C’est étrange la mode, en fait. Que ce soit au cinéma, en musique, en déco ou en ce qui nous concerne ici, en jeu vidéo, les concepts qui marchent sont de plus en plus rapidement copiés pour inonder le marché, ce jusqu’au coma hydrolique. Après les doom-like, les j-rpg, les meuporgs et l’unchartedisation des jeux d’action, bienvenue dans l’ère de la darksoulisation. Pourtant, au sein de cette armée de clones vidéoludiques qui ferait passer celle de Darth Vader pour un concert de Tryo à Levallois-Perret, émerge parfois une heureuse surprise. Un vaillant soldat qui sort du lot grâce à son charme, sans pour autant renier ses influences. La question qui, je le sens, réchauffe déjà vos badigoinces meurtries par la bise hivernale, est la suivante : Ashen fait-il partie de ces bons élèves ?
FASHEN VICTIM
- Non, ce n’est pas Ano Londor.
On peut dire qu’il nous aura longtemps intrigué ce jeu. Déjà, l’association du studio néo-zélandais Aurora 44 avec la société de production Annapurna Interactive laissait présager une atmosphère joliment indépendante. Pour preuve, Annapurna Interactive n’est autre qu’une filiale d’Annapurna Pictures, société de production et de distribution cinématographique accompagnant des réalisateurs de génie comme Paul Thomas Anderson, Wes Anderson mais surtout pas Paul W.S. Anderson. Au-delà de cette équipe alléchante, la patte graphique éthérée aux doux reflets pastels nous proposait autre chose que la sempiternelle dark fantasy gothique, qui commençait à saturer nos rétines.
De but en blanc et sans préliminaires, dévoilons directement que Ashen possède exactement les mêmes mécaniques de gameplay que la série des Souls : l’aspect die&retry, la perte d’expérience à chaque mort avec la possibilité de la récupérer au même endroit, les points de régénération qui font aussi respawner les ennemis, etc. On pourrait presque développer pour l’occasion un outil de traduction, chargé de convertir chaque élément Soulsien en son équivalent Ashenien. Pour les habitués de la série de From Software, la phrase “je me suis reposé au feu de camp pour recharger ma fiole d’estus et dépenser mes âmes avant de me téléporter à Lige-Feu” pourrait se transformer en “je me suis reposé à la pierre rituelle pour recharger ma gourde de sève et dépenser mes scories avant de me téléporter au Repos du Vagabond”. Une fois remarqué et assimilé, ce mimétisme est à double-tranchant. On ne peut pas nier qu’il apporte un certain degré de confort aux joueurs habitués au maniement et au fonctionnement d’un Dark Souls. Les commandes sont presque exactement les mêmes : coup faible rapide, coup fort plus lent avec possibilité de charger, utilisation de l’outil main gauche, à savoir le bouclier ou la lanterne, saut et sprint. Pour cette dernière combinaison, les habitués à sprinter puis à sauter avec B seront quelque peu déroutés, avec la touche de saut placée sur Y. Ashen ne s’encombre pas avec les classes de personnage. Après la personnalisation sommaire mais somme toute sympathique de début du jeu, vos statistiques d’endurance et de santé augmenteront au fur et à mesure de votre progression, en plus des bonus que peuvent conférer votre équipement. Pas non plus d’usure d’arme ou d’armure, ni d’infusion élémentale. Sans être simpliste, le jeu se concentre plus sur l’aspect action et exploration que sur la partie roleplay. On sent que les développeurs ont choisi l’option qui leur permettait de proposer un contenu moins important mais plus maîtrisé, plutôt que de sortir un jeu semi open-world qui ferait les choses à moitié.
Pourtant, on peut regretter quelques petites choses qui auraient mérité d’être poussées un peu plus loin. Le combat faisant partie intégrante du titre, il est dommage de ne pas avoir une variété plus étendue de coups et de combos. Pas de coup sauté, de parade ni d’attaque après une roulade, ce qui rend les affrontements redondants. L’ergonomie des menus est également à revoir. Certes, celle des Souls est loin de frôler la perfection, ce qui est un doux euphémisme, mais les menus ont le mérite d’apporter de nombreuses informations. Ici, il est impossible de comparer les stats de deux armes lorsque l’on se trouve dans le menu d’amélioration du forgeron, ni même de savoir si l’arme que l’on a looté est à une ou deux mains. Un peu gavant de devoir sortir dudit menu pour glaner l’info dans l’inventaire. Cela dit, les habitués du genre comme les néophytes pourront passer allègrement au-dessus de ces petites tracasseries.
Une fois cette forte ressemblance avec DS assimilée, que reste t-il à Ashen pour se démarquer ?
VOYAGES À LASHEN
- #nofilter
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la direction artistique du titre de A44 ne passe pas inaperçue. Ces personnages dépourvus de visage, faisant un peu penser à des mannequins O’Cedar (millennials powa), évoluant dans un univers étrange recouvert de cendres où la lumière semble venir d’une brèche dans le ciel… Oui, on peut affirmer que cela représente la grande force du titre. Les créateurs ont su insuffler à leur production une atmosphère suffisamment originale et travaillée pour que l’on ait envie d’en explorer chaque recoin. D’ailleurs, là où Dark Souls brillait par son level design ingénieux et ses niveaux interconnectés, les phases de plateforme improvisées pouvaient nous faire suer des mains à chaque saut tant elles étaient hasardeuses. L’avantage du jeu des néo-zélandais est que l’exploration verticale est beaucoup plus libre, les parties d’escalade étant souvent récompensées par un item précieux dissimulé dans le creux d’un rocher. En revanche, même si quelques quêtes nécessitent à de rares occasions de retourner dans certaines régions, la progression est assez linéaire. Techniquement le jeu est très propre, mais attendez-vous à subir quelques lourds ralentissements lors du chargement de certaines zones, qui ont été jusqu’à faire planter le jeu une paire de fois. Les environnements traversés comportent de jolies surprises, tant au niveau du bestiaire que de l’ambiance onirique se dégageant d’une plaine désertique en proie aux tempêtes, d’une forêt automnale remplie de sombres cavernes ou d’une ancienne cité en ruines. La combinaison de la direction artistique et de la jolie bande sonore m’ont fait souvent penser à Little Big Adventure, titre que j’avais très envie de mentionner dans mon test, voilà chose faite.
Seulement, on va dire que j’insiste à parler de la saga japonaise mais quelques endroits ressemblent tellement à celles parcourues dans Dark Souls qu’il est impossible que ça ne soit pas au mieux un clin d’oeil, au pire un léger manque d’inspiration, screenshots à l’appui. Pour vous aider dans votre quête - que nous n’avons pas abordée dans ce test puisque son objet est pour le moins vague et secondaire, à l’instar de vous-savez-qui - vous aurez à vos côtés un compagnon d’armes qui vous suivra jusqu’au bout du monde. Ou pendant quelques mètres, si vous avez de la chance. Oui, la chose qui risque de rapidement faire apparaître des traces de dents sur votre pad est bien la coopération. Que ce soit avec un PNJ ou avec un autre joueur en ligne, c’est juste mal pensé et mal foutu.
Dans le premier cas de figure, votre vaillant camarade passera son temps à se coincer dans le décor, à être subitement atteint de catalepsie, à oublier de se soigner ou de venir vous sauver, quand il ne disparaît pas purement et simplement. Ce ne serait pas un problème handicapant si la construction du jeu n’était pas pensée avec cet aspect coopératif. Même si vous pouvez vous en sortir tout seul la majeure partie de l’aventure, certains portails doivent être ouverts à l’aide de votre coéquipier, et certains passages ne sont accessibles que si il vous fait la courte échelle. Grisante expérience que d’attendre recroquevillé comme un abruti contre un flanc de montagne alors que votre partenaire est parti aux champignons. Cela est encore plus préjudiciable lors de l’exploration de certains donjons qui devient sacrément ardue voire presque impossible si vous êtes tout seul tout, les points de sauvegarde étant aussi rares que du bon goût dans une chanson de Michel Sardou.
Ashen : interview des développeurs et retour sur l’exclu Xbox de fin 2018
La coopération en ligne est tout aussi foireuse puisque absolument rien ne vous indique que votre partenaire est un véritable joueur, si ce n’est les tours sur soi-même ou les levées de bouclier parkinsoniennes pour signaler à l’autre que l’on est un humain. Car les interactions sont limitées au strict minimum, à savoir un vague signal sonore pour réclamer l’attention, le chat vocal étant inexistant, tout comme les emotes. Il est vraiment dommage que cette bonne idée sur le papier soit aussi gavante manette en main, la vingtaine d’heures nécessaire pour terminer le périple aurait été presque idyllique.