Test - Lost Odyssey

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L’air de rien, Lost Odyssey est le quatrième jeu de rôle venant du Japon à débarquer chez nous sur Xbox 360, après Enchanted arms, Blue Dragon et Eternal Sonata. Comme la console est déjà pourvue de deux excellents jeux de rôles occidentaux (Oblivion et Mass Effect), voilà qu’à la surprise générale, la Xbox 360 se présente comme LA machine next gen pour les rôlistes !

Immortel

Vous êtes Kaïm Argonar, mercenaire immortel qui a navigué de bataille en bataille tout au long de sa vie. Vous avez accumulé tellement de souvenirs, douloureux pour la plupart, que votre mémoire, comme saturée, s’est effacée. Le jeu s’ouvre sur une de ces gigantesques batailles : une guerre qui va s’achever par la chute d’une météorite sur les protagonistes. Tous morts, sauf vous. L’inquiétude gagne la cité d’Uhra, ce dont le conseil vous fera part : et si la chute de cette météorite était due à des remous magiques provoqués par le grand Sceptre ? Cette gigantesque tour construite sous les ordres du mystérieux Gongora pour canaliser les forces magiques est mise en cause, et le conseil pense qu’un immortel comme vous est la personne la plus indiquée pour enquêter. En attendant, Gongora, qui semble jouer un jeu bien trouble, est invité à ne pas quitter son palais. Cela fait maintenant plusieurs années que la force magique est apparue, changeant radicalement la vie de tous, sans qu’on en sache beaucoup sur elle. Vous allez rapidement vous mettre en route, vite rejoint par une autre immortelle et par un espion à la solde de Gongora. Chemin faisant, des souvenirs troubles vous reviennent en mémoire…

Et je ne vous en dirai pas plus. Le scénario du jeu, sans aller jusqu’à mériter un Oscar, est suffisamment agréable pour que vous le découvriez par vous-même. Sachez juste qu’il recèle son lot de surprises, et que la progression dans l’histoire est très bien faite. L’histoire, sur une trame classique, est un peu plus ambitieuse que d’habitude, et bien menée. Le ressort dramatique du héros amnésique est usé jusqu’à la corde, et pourtant il aura rarement été aussi bien exploité. C’est ce qui fait la qualité d’écriture de Lost Odyssey : l’histoire avance en même temps que les personnages évoluent. D’une certaine manière, ce sont même les personnages en général, et Kaïm en particulier qui sont au centre du jeu, et qui bénéficient d’une très belle caractérisation. Votre avatar est mélancolique, austère, comme lassé par sa trop longue vie, et cela se ressent dans son design, mais aussi dans ses attitudes et ses propos. Une des forces de Lost Odyssey est que l’émotion n’est jamais très loin (j’avoue avoir été particulièrement ému par la fin du premier DVD), et que le sentiment d’identification est très fort.

Une vieille recette, mais une saveur différente

Pour les habitués des jeux de rôle nippons, il est absolument impossible de ne pas penser à Final Fantasy quand on voit Lost Odyssey. Logique, puisque plusieurs des concepteurs du jeu sont des transfuges de chez Square ! Et c’est vrai qu’on retrouve dans Lost Odyssey les éléments habituels des Final Fantasy : combats aléatoires, design des personnages très lisse, limite androgyne, mélange de technologie et de mysticisme, nombreuses cinématiques…Une recette éprouvée, la même depuis maintenant bien longtemps. L’inconvénient de cette parenté est le sentiment de déjà vu inévitable, mais l’avantage est qu’on trouve immédiatement ses marques. Pas besoin de lire la notice pour jouer à Lost Odyssey ! Pourtant réduire Lost Odyssey à un ersatz de Final Fantasy serait une belle erreur ! Visuellement déjà, passée la première impression, on appréciera très vite un univers qui a sa propre personnalité. Certes, nous somme là dans un univers de retro SF, comme d’habitude, mais pourtant un style bien particulier et immédiatement identifiable le rend un peu différent des autres. De même, l’aspect lisse des personnages a ici un sens, en tout cas en ce qui concerne Kaïm. Son visage, fin et dénué d’expression, retranscrit son état d’esprit d’être raffiné à l’esprit au-delà des préoccupations quotidiennes. Quand son visage s’anime, de colère ou d’un sourire, le contraste est saisissant et décuple ses émotions, laissant voir que ce personnage est bien plus complexe qu’il n’y parait au premier abord. Dommage que cette caractérisation reste inégale suivant les personnages, certains ayant bénéficié manifestement de beaucoup plus de soins que d’autres (c’est en particulier vrai pour les personnages que vous ne jouez pas). Plutôt que de jouer au jeu des 7 différences avec les autres jeux de rôle, examinons les séquences de jeu où l’on passera le plus de temps : les combats et l’interface de jeu.

Dans un vieux pot, une nouvelle soupe

Les combats sont d’un classicisme remarquable, si ce n’est quelques originalités qui les rendent plus tactiques qu’ils n’y paraissent au premier abord. Nous avons là du tour par tour, chaque personnage ayant la possibilité d’attaquer, utiliser un objet, lancer un sort (au temps d’incantation plus ou moins long) ou utiliser une compétence. Réelle nouveauté : une fois les personnages équipés d’un anneau spécial, les attaques deviennent très dynamiques, puisque pendant qu’on voit notre personnage foncer vers son adversaire, un cercle se réduit autour de la cible alors que vous pressez la gâchette droite. Si vous la relâchez au bon moment, les dégâts seront plus ou moins augmentés. Si vous voulez être efficace pendant les combats, impossible de jouer en mangeant des chips ! D’autres aspects sont à prendre en compte. Il y a bien entendu les habituels éléments (air, terre, eau, feu) qui s’opposent et jouent sur les résultats, mais surtout il y a la notion de première ligne d’attaque. Cette première ligne officie comme un bouclier pour les personnages qui sont derrière. Tant que les points de vie des personnages en première ligne sont élevés, ceux qui sont derrière ne prendront que peu de dégâts, mais si leur vie baisse, ceux qui sont derrière deviennent vulnérables…Il va vous falloir bien étudier votre formation, et bien réfléchir à ce que vous faites ! Dernier aspect, les personnages immortels ne meurent pas (sans blagues !). Une fois leurs points de vie à 0, au bout de quelques tours ils se relèvent avec un petit capital de points de vie. Le combat n’est perdu que quand tout le monde dans l’équipe est à 0. Illustration des questions que vous allez forcément vous poser : Vous battant contre des créatures végétales, vous avez décidé de vous armer d’anneaux de feu. En première ligne vos personnages ayant le plus de points de vie, en deuxième ligne des lanceurs de sorts plus fragiles. Pendant le combat, un des personnages de la première ligne, un immortel, est gravement touché. Que faire ? Vous pouvez ne rien faire, vous concentrer sur les autres personnages ou bien continuer à attaquer, puisque c’est un immortel et qu’il se relèvera…Mais votre première ligne en sera affaiblie et vous prendrez un risque pour les lanceurs de sorts. Vous pouvez décider de soutenir ce personnage avec un sort de protection ou de soin…mais pendant ce temps, vous n’attaquez pas, et ces soins auraient pu servir à un personnage mortel et plus faible… Qui plus est, dans Lost Odyssey, et contrairement à la majorité des jeux de rôle (dont Blue Dragon, le précédent Mistwalker), les combats sont plutôt difficiles, avec des adversaires coriaces et sans pitié. C’est en particulier vrai dans le premier DVD. Quand vous aurez plus de membres dans votre équipe, vous aurez plus de choix et les combats en seront facilités (sans jamais pour autant devenir aisés). Comme le jeu ne favorise pas le leveling, ce sont bien vos stratégies qui viendront à bout des adversaires les plus coriaces. Un vrai défi à relever. Le jeu est plein de subtilités que vous allez gérer dans l’interface. Les immortels doivent se lier à un humain ou s’équiper d’objets pour apprendre des compétences, l’importance des éléments fait que vous changerez souvent d’équipement, et vous serez également attentif à votre formation. Bref, plein de choses à faire dans l’interface du jeu. La première impression n’est pas des meilleures : c’est tout gris, et franchement austère. Mais en pratique, l’interface du jeu est un vrai succès. Très claire, elle est surtout très simple à utiliser. Tous se fait en appuyant sur A pour sélectionner quelque chose, qui remplacera la sélection précédente. En quelques secondes, on peut pratiquement tout modifier. Simple, pratique, et qui sait donc se faire oublier pour laisser parler le jeu en lui-même.

Un léger manque de finition ?

Globalement, la réalisation est à la hauteur des prétentions du jeu, mais on ne pourra pas s’empêcher d’exprimer quelques regrets. Graphiquement le résultat est excellent, bien qu’inégal. Cela oscille entre le très beau et le correct. Vous ne traverserez jamais un endroit que vous trouverez laid, mais les lieux visités ne sont pas aussi impressionnants les uns que les autres. Et vous ne manquerez pas de remarquer que certaines textures sont pauvres et nettement moins bien réussies que d’autres. C’est d’autant plus surprenant que Lost Odyssey est très pointilleux dans les détails. Les environnements en regorgent (ce qui leur donne leur personnalité), et le jeu va même jusqu’à faire apparaître en transparence les veines des personnages à la peau claire (remerciez moi, je vous donne une bonne excuse pour regarder les seins de la reine Ming). Le bestiaire de vos adversaires est lui correctement varié, sans plus, mais tous les monstres sont bien conçus. Rien à dire sur les boss, nombreux, et tous impressionnants. Le plus grand regret concerne sans aucun doute l’animation du jeu. Correcte la plupart du temps, elle souffre de belles baisses de framerate régulièrement, que ce soit pendant les déplacements, en combat, ou même pendant les cinématiques. Il n’y a pas de quoi en faire une montagne, puisque dans un jeu de rôle, ce n’est pas un aspect rédhibitoire, et très franchement cela n’entame pas le plaisir du joueur. Cela reste tout de même dommage, d’autant plus que cela aurait sans doute pu être arrangé entre la sortie japonaise et la sortie sous nos latitudes. Histoire de continuer sur ce qui est critiquable, on peut parler des temps de chargement plutôt longs, et qui hachent le rythme du jeu à certains passages où vous cumulez des changements de lieux fréquents à des séquences de cinématiques. Si la longueur de ces chargements est indéniable, je dois reconnaître qu’en quelque sorte on s’y fait très vite ! A part à quelques moments (les déplacements sur la carte), l’inconvénient reste insuffisant pour ternir l’impression d’ensemble. Dernier point qui pourra surprendre : quand d’anciens souvenirs reviennent en mémoire à Kaïm, alors qu’on pouvait attendre des cinématiques, on a le droit à un texte illustré (joliment, d’ailleurs). Plutôt de beaux textes, bien écrits, mais des textes quand même, et parfois longs ! Pas sûr que vous aurez la patience de lire sur votre télé. Mais il me faut être clair : si je me dois de souligner ces faiblesses dans ce test, c’est avant tout pour être le plus complet possible, car ce ne sont que des faiblesses relatives, et qui sont surtout mises en relief par rapport à la qualité d’ensemble du jeu.

Comme au cinéma !

Comment ne pas parler de la musique de Lost Odyssey ? Les habitués le savent, un grand jeu de rôle se doit d’avoir une grande musique. Aucun problème de ce côté-là, puisque la partition est somptueuse. Suivant vos goûts, il y aura des morceaux que vous préférerez à d’autres, mais tous soutiennent parfaitement les scènes qu’ils illustrent, et il y a de grandes chances pour que vous en gardiez certains en tête longtemps après avoir éteint la console. Le reste de l’environnement sonore n’est pas du même niveau, tout en restant très bon. L’étalonnage des voix est bien fait, bien que certains décrochages soient à noter (moments où les voix deviennent moins fortes que la musique, et où il est difficile de comprendre ce que disent les personnages). La qualité des doublages est plus que correcte en français, certains acteurs étant très bons (dont le personnage principal, ça tombe bien), d’autres plus moyens. Globalement du bon travail, mais en dessous du niveau exceptionnel d’un Mass Effect. Les versions anglaises et japonaises sont équivalentes à la VF, avec les mêmes qualités et défauts, et je n’ai pas essayé les versions italiennes et allemandes, mais sachez qu’elles sont sélectionnables également. En fonction de vos préférences, vous pourrez donc choisir la langue que vous préférez ! Mais ce qui m’a le plus impressionné dans Lost Odyssey, c’est indéniablement une mise en scène d’une rare efficacité. Comme pour un réalisateur, je crois qu’on peut parler ici de véritable talent. Les cinématiques sont ainsi placées judicieusement, et bien qu’elles soient très nombreuses, elles ont le bon goût de ne jamais être très longues : vous n’aurez pas le temps de « décrocher » du jeu, et reprendrez bien vite le contrôle. Celles qui sont plus longues sont plus sporadiques, et sont là pour faire grandement avancer l’histoire. Elles dynamisent toutes l’action, ou bien renforcent admirablement les émotions des personnages. La mise en scène est d’une rare justesse, avec une caméra placée exactement là où elle doit être placée, des plans-séquences qui ont tous du sens et qui sont cohérents avec ce qui est montré…du grand art. J’ai également beaucoup apprécié les « mini-cinématiques » qui jalonnent le jeu, qui ne durent pas plus de quelques secondes, et qui, en si peu de temps, caractérisent les personnages et précisent l’action. Ainsi, quand vous croiserez le Prince déchu, des inserts viendront se superposer à l’écran, juste pour souligner des regards qui se croisent, et faire comprendre en quelques instants que le destin des deux personnages va être lié. Les effets de réalisation ne cherchent pas le tape-à-l’œil, mais plutôt le sens. On a ainsi droit à des « split screen » que n’aurait pas reniés Brian De Palma (plusieurs images sur le même écran en même temps… si vous ne voyez toujours pas de quoi je parle, pensez à la série 24 !). Même en dehors des cinématiques, on sent bien que le point de vue a été étudié précisément. Par exemple, après quelques heures de jeu, vous traverserez des montagnes sous une pluie battante et dans les bourrasques. La caméra est alors placée de façon à ce qu’on ne repère pas bien où l’on va, si on monte, si on va au Nord ou au Sud… Exactement ce que doit ressentir le personnage dans cette situation. Ce travail discret, mais qui agit directement sur le ressenti du joueur, est à l’origine d’une grande partie du succès du jeu, et renforce grandement l’identification inévitable que vous allez ressentir pour Kaïm.

L’autre excellente surprise, c’est que pour une fois nous avons un jeu de rôle qui n’a pas pour héros un adolescent de maximum 15 ans qui va sauver le monde. On peut même dire qu’avec un immortel on fait le grand écart ! Le résultat est immédiat : nous avons là un jeu plus mature, plus réfléchi, et s’il y a des enfants dans le jeu, ils se comportent pour une fois réellement comme des gamins ! Bien que plus mature et sérieux, le scénario n’occulte pas pour autant l’humour, avec des scènes plutôt amusantes et des dialogues sympas qui sonnent très naturels.

Si je ne vous ai pas encore convaincu avec ce test, j’ajouterai que le jeu est relativement long (suivant votre façon de jouer, entre 35 et 50 heures), qu’il est à la fois abordable et complexe, et surtout, qu’il est l’œuvre d’artistes qui maîtrisent parfaitement leur art. Ce n’est sans doute pas le jeu idéal si vous n’avez jamais joué à un jeu de rôle (commencez avec Blue Dragon), mais je fais plus que le conseiller pour tous les autres.

Bilan

On a aimé :
  • Une histoire et un scénario fouillés
  • Belle mise en scène
  • Musiques somptueuses
  • De bonnes idées
  • Univers cohérent
On n’a pas aimé :
  • Quelques ralentissements et temps de chargements
  • Reste très classique
  • Certains personnages sont ratés
Le meilleur du Japon

Lors de sa sortie, j’avais qualifié Blue Dragon, le premier jeu de Mistwalker, de seulement « excellent ». Lost Odyssey me semble nettement plus ambitieux, et surtout meilleur dans tous les domaines. Si quelques menus défauts et l’absence de grande originalité l’empêchent de se hisser au niveau de jeux légendaires comme Final Fantasy VII, la qualité et la rigueur de son écriture et sa superbe mise en scène vous feront vivre une belle aventure, vous ne verrez pas le temps passer quand vous jouerez, et vous aurez envie de vous remettre à jouer quand vous ne jouerez pas. Lost Odyssey est un grand jeu que tout rôliste se doit de jouer, et qui doit être essayé par ceux qui n’ont pas encore le virus de ce type de jeux. Sans les quelques soucis techniques évoqués, il aurait même pu grappiller un point supplémentaire sur la note.

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Lost Odyssey

Genre : RPG

Editeur : Microsoft Games

Développeur : Mistwalker

Date de sortie : 29/02/08

Prévu sur :

Xbox 360