Test - Welcome to Elk - Un grand bol d’errances

«On peut dire que c’est un jeu trop elklectique ?» , - 0 réaction(s)

Pourquoi certaines histoires s’inspirent-elles de la réalité ? Qu’est-ce qui fait que le fameux “inspiré de faits réels” au début ou à la fin d’un film fait toujours son petit effet ? Si la nature réelle d’une histoire suffisait à la rendre attractive, nous nous ferions tous des millions d’euros en racontant comment nous sortons nos poubelles chaque mardi. Préciser qu’une histoire est inspirée de la réalité n’a aucune autre fonction que d’étonner le spectateur en soulignant la faible probabilité pour que de tels événements aient eu lieu dans notre monde. Ce n’est finalement qu’un bonus car ce qui fait qu’une histoire est engageante, ce sont ses enjeux et surtout la manière dont ils sont racontés.

C’est pourtant sur l’authenticité de ses histoires que se focalise Welcome To Elk. Le studio danois Triple Topping propose un jeu narratif, biographique et expérimental avec des mécaniques de jeu proches du point-n-click. Peut-on se servir des jeux vidéo pour sublimer la réalité ou la réalité doit-elle être employée pour raconter de meilleures histoires ? Réponse dans ces lignes.

Île était une fois

Dès nos premiers pas sur l’île de Elk, la magie opère. Vous incarnez Frigg, une jeune femme qui débarque pour aider un ami de son père à faire de la charpenterie. Ce détail n’est cependant qu’un prétexte pour vous faire rencontrer la large palette des habitants et prendre part à leurs histoires personnelles sur les différentes parties de l’île. Celles-ci sont vendues comme le cœur de l’expérience ; chaque récit est inspiré de faits réels et Welcome to Elk donne de nombreuses occasions de découvrir la véritable histoire qui en est à l’origine.

Le jeu met rapidement en place son atmosphère folklorique, loufoque et un poil sauvage. Les graphismes cartoons sont simples et efficaces et nous donnent l’impression de nous promener dans une bande dessinée. Ce parti pris artistique est utilisé de manière intelligente et permet au petit studio danois d’accoucher d’une expérience fluide et sans aucun bug. Principalement en noir et blanc, avec quelques séquences clés en couleur, le jeu met en relief les objets avec lesquels nous pouvons interagir et encourage l’exploration avec des petits détails à la fois drôles et attendrissants. D’une recette spéciale de hot dogs à un poulpe dans une boîte ; si ces interactions peuvent paraître un peu gratuites car finalement assez éloignées de l’intrigue, elles participent vraiment à son ambiance farfelue. La musique folklorique s’adapte pour capturer l’ambiance globale et les différentes émotions de l’histoire. Celle-ci sait se faire entraînante quand il faut aller d’un point A à un point B sur l’Île et inquiétante pendant des séquences oniriques un poil bizarroïdes.

En jonglant habilement entre d’étranges moments de joie et des instants sombres et désespérés, Welcome to Elk propose des mini-jeux malins, originaux et drôles. De la conception d’un piège à écureuil à une partie de pêche à la bouteille de bière, ces mises en scène accrochent rapidement par leur inventivité et leur humour. Certains mini-jeux moins comiques donnent de vraies fulgurances émotionnelles à l’histoire. Par exemple, un jeu de chant permet au joueur d’improviser des mélodies sans jamais faire de fausses notes.

Des histoires pour un rien

Si le jeu brille par sa technique et son game design, il est lésé par sa narration confuse. Premièrement, elle manque d’un vrai fil conducteur ; les enjeux autour du personnage principal sont vraiment faibles. Même si le jeu prétend développer la psychologie de Frigg à travers des séquences de rêve, on n’en apprend que peu sur ses objectifs ou ses démons personnels. En effet le récit est basé sur une structure cyclique jour/rêve où chaque rêve fait écho aux évènements de la journée précédente. Finalement, on ne comprend pas trop la fonction de cette mise en scène qui est construite tout le long du jeu et n’a pas vraiment de rapport avec le dénouement.

Les intrigues secondaires, qui sont pourtant présentées comme la principale valeur ajoutée du jeu, sont trop condensées. Avec sa durée de vie limitée (entre 4 et 5 heures de jeu), Triple Topping peine à développer les nombreux personnages et donc à les rendre intéressants. Enfin, les personnages manquent cruellement de nuances pour des histoires qui se veulent inspirées de la réalité.

Méta pas fini de faire du méta ?!

Finalement, c’est dans ses effets de styles gratuits que le jeu trouve son principal défaut. Welcome to Elk ne cesse de crier au joueur qu’il est original avec ses nombreuses expérimentations de mises en scène qui desservent l’immersion. Par exemple, après certaines histoires, Welcome to Elk force le visionnage de vidéos type documentaire où une personne raconte face-caméra la véritable histoire derrière le scénario. La transition entre le jeu vidéo et le témoignage est maladroite et casse le rythme. Non seulement la vidéo tournée dénote avec l’univers graphique du jeu, mais ces témoignages en éclipsent jusqu’à l’intrigue. On ne sait plus dans quelle histoire on a envie de s’engager. Comme si cela ne suffisait pas, la version texte des histoires est proposée à chaque début de journée. Le jeu essaie enfin de justifier ses maladresses narratives en cassant le quatrième mur dans son dénouement. Cela tombe comme un cheveu sur la soupe.

Le coin des chasseurs : À l’image du jeu, les succès récompensent généreusement les petits fouineurs. Si vous prenez le temps de bien regarder autour de vous, les 1000G proposés par le jeu seront rapidement engrangés. Mention spéciale pour “Astrid’s Famous Hotdog Recipe” qui donne vraiment envie de se mettre aux fourneaux à la découverte de cette recette spéciale de hot dogs.

Bilan

On a aimé :

  • Une technique simple mais efficace
  • La musique entraînante et envoûtante
  • Des mini-jeux ingénieux et drôles
  • Les nombreuses interactions avec les objets de l’île
  • Une ambiance réussie
On n’a pas aimé :
  • Des récits trop condensés
  • Les vidéos documentaires qui cassent l’immersion
  • Des personnages parfois caricaturaux
  • Des effets de style gratuits
  • Un jeu qui insiste trop sur l’authenticité de ses histoires
Dans les faits, trop d’effets

Welcome To Elk reste un jeu sympathique sur la forme grâce à sa technique, son gameplay et l’ambiance qu’il installe tout le long du jeu. Sur le fond, le studio danois semble vouloir accomplir trop de choses et dessert ainsi sa promesse initiale : raconter des histoires touchantes inspirées de la réalité. Entre fresque narrative, jeu expérimental, jeu d’exploration et expérience multimédia, le récit aurait gagné en ampleur avec des histoires moins condensées et moins d’effets de style gratuits. On a l’impression que le jeu est au service des faits divers alors que l’inverse aurait été bien plus pertinent pour l’immersion du joueur. Il est cruel de critiquer un jeu pour tenter de nouvelles choses mais un simple “inspiré de faits réels” au début ou à la fin du jeu aurait permis d’économiser de l’énergie et des ressources pour mieux développer ses histoires.

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Welcome to Elk

PEGI 16

Genre : Aventure/Réflexion

Éditeur : Triple Topping

Développeur : Triple Topping

Date de sortie : 17/09/20

Prévu sur :

Xbox One, PC Windows