Alors que les machines sont de plus en plus puissantes, on s’approche logiquement du photoréalisme dans les jeux. Tant et si bien que cet objectif fantasmé est devenu une norme, privant les gros jeux d’identité visuelle forte : rien ne ressemble plus à un homme qu’un homme, à un arbre qu’un arbre, à une voiture qu’une voiture. Cette standardisation a débordé de la même façon sur le gameplay. Le résultat est que les jeux indés, misant sur d’autres atouts, artistiques, c’est-à-dire faisant appel au talent plus qu’au budget, sont ceux qui interpellent le joueur exigeant en recherche d’originalité. Et ça tombe bien, Old Man’s Journey est un vrai jeu d’artistes.
Une histoire vraie
Un vieil homme prend son sac à dos et part en voyage. On ne sait pas pourquoi, on ne sait pas où. C’est ce voyage qu’on va suivre, en traversant différents environnements ponctués d’énigmes très simples. Le concept de progression est basé sur la profondeur de champ ramenée à deux dimensions. On pourra bouger les éléments qui sont sur différents plans pour que notre personnage puisse passer de l’un à l’autre dès qu’ils sont en contact. Le procédé est ludique, quoique limité, et est là avant tout pour pousser le joueur à être actif dans la progression de l’histoire : pas question ici de rester des heures bloqué à un endroit. D’ailleurs, quelques heures (deux tout au plus), c’est ce qu’il faut pour arriver au bout du jeu. Une durée de vie courte, ce qui n’est pas absurde pour un jeu à 10 euros (on joue rarement 12h sur un jeu à 60 euros…), qui est surtout exactement suffisante pour raconter l’histoire, et nécessaire pour la clôturer juste avant que le gameplay ne devienne lassant.
Ne comptez pas sur moi pour vous raconter l’histoire : même si elle est sans surprise, elle mérite qu’on la découvre. C’est surtout de quoi le jeu parle qui est important : les regrets, la nostalgie, la conséquence des choix qu’on a pu faire, ce qui est essentiel dans la vie, et, enfin, l’amour. Là, dit comme ça, on pourrait penser à un film dramatique français tourné dans une cuisine, mais il n’en est rien, heureusement ! Ces sujets sont en filigrane, et si je les cite, c’est que je les ai ressentis : j’imagine que tout autre chose peut se dégager pour un autre joueur. Pour transmettre ces émotions, Old Man’s Journey utilise un procédé assez ambitieux : pas une seule ligne de texte, pas un dialogue, juste des images fixes qui sont les souvenirs marquants du vieil homme. Et ça fonctionne remarquablement bien, ce qui prouve aux jeux bavards qu’on peut faire autrement que des couloirs de cinématiques.
Le style graphique du jeu est son autre atout majeur, soutenu par une musique discrète mais appropriée. On a à l’écran une représentation naïve et colorée, tout en harmonie, dégageant une impression d’innocence qui renforce la pureté du propos. Naïf ne veut pas dire simpliste, loin de là : on est plutôt dans la recherche de l’universalité artistique, avec de véritables tableaux animés. Une belle réussite.