Au fil du temps, le walking simulator est devenu un genre en soi. Autour d’un gameplay limité à quelques énigmes et à de l’exploration, ces titres cherchent avant tout à raconter une histoire, à traiter une thématique particulière et à faire ressentir au joueur des émotions. Pour se distinguer, un titre de cette catégorie doit donc être particulièrement bien écrit et présenter une Direction Artistique sans faille. C’est le pari que Blackwood Crossing doit gagner pour mériter l’achat.
Le petit train, s’en va dans la colline…
Le jeu s’ouvre alors qu’on se réveille dans la peau de Scarlett, dans la cabine d’un train. Finn, notre petit frère, a disparu : il joue une partie de cache-cache qui va nous obliger à lui courir après. Très vite les premières rencontres, étranges, nous font réaliser qu’on est dans une sorte de rêve éveillé. Cela va se confirmer dans ce train qui se déplace vers une destination inconnue, et qui semble contenir tout un univers constitué d’événements majeurs de la vie de Finn et Scarlett.
Impossible d’en dire plus sans déflorer une histoire racontée avec finesse, ce serait annihiler le plaisir de la découverte qui est le moteur principal du jeu. Certes, on devine très vite quelle est l’allégorie de ce train, et on ne sera pas surpris par la conclusion, même si elle a le bon goût de ne pas sombrer dans l’explication littérale. On peut cependant sans peine souligner que le récit est très bien mené, et fourmille d’idées intéressantes.
Blackwood Crossing est court (entre 2 et 3 heures de jeu), mais ce n’est pas un défaut : un jeu narratif comme celui-ci doit surtout savoir quand s’arrêter, et je l’aurais même raccourci de quelques séquences qui n’apportent plus grand-chose quand on a compris où le jeu allait nous mener. Le générique de fin nous laisse sur une vraie satisfaction : les émotions sont passées, on s’est laissé embarquer en compagnie de Scarlett. Pour autant, on reste dans des thèmes qui sont en train (non, ce n’est pas un jeu de mots) de devenir récurrents dans les jeux dits « narratifs », et donc qui perdent de leur impact en même temps que de leur originalité.
Pixar en version dramatique
Visuellement, Blackwood Crossing fait très fort, avec des choix surprenants qui font mouche de façon inattendue. Alors qu’on est dans une tonalité très lynchienne, les personnages semblent sortis d’un film Pixar, avec de grands yeux et une allure qui donne l’impression qu’on se trouve dans un dessin animé pour enfants. Le contraste entre les personnages et l’univers qui les entoure renforce l’étrangeté des situations, les rendant encore plus incongrues qu’elles ne le sont déjà. Une belle réussite.
Pour le reste, les auteurs assument leurs influences à travers des affiches de films détournés, osant même citer directement Donnie Darko, inspiration évidente du studio. Les choses sont ainsi claires et c’est une preuve d’honnêteté qui fait plaisir. On regrettera juste un détail de gameplay, les interactions avec les personnages ou objets n’étant pas naturelles : il faut pointer avec précision pour pouvoir agir, ce qui est regrettable, car il n’y a pas grand-chose de pire pour nous rappeler qu’on est dans un jeu. Enfin, on peut souligner une bande son de qualité qui souligne avec sobriété et efficacité le déroulement de l’histoire.