Ces derniers temps, Hollywood semble considérer que les films d’horreur doivent être des produits « PG13 » tout au plus, transformant le film de genre en un spectacle de peur pour ménagère. Heureusement, le jeu vidéo semble avoir en partie pris le relai, livrant régulièrement de jolies œuvres bien barrées se permettant les excès qu’on ne retrouve plus sur grand écran. Layers of Fear, après être passé par la case early access, est de ce bois, cherchant à proposer un spectacle original et malsain.
Le concept avant tout
L’histoire racontée dans le jeu étant sa pièce maîtresse (on va y revenir plus loin), je vais me permettre de rester très flou à ce sujet. Disons qu’on va plonger dans la psyché d’un peintre qui cherche à réaliser l’œuvre parfaite. Ce qu’il est important de retenir de Layers of fear, c’est avant tout son concept qui est de prime abord furieusement original. En effet, le pari qui a été fait est de faire réagir le joueur, non pas à travers ses actions, mais plus par rapport à ce dont il est témoin. Pour ce faire, tout est centré sur la mise en scène vidéoludique, c’est-à-dire en intégrant tous les ressorts du médias, y compris le plus important : la liberté de mouvement du joueur. Ainsi, contrairement à l’ultra-majorité des jeux racontant une histoire et qui misent sur des cinématiques à cette fin, Layers of fear va dérouler la sienne grâce à la construction de ses environnements qui pousse naturellement le joueur à assister aux évènements. La différence majeure avec les productions habituelles est que de ce fait le joueur est également artificiellement acteur, ce qui augmente fortement son implication émotionnelle. Le procédé n’est pas simple, raison pour laquelle il est si peu fréquent, puisque le joueur peut réellement rater des évènements pour peu qu’il choisisse de ne pas les regarder.
C’est sans doute pour ça que des cinématiques s’invitent tout de même régulièrement afin de limiter le risque de manquer des passages clés. Cette écriture propre au média, peu de jeux l’osent. On peut penser à Red Dead Redemption ou à Halo (en particulier le 3) qui sont de véritables étalons de cette écriture visuelle et interactive. Rien que pour ça, Layers of fear est intéressant. Pour le reste, le résultat est tellement contrasté qu’il faut bien savoir où on met les pieds.
50/50
Il est assez stupéfiant de constater que pour chaque qualité, un défaut est associé. Concernant l’histoire, par exemple, celle-ci éveille la curiosité, et on a vraiment envie de savoir ce qu’il s’est passé dans ce foyer. Elle est racontée à travers des photos, des objets, des articles de presse et des courriers. Plutôt finement d’ailleurs ! Mais dans le même temps, pour trouver ces documents il faut passer son temps à ouvrir des tiroirs et des placards, ce qui devient vite lassant. De ce fait, on aura tendance à chercher de façon superficielle, en loupant une partie du récit…
La mise en scène dont on parlait plus haut est efficace, c’est indéniable, mais elle s’articule autour d’un gameplay passif, et on comprend très vite qu’on ne peut pas mourir. Un choix étrange puisque cela désamorce clairement une partie de la tension que les développeurs ont pris tant de soin à mettre en place. C’est là un paradoxe étonnant : alors que tout est fait pour qu’on ressente une forte tension, on peut parcourir le jeu en rushant sans prêter attention à rien ! L’ambiance même est à elle seule une étrange dualité. Manifestement, l’intention de départ est de proposer quelque chose qui doit mettre mal à l’aise le joueur, mais ce sont les jump-scare, effet des plus basiques, qui sont mis en avant ad nauseum. Ils sont tellement nombreux qu’on les voit venir à des kilomètres et très vite ils ne font plus beaucoup d’effet. Enfin, la représentation même de la maison est tout autant discutable. S’il y a une vraie Direction Artistique, un vrai style, et de nombreuses idées, fondamentalement tout se limite à des ouvertures de portes sur un chemin ultra-balisé. On pourra de temps en temps manquer un objet ou une action à réaliser, pas plus, et cela sans conséquences sur l’avancée dans le jeu. Du coup, on traverse de grands moments d’ennui, et pourtant on se trouve soudainement surpris à sauter de sa chaise ! On est donc bien dans le jeu… Sans y être totalement.
Reste un sujet qui, lui, n’a pas de pendant, c’est celui du niveau technique du soft, franchement faiblard. Alors que le jeu n’est pas vraiment gourmand en action, en éléments animés ou en interactions, on a tout de même le droit à une animation loin d’être parfaite, à des répétitions dans les décors, et à un aliasing omniprésent, tout comme un effet de flou cache-misère pour les longues distances. La Xbox One semble souffrir pour faire tourner ce jeu pourtant bien basique pour une machine de ce calibre. On devine une équipe réduite derrière le jeu, qui n’a sans doute pas tiré grands bénéfices de l’early access… Seule la partition sonore, efficace dans ses musiques tout comme dans ses bruitages, se détache pour ce qui est de la partie technique.
Cet ensemble donne un résultat disparate, à la fois original et ennuyant, bien conçu et…mal conçu. C’est avec ce sentiment mitigé qu’on va parcourir Layers of fear pendant les 4 à 5 heures nécessaires pour en voir le bout.