Je regarde par la fenêtre. Le soleil d’été brille dans un ciel azur immaculé. Sautillant de joie je me pare de ma plus belle tenue estivale, mon joli short kaki, mon tee-shirt Batman que j’aime d’amour, ma casquette Xboxygen pasque je le vaux bien et mes sandalettes de compétition. J’ouvre la porte et je me rends compte qu’un vent glacial dénude méthodiquement les arbres de leur superbe parure automnale. Le somptueux ballet ocre et doré des feuilles emportées par le vent n’altère en rien ma bonne humeur, je saisis au vol mon imperméable Tchoupi et sors prestement dehors. C’est à ce moment-là que la neige commence à tomber et recouvre toutes ses couleurs d’un lourd et magnifique manteau blanc. Oui, il n’y a plus de saisons et croyez-le ou pas, tout ceci est la faute d’un renard.
La balade du goupil
Tout commence comme dans un rêve. Une petite graine émerge dans une grande forêt entraînée par une douce et espiègle voix de femme, presque enfantine. Cette dernière lui demande de retrouver les quatre anciens gardiens des saisons afin de réaliser un étrange rituel. Mais pour tout ça, il lui faut prendre l’apparence d’un animal, ce jeune renard qui passait par là fera parfaitement l’affaire.
L’entrée en matière de Seasons After Fall est simple, poétique, sans fioritures et introduit parfaitement l’atmosphère et la promenade qu’il va nous proposer au gré des quatre saisons et des altérations qu’elles vont engendrer sur notre environnement. On est entraîné dès les premières minutes dans un monde coloré aux teintes pastel fait d’aplats de couleurs jetées les unes contre les autres.
Cela donne l’impression de se promener dans un tableau d’impressionniste oscillant entre naïveté du trait et maîtrise de l’ensemble. Notre renard traverse parfois des paysages d’une extrême poésie comme lorsqu’il court avec son reflet sur un lac gelé. Ces moments sont malheureusement trop peu nombreux pour maintenir la magie d’un parti pris artistique agréable mais pas maîtrisé jusqu’au bout. On regrette encore plus le manque de fluidité de certains environnements chargés que l’on constate en arrière- plan. Des saccades violentes et particulièrement désagréables même si au final elles s’avèrent heureusement ne pas toucher tous les décors. On va croiser les doigts dans l’attente d’un patch salvateur.
On ne va absolument pas être aussi difficile avec l’environnement sonore de Seasons After Fall magnifique et maîtrisé de bout en bout. Yann Van Der Cruyssen, le compositeur, offre avec un trio de cordes, violon, violoncelle et alto, des compositions en tout point remarquables berçant le jeu dans une atmosphère onirique qu’il ne quittera pas jusqu’à la fin. Le doublage n’est pas en reste, les deux acteurs français qui prêtent leur voix à Seasons After Fall, Adeline Chetail et Vincent Grass, livrent une prestation magnifique, une de celles que l’on aimerait retrouver plus souvent dans le jeu vidéo. Des doublages de cette qualité sont malheureusement trop rares et ceux de Seasons After Fall sont parfaits.
Au rythme des saisons
Seasons After Fall est une promenade onirique, un univers construit autour d’un noyau central et autour duquel notre renard va devoir voyager afin de récupérer le pouvoir des saisons puis pour essayer de renouveler leur cycle. Il n’y a pas d’ennemis dans Seasons After Fall, pas de mort sanction, juste une série d’énigmes que l’on va devoir résoudre en changeant les saisons et utiliser leurs effets sur les environnements visités. Une plate-forme inaccessible pour notre renard ? Instaurons l’automne et peut être que l’on pourra utiliser le chapeau d’un champignon comme marche-patte. Peut être même qu’en été cette plante va grandir et faire office de pont de fortune. La glace en hiver, la neige, la pluie printanière, la chaleur estivale, le vent automnal, chaque manifestation des saisons sera utilisée pour permettre à notre renard d’arriver à la fin de sa quête. La grande accessibilité du jeu et son atmosphère en font un compagnon idéal pour les enfants. Les grands verront beaucoup plus rapidement les limites de ses mécaniques de jeu.
Seasons After Fall a beaucoup de mal à transposer le charme de sa direction artistique sur ses énigmes. Ces dernières n’arrivent jamais à être au niveau, elles peinent durant tout le trajet à trouver leur souffle pour proposer des moments magiques, aussi beaux et poétiques que ses musiques ou ses tableaux. Notre goupil passera la plupart de son temps à bondir sur des champignons, à monter le niveau de l’eau et à utiliser d’autres mécaniques tout aussi simplistes. Le studio Swing Swing Submarine nous avait habitué à beaucoup plus d’ingéniosité dans ses précédents et excellents jeux (Tetrobot and Co. et Blocks That Matter), Seasons After Fall manque clairement de folie, voire d’imagination dans ses énigmes pour nous offrir plus qu’une simple et jolie promenade. On attend désespérément que la flamme s’allume enfin et que le jeu s’envole mais il reste bien trop sage jusqu’au bout. Notre renard traverse cet univers les oreilles grandes ouvertes mais l’esprit ailleurs comme en mode automatique attendant désespérément un souffle qui ne viendra jamais. Dommage.