Test - Pillars of Eternity : Complete Edition

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Nuits blanches. J’ai les yeux cernés, fixés sur mon écran. Ma chambre d’étudiant est petite, mal rangée et doit puer comme l’antre d’une bête. Mon 16 pouces nimbe la pièce d’une froide lueur blanche et doit certainement accentuer toute ressemblance avec un mort-vivant. Mais peu importe. Je ne suis pas là. Je suis dans les Royaumes Oubliés, au Sud de la porte de Baldur entre Nashkel et Beregost. Je suis en fuite, on veut ma mort, pourquoi ? Je ne le sais pas encore mais une chose est sûre, je suis en train de vivre la plus formidable aventure de ma vie. J’ai enchainé Baldur’s Gate et Baldur’s Gate 2 mettant à mal mon parcours scolaire mais cette épopée reste encore aujourd’hui comme l’une des plus mémorables de ma vie de joueur. Pillars of Eternity est un rêve de fans : partir à nouveau dans une aventure homérique se voulant être la plus proche possible du mythe Baldur’s Gate. Un rpg old school, dense, riche et profond, doté d’une écriture sans faille. 17 ans plus tard, je me relance dans une aventure en espérant tout, sauf d’être déçu.

Tout commence en 2012…

Obsidian lance la campagne Kickstarter du Projet Eternity. Un menu on ne peut plus alléchant car il propose de remettre à jour le célèbre Infinity Engine, le moteur graphique qui a engendré parmi les plus mythiques RPG des années 90. Parmi eux, trois sont utilisés comme hameçons pour ferrer le contributeur : Baldur’s Gate pour son exploration et ses compagnons mémorables, Icewind Dale pour ses donjons et ses combats dantesques et l’inénarrable Planescape : Torment pour son écriture et la maturité de ses thématiques. Obsidian cautionne le tout avec des anciens de cette grande époque : Chris Avellonne (Fallout 2, Planescape : Torment, Icewind Dale et plein d’autres jeux géniaux pour une liste longue comme le bras), Tim Cain (programmeur et concepteur principal du premier Fallout) et Josh Sawyer (designer de Icewind Dale entre autre).

Les contributeurs ne mirent pas longtemps à mordre. La barre des 1 million de dollar demandés pour lancer le jeu est atteinte en quelques heures. Au final, Obsidian en récolte quatre pour près de 74 000 participants. Même après l’échéance de la campagne, d’autres rôlistes en mal d’aventure old school vidèrent leurs économies pour monter la barre des contributeurs à 77 000. Pillars of Eternity devient le nom définitif du projet, prévu à la base pour sortir en 2014, il ne sort finalement qu’en mars 2015 sur PC. Deux ans plus tard, Pillars of Eternity arrive sur nos consoles dans une Complete Edition regroupant les différentes améliorations, patchs, un gameplay revu à la manette et ses deux extensions : The White March - Parts I & II. C’est maintenant au tour des consoleux de laisser de côté leur vie sociale et se perdre dans les méandres de Pillars of Eternity…

Si loin et pourtant si proche

On ne peut pas dire que l’accueil soit chalereux...

Les premières heures de jeu passent sur les anciens baroudeurs de Baldur’s Gate tel un tsunami. L’illusion de jouer à une sorte de suite anachronique est presque totale. On retrouve tout ce qui faisait le charme de l’Infinity Engine à l’époque mis à part que la 3D isométrique est désormais superbe, totalement en phase avec la technique d’aujourd’hui. Obsidian va même jusqu’à reprendre le modèle des curseurs de l’époque. L’Eternity Project promettait un scénario mature et noir à la hauteur de celui de Planescape : Torment et c’est exactement la ligne prise par Pillars of Eternity. Fini la fantasy issue des Royaumes Oubliés de Donjons & Dragons, place à une Dark Fantasy violente, noire et pessimiste. L’humour n’a pas sa place dans Pillars contrairement aux Baldur’s où des évènements comiques sporadiques détendaient quelque peu les zygomatiques.

L’inventaire ne perdra pas les vétérns de Baldur’s...

De nombreux colons migrent en masse vers la contrée d’Eora à l’appel du seigneur de la région. Malgré les dangers de cette terre hostile, les perspectives sont plus qu intéressantes et nourrissent les rêves et les espoirs les plus fous, même les vôtres… jusqu’à l’attaque de votre caravane. Seul survivant du massacre et atteint d’un mal étrange qui vous permet de communiquer avec les esprits, vous arrivez à atteindre non sans mal votre destination. Mais le refuge est loin d’être ce à quoi vous vous attendiez… une malédiction étrange appelée “l’Héritage de Waidwen” touche tous les nouveaux nés : ils naissent sans âme. Quel est la cause du mal qui touche la région et est-ce que l’affliction qui vous touche y est d’une façon ou d’une autre connectée ?

L’univers est tellement dense et riche que le jeu prend l’habitude de nous perdre dans les méandres de ses intrigues...

Le scénario de Pillars of Eternity jouit d’une excellente écriture et tant mieux car le jeu s’avère très bavard. L’univers est tellement dense et riche que le jeu prend l’habitude de nous perdre dans les méandres de ses intrigues et nous donne parfois l’impression qu’il en fait trop. La qualité d’écriture n’est pas synonyme de trop plein mais aussi parfois de concision, ce qui manque clairement à Pillars of Eternity par moments. Alors oui on peut apprécier de suivre l’aventure, et ses scènes clés par l’intermédiaire de pages écrites complètes à la manière d’un livre dont on est le héros (avec l’illustration qui accompagne le paragraphe) mais tout est question d’équilibre. Et certains moments en manquent clairement, pouvant facilement perdre le joueur en route, à deux doigts de craquer et de passer rapidement sur des pans complets de l’histoire. La densité de l’intrigue et de l’univers de Pillars of Eternity ne le permettent pas et peuvent très bien laisser sur le carreaux les adeptes de la lecture rapide.

La pléthore de quêtes annexes reste sur cette même qualité et ce trop plein d’écriture, en évitant l’écueil Fédex, la plupart peuvent très bien se résoudre par de nombreux biais, à chaque fois sans donner dans le binaire bien/mal. La possibilité qu’a notre personnage de pouvoir communiquer avec les esprits permet de nombreux gimmicks scénaristiques. On peut par exemple revivre une scène du passé d’un PNJ, communiquer avec un défunt, etc. Que l’on ne s’y trompe pas, Pillars of Eternity excelle dans son écriture et malgré une certaine boulimie, les textes sont ciselés, et l’intrigue particulièrement riche. Il ne lui manque dans ce domaine et comparé à l’illustre Baldur’s Gate que des personnages secondaires particulièrement charismatiques comme Bouh et Minsc par exemple et les antagonismes qu’ils pouvaient nourrir entre eux.

Toute l’éternité devant soi...

La possibilité de communiquer avec les esprits va nous ouvrir bien des possibilités

Pillars of Eternity n’a pas seulement mis de côté l’univers de Donjons & Dragons de Baldur’s Gate mais aussi son système de règle issu du jeu de rôle papier au profit d’un système original misant sur la flexibilité de son avatar. Obsidian a pensé ses nouvelles règles pour faire en sorte d’éviter les impasses dans l’élaboration de son personnage. Fini le guerrier totalement débile ou le sorcier incapable de manier une épée sans se la planter dans le ventre. Il n’y a pour ainsi dire plus aucune restriction de classe juste des cheminements à établir pour son personnage afin de le façonner comme on l’entend. Par exemple, la Connaissance est maintenant dissociée de l’Intelligence, ce qui permet à notre barbare d’étaler ses connaissances sur le monde qui l’entoure même si la magie reste un art obscur pour lui. Le crochetage a lui aussi une statistique propre ce qui évite de se trimballer sans arrêt avec un voleur dans son entourage juste au cas où. Cette volonté de ne pas amener le joueur dans une impasse se retrouve aussi dans les compagnons que l’on va pouvoir enrôler dans notre groupe. Au nombre de six maximum, ils s’avèrent suffisamment variés pour compenser les lacunes du personnage principal et de former un groupe homogène et toujours capable de surmonter les difficultés rencontrées. Si jamais on ne trouve pas notre bonheur dans notre réservoir à compagnons , il est toujours possible d’en créer un de toutes pièces pour le recruter à l’auberge, pour un rôle de mercenaire momentané.

Les décors sont particulièrement détaillés

Tout le petit groupe trouve refuge assez tôt dans l’aventure au domaine de Caed Nua, qui va devenir le camp de base de notre héros et de son équipe. Cette base va devenir le centre d’une mini gestion, une base améliorable construite au-dessus d’un donjon assez abominable. Cette ville va assurer des revenus financiers réguliers et attirer la convoitise de groupes de bandits. Des attaques régulières qui nous imposeront de rentrer fissa à la maison pour défendre nous-même notre domaine, ou enrôler un groupe de mercenaire pour le faire à notre place. On peut aussi éviter ces attaques en construisant et en renforçant nos défenses aux frontières. Le jeu gagne en profondeur et on s’attache très rapidement à ce quartier général. Nos compagnons excédentaires vont pouvoir effectuer des missions annexes non-jouables pouvant leur rapporter de l’expérience mais aussi de l’argent. Un gain non superflu vu la montée très lente de niveau du jeu.

Les combats sont durs, vraiment âpres, et la gestion de notre groupe s’avère rapidement primordiale pour éviter un game over...

Malgré les apparences initiales, Pillars of Eternity n’est pas un jeu tendre envers les joueurs. En simple mode Normal il n’est pas rare de se voir punir par un groupe d’ennemis que l’on avait sous-estimé. Les combats sont durs, vraiment âpres, et la gestion de notre groupe s’avère rapidement primordiale pour éviter un game over ou de graves blessures qui nous laisseront aucune chance contre l’adversaire suivant. La vie de nos personnages se divise maintenant en deux parties distinctes, une barre de résistance et une barre de vie proprement dite. Un compagnon se remettra rapidement d’une chute de résistance à zéro mais devra passer par la case soin et gros repos obligatoire au cas où sa barre de vie devient entamée pour complètement récupérer. Heureusement, le jeu possède beaucoup d’options pour faciliter notre avancée et pas mal d’autres pour la rendre bien plus ardue comme celle du tir ami par exemple. Vu la difficulté de certains combats on n’ose même pas imaginer ce que peut donner le jeu en mode Expert ou en Chemin des Damnés. La quarantaine d’heures de jeu que vous réserve Pillars of Eternity sans ses extensions vont ressembler à un véritable parcours du combattant en Normal et il n’y aura aucune honte de s’essayer au mode Facile.

Certains moments clés sont appuyés par de petites séquences narratives

Le portage console de Pillars of Eternity est très convaincant. Techniquement solide, il jouit d’une jouabilité à la manette bien étudiée et finalement assez intuitive. Le seul petit bémol vient du temps de latence pour sélectionner les objets du décor que cela soit pour les observer ou les prendre. Curieusement, une pression un peu longue du bouton ne marche simplement pas, pour valider la sélection seule une pression rapide comme un click de souris fonctionne. Mis à part ce détail, c’est du tout bon. La traduction française est de qualité, la version Xbox ONE profitant de la correction des coquilles qui ont émaillé le jeu à sa sortie et la taille de la police est un exemple pour tous les jeux de rôle occidentaux old school qui sont sortis jusqu’à présent, soit nettement plus lisible qu’un Torment ou un Wasteland 2 pour ne citer qu’eux.

Bilan

On a aimé :
  • Sentir à nouveau le souffle de Baldur’s Gate
  • Un univers riche, profond et sombre
  • De nouvelles règles très intéressantes
  • Techniquement très propre
  • Une excellente écriture...
On n’a pas aimé :
  • ...mais qui aime s’étaler pour pas grand-chose
  • Des compagnons moins marquants que dans Baldur’s Gate
  • De gros pics de difficulté en Normal
  • Un léger souci de sélection à la manette
Revenir à nos racines

Pillars of Eternity : Complete Edition rêvait d’être le digne successeur d’un monstre, d’un reliquat du passé, déifié par le temps, magnifié par nos souvenirs. Il souhaitait naître dans les pas du grand Baldur’s Gate tout en évitant d’être absorbé par son ombre. Il voulait être le rejeton de Planescape : Torment, le bâtard d’Icewind Dale et le fils de Baldur. Tout cela il l’est à la fois. Sans atteindre les sommets auxquels il aspirait faute à une succession immense et une boulimie d’écriture parfois indigeste, il garde un charme certain et possède d’indéniables qualités qui font de lui, à défaut d’être un successeur incontesté un jeu de rôle hors norme, riche, généreux, pléthorique qui parvient sans mal à captiver et à redonner aux anciens l’impression de repartir pour un temps sur des chemins qu’ils avaient jadis arpentés avec un plaisir incommensurable. Et pour cela, Pillars of Eternity obtient le statut de grand jeu de rôle.

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Pillars of Eternity : Complete Edition

PEGI 16 Violence

Genre : RPG

Éditeur : Paradox Interactive

Développeur : Obsidian

Date de sortie : 29/08/2017

Prévu sur :

Xbox One, PlayStation 4, PC Windows