Test - Monochroma

«50 nuances de Grey» , - 5 réaction(s)

Ces derniers temps, j’ai montré pas mal d’agacement pour la généralisation du bavardage dans les jeux. Ces personnages qui ne peuvent pas s’empêcher de faire sans cesse des commentaires, qui expliquent ce qu’ils doivent faire, qui détaillent ce qu’ils sont en train de faire ou ce qui arrive… Mais vous allez la fermer ! C’est le moment idéal pour attaquer Monochroma, un titre qui se déroule dans un monde étrange et inquiétant, et pendant lequel pas un mot n’est prononcé.

La nuit, tous les chats sont gris, ici, c’est le cas le jour aussi

Un monde industriel

On pourrait résumer Monochroma à un jeu de plateforme basique, et ça ne serait pas faux. Ce n’est pas cela qui fait sa particularité, mais commençons par ces éléments terre à terre, même si ce ne sont pas ceux qui plaident le plus en faveur jeu. En effet, si le héros avait été un petit écureuil dans un monde coloré, on ne s’arrêterait pas plus de quelques lignes pour parler de ce titre. Les mécanismes de jeux sont pour le moins banals, voire peu inspirés, se basant tout au plus sur des puzzles à base de leviers qu’on doit activer. La seule petite particularité est qu’on doit porter son petit frère, et que quand celui-ci est dans nos bras, on saute moins haut. Il faut donc le déposer régulièrement dans un endroit lumineux, car il a peur du noir (un peu chiant le gamin !), jusqu’à ce qu’on résolve le puzzle permettant d’avancer. On sera surpris de ne rencontrer aucune difficulté pendant plus de la moitié du jeu, qui se termine en environ 3h30, et c’est seulement sur la fin que certains puzzles prennent un peu plus de temps à résoudre et deviennent plus évolués. La maniabilité n’est pas exempte de défauts, notre personnage souffrant d’une inertie digne de Little Big Planet. Pourtant, manette en main, cela n’a pas vraiment d’importance.

Le gameplay n’est finalement qu’un prétexte, qui remplit son office en livrant une prestation sans génie mais correcte, afin de ne pas gêner les véritables intentions de Monochroma. L’ambition du jeu est avant tout artistique, en premier lieu visuellement. L’utilisation de la palette de gris, seulement traversée par quelques taches de rouge de temps à autre, fonctionne remarquablement bien. Cela recouvre le jeu d’une ambiance dépressive et triste que confirme la pluie qui ne cesse de tomber. Les graphismes sont soignés, et malgré une certaine redondance dans des décors à dominante industrielle, la tenue de l’ensemble produit l’effet recherché jusqu’à la fin du jeu. Certes, c’est très « arty » et stylisé, ce qui peut générer le rejet ou la lassitude, mais au moins Monochroma a son identité visuelle. Si en regardant les screens vous n’avez aucune attirance pour le monde illustré, passez votre chemin… D’un point de vue technique, on regrettera qu’un jeu si simple ne soit pas totalement parfait (il arrive que l’animation ne soit pas impeccable), mais à nouveau cela n’a pas vraiment d’importance. La représentation visuelle est là avant tout pour une chose bien précise, transformer le jeu en un vecteur de ressenti.

Dans une ville menaçante

Et ce n’est pas le seul élément qui y participe. Comme expliqué en introduction, le jeu est très silencieux. Pas de dialogues, à aucun moment, des bruitages choisis, et une musique discrète qui n’apparait que de façon parcimonieuse. Cela renforce terriblement la sensation qu’on se trouve dans un monde sans âme, déshumanisé. Les péripéties vont dans le même sens, jouant sur des passages osés dans le cadre d’un jeu, puisque misant sur le vide (on va avancer dans un décor sans obstacles ni menaces immédiates) ou sur une lenteur (les ascenseurs et mécanismes sont presque tous lents) qui crée par contraste avec la situation un stress lié à l’attente. Ces choix ne vont certainement pas plaire à tout le monde, et pour peu qu’on ne soit pas dans une démarche de réception sensorielle, on pourra même clairement s’en agacer.

Une clarté rare

Le dernier élément qui participe à cette distribution de sensations est l’histoire qui est racontée. Sans un mot, on décrit un univers dont on comprend une partie des rouages, tout en devinant un background qui doit être très détaillé chez les auteurs du jeu. Certains symboles sont un peu gros, c’est vrai, et c’est ce côté un peu trop caricatural par moments qui va faire que je ne vais pas accorder mon coup de cœur à Monochroma : il manque dans le message passé une certaine subtilité qui est pourtant partout ailleurs, et la dernière partie du jeu, en donnant une explication trop rationnelle, limite la portée du propos. Pour le reste on est sur une narration qui n’est pas explicite, ce qui permet de trouver un sens au jeu qui peut différer suivant le joueur. Certains resteront à un niveau terre à terre quand d’autres chercheront au-delà. De ce fait, je me garderai bien de vous parler de ce qui est raconté, tant cela est personnel, car je ne voudrais pas influencer la façon dont vous recevrez le jeu. D’ailleurs, certains vont considérer que cela ne raconte rien ! Pour vous donner une idée, l’approche me semble assez identique à celle d’un film comme Eraserhead de David Lynch, un chef d’œuvre pour certains, une fumisterie pour d’autres. Vous avez bien compris que j’ai marché dans la combine et que j’ai beaucoup apprécié Monochroma, malgré les quelques réserves exprimées en pointillés dans ce test.

Bilan

On a aimé :
  • Belle Direction Artistique
  • Des choix osés et même risqués
  • Un véritable propos
On n’a pas aimé :
  • Message parfois trop caricatural
  • Les mécanismes de jeu font le minimum syndical
Jeu d’art et d’essai

Pas facile de rendre un avis sur ce jeu ! Vous l’avez compris en lisant ce test, j’ai beaucoup apprécié la démarche de Monochroma, jeu cherchant avant tout à provoquer des sensations. Certains choix, que ce soit dans le visuel très soigné et stylisé, dans une partition sonore minimaliste, ou dans des options de rythme dans le gameplay, sont osés et fonctionneront à merveille sur ceux qui entrent dans cet univers. Mais on ne peut pas nier qu’en tant que jeu, dans le sens classique du terme, Monochroma est bien moyen, et que les choix qui seront des qualités pour certains deviendront des défauts pour d’autres. Le propos du jeu, cryptique par certains aspects, est malheureusement plus grossier par d’autres. C’est ce que je regrette le plus en étant amateur de ce que j’ai joué, peut-être que cela ne sera même pas perçu par d’autres ! Ce jeu coute moins de 10€, et est différent de ce qu’on a l’habitude de voir. A ce prix je ne peux que fortement le conseiller à ceux qui sont séduits par les screens et qui ont été intrigués par le test. Par contre, si vous n’êtes pas attiré par les visuels du jeu ou si vous restez circonspects à la fin de cette conclusion, passez votre chemin, Monochroma n’est juste pas fait pour vous.

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Monochroma

Genre : Aventure/Plates-Formes

Editeur : Nowhere Studios

Developeur : Nowhere Studios

Date de sortie : 24/06/2016

5 reactions

tomzati

05 jui 2016 @ 09:47

ça ressemble assez fortement à Limbo au niveau graphismes....

tomzati

05 jui 2016 @ 09:47

oh et bon test au passage !;-)

avatar

bastoune

05 jui 2016 @ 10:27

ça ressemble assez fortement à Limbo au niveau graphismes....

sur la première image du test s’en est presque choquant oui ;-)

oh et bon test au passage !;-)

pareil !

Rone

05 jui 2016 @ 10:48

Merci !

J’ai hésité à faire référence à Limbo, mais cela aurait allonger le test !^^ Disons qu’on est dans la même famille de conception, mais la tonalité est différente.

Jonyboy

07 jui 2016 @ 11:00

S’il n’était pas sorti en même temps qu’Inside j’aurais probablement craqué pour retrouver un peu de cette ambiance Limboesque qui me manquait tant. Mais maintenant il va forcément souffrir de la comparaison avec le dernier chef d’oeuvre de Playdead. Je me le garde dans un coin de la tête pour plus tard, quand je me retrouverai à nouveau en manque d’aventure monochrome.

Et effectivement très bon test, c’est pas tous les jours qu’on trouve des références telle que celle faite à Eraserhead, ça fait plaisir ! ;-)