant l’immersion de la VR et la prise en compte du stress initialement disponible sur PC.