L’homme est seul dans une vieille mansarde couverte de poussière. “Après tout ce que j’ai vu.” Il se dirige inexorablement vers une corde robuste posée sur le sol pour s’en saisir puis redresse une chaise en bois. “Après tout ce que j’ai fait.” Il se saisit de l’un des bouts de la corde qu’il courbe méticuleusement. “Ma vie est sur une trajectoire dont je ne peux me soustraire.” Il lance la corde vers la poutre maîtresse. “Il est trop tard pour moi à présent.” Il monte sur la chaise et glisse le collet autour de son cou. Action chaise. “J’espère seulement qu’un jour vous saurez me pardonner.” D’un coup sec du bassin il fait tomber la chaise. “Adieux, Anthony Beechworth...” C’est ainsi que The Last Door vous prend aux tripes dès les premières minutes pour vous les relâcher seulement à la fin de ses deux saisons et de ses huit épisodes…
Une lettre d’amour à Poe et à Lovecraft
Nous sommes en Angleterre vers la fin du XIXème siècle. Jeremiah Devitt reçoit une lettre mystérieuse d’un vieil ami sur laquelle trône une seule et unique phrase : “Videte ne quis sciat”. Une phrase qui résonne comme un appel à l’aide. Une phrase qui était la devise d’un groupe de jeunes hommes dans un pensionnat perdu en plein coeur de l’écosse. De cette époque, Jeremiah Devitt n’en garde qu’un vague souvenir, malgré cela, l’appel est trop fort. Il prend son manteau et part à la rencontre d’Anthony Bleechworth mais aussi de son passé, et d’un secret mettant en péril l’humanité toute entière…
Sous les traits d’un point and click somme toute banal dans son gameplay (parler, utiliser ou assembler des objets de son inventaire, regarder les éléments de l’environnement…), The Last Door est une véritable lettre d’amour à la littérature fantastique et d’horreur de Poe et de Lovecraft. Si les références sont subtiles, l’ambiance distillée elle l’est beaucoup moins. Nous nous trouvons bien en plein coeur de ce qui fait l’essence même des oeuvres de ces deux auteurs. Malgré le pixel art grossier tout droit issu d’une période révolue, The Last Door arrive à faire grandir en nous un malaise tangible, une horreur grandissante au fur et à mesure de notre avancée dans l’intrigue. Ne vous fiez pas au côté rugueux des captures d’écran car loin de nous détacher de l’histoire, le rendu de The Last Door fait jouer notre imagination, notre capacité à se représenter l’invisible ou d’enlever les angles de ces carrés disgracieux. Alors on plonge corps et âmes dans le destin tragique des protagonistes du jeu, porté par une ambiance sonore extraordinaire, des compositions géniales, mélancoliques, angoissantes, des bruits sourds, diffus, des cris, le vent soufflant sur la lande ou les simples craquements de nos pas sur un plancher vermoulu.
The Last Door est un point and click dont on ne peut que tomber amoureux si on est sensible à ses références. On le déguste comme une série géniale dont il possède les qualités et le découpage. Scène d’intro, titre, générique, épisode, fin tragique/angoissante qui nous pousse à regarder/jouer le prochain épisode dans la foulée sans attendre. Un véritable régal, une pépite qui mérite de sortir de l’ombre pour vous plonger dans un cauchemar dont on ressort exsangue avec le sourire au lèvre. Le jeu est entièrement en Français, possède une option pour changer de police si vous souffrez de dyslexie et offre même quelques scènes bonus pour approfondir encore l’histoire principale. Les succès comme dans tous les jeux d’aventures sont assez faciles à débloquer même si certains d’entre eux sont associés aux divers secrets que cache le jeu.