Testé sur Xbox One
Les films mexicains des années 60 à 80 mettant en scène des luchadores bariolés sont des œuvres totalement barrées. Je dois faire partie des rares en France à en avoir vu un certain nombre, et, pire, à aimer ça ! Les deux plus célèbres, El Santo et Blue Demon, affrontent tout et n’importe quoi, traversant des métrages aux scénarii les plus absurdes. C’est rarement bien filmé, toujours un peu (beaucoup) cheap, mais je ne me lasse pas de voir un mec torse-nu avec un masque déambuler comme si de rien n’était parmi les civils. Mieux, quel que soit l’ennemi (des mafieux, mais aussi une momie ou un loup-garou…), tout se termine par des prises de catch. Ces films osent tout et surtout n’importe quoi dans une ambiance décalée qui est à des milliers de kilomètres de ce que l’on oserait faire de plus fou dans notre production hexagonale. Ce sont clairement ces films qui ont inspiré les créateurs de Guacamelee ! Super Turbo Champion Edition, et c’est tant mieux !
Royal Rumble
C’est le jour des morts ! Fiesta si importante au Mexique pour laquelle tout le monde se prépare, y compris Juan, notre héros. Cette journée si festive commence pourtant très mal. En effet, le maléfique Calaca célèbre la fête à sa manière en semant littéralement la mort autour de lui, caramba ! Plus horrible encore, il provoque Juan, notre futur héros, en kidnappant son amie d’enfance (et on devine bien qu’avec le temps, elle serait devenue un peu plus que son amie...). Malédiccion ! Juan fait ce qu’il peut pour la sauver, mais ce n’est qu’un hombre ordinaire et il se fait tuer en un temps record. Dans le monde des morts, il trouve un masque légendaire qui le ramène à la vie, et surtout qui va faire de lui el ultimo luchador !
Guacamelee se présente sous la forme d’un bon vieux jeu d’action 2D à l’ancienne, mêlant baston et plateformes. Si au début du jeu on ne peut que sauter et cogner, très rapidement on apprend des coups supplémentaires qui permettent d’avoir accès à de nouvelles zones à explorer. Un peu comme un bon vieux Metroid. Au passage, bravo pour le pouvoir permettant de se transformer en… poule, franchement drôle. Le gameplay semble plutôt simple au premier abord, mais il s’enrichit de plus en plus, jusqu’à devenir franchement technique. Les esquives, projections, attaques spéciales et sauts de cabri devront tous être utilisés simultanément ou en combinaison pour pouvoir faire face à l’adversité. Les combats sont très nerveux, rythmés et fun, et le jeu propose également des phases de plateformes qui sont parfois autant de casse-tête. Le challenge y est relevé et demande beaucoup d’efforts au joueur, mais mourir n’est pas très punitif, l’échec n’ayant pour résultat qu’un respawn immédiat en solo, ou après quelques secondes en coopération. Du coup, on s’accroche pour progresser et on retire une vraie satisfaction après avoir vaincu un boss retors ou avoir franchi une zone particulièrement complexe. Après une huitaine d’heures de jeu, c’est repu qu’on pose la manette, fier du travail accompli. C’est là que se trouve sans doute la seule vraie faiblesse du jeu : on aurait aimé un peu plus de contenu, même si cette version Super Turbo Champion Edition propose quelques niveaux de plus que le Guacamelee déjà sorti sur PS3, Vita et PC.
Globalement, les mécanismes de jeu ne font pas dans la nouveauté, mais tout est bien calibré, bien conçu, et doté d’une difficulté progressive agréable.
La seule véritable originalité (et encore, c’est un principe qu’on a déjà croisé régulièrement dans d’autres titres) réside dans le pouvoir de passer du monde des vivants à celui des morts, faisant apparaître et disparaître des plateformes n’existant que dans un des deux plans. Cela donne des séquences motivantes mais franchement difficiles, pendant lesquelles il faudra par exemple faire un saut, rebondir sur un mur, passer dans le monde des morts pour faire apparaître un autre mur sur lequel on va s’appuyer avant de rechanger de plan… etc… Le timing et la précision sont indispensables !
Guacamelee propose de jouer en coopération, à deux sur la même console (dommage qu’on ne puisse pas le faire en ligne), et bien entendu c’est encore plus drôle. Les passages de bastons s’en retrouvent facilités, mais à l’inverse, quand il faut se concentrer pour sauter d’un endroit à l’autre avec précision, cela complique parfois les choses quand deux catcheurs gesticulent dans tous les sens à l’écran !
La banana
Le vrai point fort du jeu, c’est son ambiance festive et délirante. Les graphismes, très colorés, tranchent avec les teintes ternes de la majorité des productions actuelles, pour un rendu esthétiquement très réussi. C’est un véritable appel à la fête, soutenu par une bande son qui alterne musiques traditionnelles mexicaines et thèmes plus modernes. Guacamelee n’est pas un jeu qui fatigue beaucoup techniquement une Xbox One, mais la réalisation est sans faille : pas de problèmes de collisions, pas de ralentissements, et une action toujours très lisible, y compris quand l’écran est surchargé.
Et surtout, c’est drôle ! Le style graphique adopté est une réussite qui pousse à la bonne humeur, et qui n’est jamais trahi par des dialogues et des situations qui font mouche. Ca ne vole pas toujours très haut, c’est vrai, mais qu’importe : tout est fait pour qu’on s’amuse. L’absurdité est brandie en porte-étendard, et semble être la norme de ce monde bariolé et joyeux dans lequel s’invitent de nombreuses références au monde des jeux-vidéo que vous verrez forcément. Le résultat est sans appel, dès qu’on commence à jouer on a envie de revêtir un poncho et de se couvrir d’un sombrero en criant des « Arrrrrrrriba » (merci de bien rouler les « r » en lisant ce mot). D’ailleurs je rédige ce test après m’être laissé pousser la moustache et en regardant El Santo y Blue Demon contra Dracula y el hombre lobo.