La guerre est quelque chose d’affreux. Et de récurrent dans les jeux vidéo. Le plus souvent, c’est le prétexte à des FPS ou autres jeux où flinguer est le principe de base. Parfois, c’est le propos même du jeu. Enfin, en ce qui concerne My Memory of Us, c’est un des propos, le titre ayant été manifestement conçu en premier lieu pour raconter quelque chose. Et ça fait du bien.
Quand la naïveté est une qualité
L’histoire commence à notre époque : tout le monde a les yeux rivés sur son smartphone, dans un milieu très urbain, et une petite fille écoute un vieux monsieur lui raconter une histoire. Son histoire, que l’on va vivre. Il était tout petit quand la guerre a éclaté, et est devenu ami avec une jeune fille pimpante. Ensemble, ils vont vivre une grande aventure, traversant l’invasion d’une armée de robots, se cachant, résistant, survivant à des épreuves inhumaines. Et tout cela en restant soudés et en cherchant à tirer le meilleur de n’importe quelle situation.
À l’écran, c’est une allégorie évidente de la Seconde Guerre mondiale. Les envahisseurs sont déshumanisés, séparent la population en affublant les cibles d’une couleur rouge, déportent ces populations dans des camps, pendant qu’une autre partie de la population bénéficie d’une vie normale (on devine même que certains s’en sortent très bien…).
On n’insistera jamais sur cet aspect. Tout est suggéré, ou bien directement montré, mais sans explications, car ce n’est au final qu’une toile de fond représentée à travers les yeux d’enfants. Ceux-ci ne comprennent pas les enjeux, et s’en moquent. Ce qui est important pour eux, c’est leur amitié, c’est de rester ensemble, c’est de faire le bien, et c’est, même, de jouer et de s’amuser. Des enfants, quoi ! Le contraste entre le monde décrit, terrible, cafardeux, et le comportement des jeunes héros, positifs, le plus souvent joyeux, est une réussite totale et est le véritable propos du jeu. Ce qui est mis en évidence, c’est que le comportement normal, sain, humain, est celui des enfants. Le paradoxe est que malgré l’ambiance qui reste pesante, malgré des scènes dures, le jeu en ressort optimiste ! Comme si les valeurs positives l’emportaient toujours sur la folie.
Ainsi, on se sent bien quand on joue à My Memory of Us, pendant les quatre heures nécessaires pour en voir le bout. C’est une conception exemplaire de la façon dont on doit raconter un récit quand on veut faire passer quelque chose.
Réalisation au service de l’histoire
On retrouve ce point de vue dans la réalisation du jeu. Les graphismes sont eux aussi naïfs, comme s’ils étaient conçus par des enfants. C’est très joli, dans un style cartoon qui fait beaucoup pour le contraste évoqué plus haut. En jeu, on aura une succession d’énigmes plutôt simples et de phases très diverses (infiltration, jeux de rythme, et même une partie shoot’em up). Le gameplay est basé sur la complémentarité des deux personnages, chacun bénéficiant de caractéristiques qui leur sont propres. C’est très convenu et sans surprises, mais cela reste efficace. On regrettera juste une latence dans certaines actions (en particulier quand on prend la main de l’autre personnage) qui nuit à la fluidité du gameplay.
Un soin tout particulier a également été apporté à la partie sonore du jeu. Le narrateur est juste, posé, et on soulignera la qualité des musiques de Patryk Scelina, compositeur polonais qui livre une très belle prestation, équilibrée, variée, soulignant avec justesse les différents passages du jeu. À nouveau le propos et l’émotion avant tout.