Il y a des licences qui avec le temps se positionnent comme des valeurs sûres. C’est clairement le cas de ce qui est estampillé « Divinity ». Les deux déclinaisons existantes se disputent la première place, avec d’un côté une série de type jeu de rôle-action, et de l’autre, pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, des titres axés sur le tour par tour. C’est sur le dernier né, qui vient d’arriver dans les game preview en étant déjà auréolé d’une belle réputation sur PC, qu’on va se pencher aujourd’hui.
Créateur et destructeur de vie sociale
Le premier Original Sin a posé des bases solides et reste encore aujourd’hui un excellent jeu de rôle, souffrant toutefois de faiblesses techniques s’avérant être gênantes quand on y joue en coopération. Cette suite adopte clairement la logique du « toujours plus », mais en version XXL ! Un peu comme pour une nouvelle campagne de AD&D, on ne trouvera pas de nouveautés fondamentales, mais plutôt de nouveaux lieux et quelques affinages anecdotiques. On trouve donc immédiatement ses marques, prêt à la découverte.
Je ne vais pas m’étendre sur l’histoire, d’abord parce que, comme souvent dans l’heroic fantasy, elle ne fait pas preuve d’une originalité folle, mais surtout parce que c’est plus sur la façon dont elle est racontée, c’est-à-dire le scénario, qu’il convient de s’arrêter. Au départ, on pourra choisir un personnage, créé de toutes pièces, ou bien ayant sa propre histoire. Le choix est vaste, allant du guerrier classique à l’homme lézard, en passant par un squelette encore bien vivant ou un nain (mon préféré, depuis D&D j’ai toujours joué des nains pour pouvoir m’en prendre à ces prétentieux d’Elfes). Si on suivra la même trame globale, chacun a ses objectifs, ses priorités, et cela influe réellement sur le déroulement de la partie. Bien entendu, on pourra modifier son aspect, son sexe (homme ou femme, je ne parle pas de longueur, sales pervers), et ses spécialités.
On a d’entrée le feeling jeu de rôle à l’ancienne, la sensation d’être face à un héritier direct de AD&D. Cela pourrait être laborieux, mais il n’en est rien : le travail des développeurs, qu’on retrouvera tout le long du jeu, est de faire tourner en fond des règles complexes sans que cela ne nuise à la jouabilité. Rapidement, on constitue une équipe, avec des personnages qui vont parler entre eux, dont les relations vont évoluer. De façon naturelle, on va jouer comme si on avait un alignement. On pourra être dévoué, juste, ou le pire des salopards. Il faut juste être prêt à payer le prix de ses actions. Encore mieux, on va dialoguer avec plein de PNJ (et quand je dis plein, je n’exagère pas), ce qui va déboucher souvent sur des quêtes annexes, nombreuses et chronophages.
Le jeu est tellement foisonnant qu’on en oublie régulièrement la quête principale, pour se perdre dans des sous-histoires, parfois peu palpitantes, mais aussi parfois passionnantes. On retrouve la richesse de jeux comme Skyrim ou The Witcher 3, happé dans un mode cohérent et vivant. On sera peu aidé pour s’y retrouver par un système de classement des quêtes confus et plutôt mal fait : autant on reproche à certains jeux de trop guider le joueur, autant là on l’est très peu, mais pas forcément pour une bonne raison. Plus de clarté, avec des repères sur les très grandes cartes, aurait été la bienvenue. L’autre limite se trouve dans le fait que le jeu est entièrement en anglais, non sous-titré. Les dialogues tenant une place importante, y jouer si on n’est pas anglophone ne rime à rien.
Le jeu est déjà formidable seul, c’est encore mieux à plusieurs. Ainsi, on peut jouer à deux en local (avec l’écran qui se divise quand on se trouve dans des lieux différents), et jusqu’à quatre en ligne. Contrairement au premier épisode qui ne gérait pas très bien cet aspect, cette fois cela fonctionne sans accroc (testé sur Xbox One X). La dimension jeu de rôle papier augmente encore d’un cran, et pour les rôlistes c’est un véritable fantasme qui est sur l’écran : le digne successeur de Baldur’s Gate 2.
A qui le tour ?
Les combats, au tour par tour, sont particulièrement stratégiques et prenants. A nouveau, Original sin 2 fait tourner en arrière-plan tout un système de règles, simulant sans doute des lancers de dés pondérés par nos caractéristiques et nos choix. Tout est pris en compte : le relief, les obstacles, la nature du sol, le feu, mais aussi l’eau… Les premiers combats, simples, servent à prendre en main tout cela, et c’est naturellement qu’on va devenir de plus en plus compétent, analysant le terrain instinctivement pour sortir vainqueur d’affrontements parfois acharnés !
La maniabilité est redoutablement efficace : malgré de nombreuses possibilités, on ne se perd pas dans les menus, les raccourcis faisant leur office. La seule critique que je pourrais formuler est l’affichage peu évident des actions qui restent à un personnage, ce qui peut entraîner de mauvaises prises de décisions. Une lacune étrange étant donné l’importance de la stratégie dans les combats, même si on en prend assez vite l’habitude et qu’on jauge avec l’expérience les actions qu’on peut réaliser.
Et de l’expérience, il va en falloir, car Divinity : Original Sin 2 est franchement difficile. Si la mort n’est pas définitive, c’est tant mieux car on va souvent la croiser. Plusieurs modes de jeu existent, afin d’ajuster la difficulté, mais même le plus facile offre de la résistance. Il faut bien avoir conscience de cet aspect car cela peut être décourageant pour les novices du jeu de rôle. Entre autres, ceux qui sont habitués aux jdr japonais vont se sentir perdus face à tant de contenu et de liberté, mais aussi dans des combats où le leveling seul ne suffit pas. En bref, il faut savoir où on met les pieds (« et c’est souvent dans la gueule » dirait Chuck).
Richesse à tous les étages
La réalisation de Divinity : Original Sin 2 est tout simplement exceptionnelle. Je ne vois aucune fausse note dans ce qu’on voit sur l’écran. Les environnements sont magnifiques, regorgent de détails, tout en restant lisibles. Le même soin est apporté à la partie sonore du jeu. Les musiques nous mettent tout de suite dans le bain, et il y a tellement de dialogues que je surpris que le jeu ne pèse pas 10 gigas de plus !
Le soin apporté à tout le titre donne une cohérence à l’ensemble, tout en ne se refusant pas des paysages magnifiques : j’avoue m’être laissé prendre à faire des copies d’écran, alors que c’est quelque chose qui d’ordinaire ne m’intéresse pas du tout. Ce soin, cette générosité, c’est ce qui va faire que le joueur, après avoir passé plusieurs heures sur le jeu, va avoir envie de continuer « juste une petite heure » de plus, et ce jusqu’à une heure très avancée de la nuit. Bravo au studio belge Larian Studio, c’est un superbe travail qui a été fait.