Test - Bound by Flame

«Le jeu de rôle qui endort.» , - 2 réaction(s)

« J’aime que l’on me raconte une histoire. Je fais partie de ces joueurs - idéalistes ? - qui pensent qu’il est tout à fait possible de raconter une belle histoire et de belle façon dans un jeu vidéo. Dans le langage commun, on pourrait me définir comme un doux rêveur suivant les uns, ou comme un chieur jamais content pour les autres. Il est vrai que j’attends beaucoup d’un jeu vidéo qui met en avant son histoire et que je suis très difficile en ce qui concerne les jeux de rôle. » C’est de cette façon que j’avais introduit mon avis sur les premiers pas du studio Spiders dans l’univers du jeu de rôle : Mars : War Logs. Un premier jet prometteur mais bancal, n’arrivant jamais à trouver son rythme de croisière pour tenir en haleine le joueur. Avec Bound by Flame, Spiders monte d’un cran et propose un jeu de rôle d’une tout autre envergure. Le démon sera-t-il plus séduisant que la planète rouge ?

Un démon en crise d’identité...

La seule originalité du titre réside dans son bestiaire...

Une histoire n’a pas besoin d’être originale pour être prenante. Tant mieux, car celle de Bound by Flame ne brille pas par son originalité. Les scénaristes de Spiders se sont même efforcés de construire leur histoire autour d’une multitude de références issues de l’univers de la série télé comme le Trône de Fer et du jeu vidéo comme Dragon Age pour ne citer que lui.

Vous êtes Volcan. Derrière ce surnom - très utile afin de faciliter les dialogues du jeu et ce quel que soit le sexe que vous aurez choisi pour votre personnage - se cache l’artificier des Lames Franches, un groupe de mercenaires engagé par les Érudits Rouges. Votre contrée, Vertiel disparaît peu à peu sous les assauts de la Mortarmée. Une légion qui se nourrit sans cesse des morts qu’elle laisse sur son passage, venue des frontières du Nord et dirigée par les 7 seigneurs du Froid. La cause semble désespérée, mais le salut viendra d’un rituel des Érudits Rouges, au cours duquel vous allez devenir le réceptacle d’une puissante entité : un démon aussi puissant que dangereux. Volcan cèdera-t-il aux sirènes de la puissance ou luttera-t-il pour conserver son humanité ?

Spiders a accouché d’un jeu protéiforme sans réelle identité
Qui n’aime pas les barbus ?

Sur le papier, cette introduction en vaut largement une autre, seulement voilà, l’histoire a tellement de géniteurs référentiels que Spiders a accouché d’un jeu protéiforme sans réelle identité. Le langage rustre de Volcan et sa relation très lisse, sans contrainte, avec son hôte ne lui donne aucune épaisseur. Ses compagnons d’arme sont tout aussi transparents, des clones de personnages déjà vus, déjà rencontrés, relégués en tant que faire-valoir et amoindris par la restriction de n’en amener qu’un seul lors de ses sorties. Cette transparence est de plus mise en avant par Spiders en faisant régulièrement disparaître ceux-ci lors de la moindre cinématique du jeu. Volcan, même accompagné, triomphera seul du boss rencontré, subira seul les divers évènements du jeu, les dialogues du jeu oubliant même la présence de ses compagnons d’infortune. Le groupe n’arrive jamais à prendre corps et on passe son temps à être accompagné de fantômes. Malheureusement, ce manque de charisme et d’identité ne se cantonne pas aux personnages, l’histoire et les lieux traversés n’échappent pas à cette cruelle gabegie.

Un jeu de rôle doit nous faire voyager, nous faire rêver et être dépaysant dans ses environnements. Bound By Flame échoue totalement à rendre le voyage qu’il propose exaltant. Les paysages de Vertiel se cantonnent tous à de petits couloirs gorgés de monstres se faisant l’économie de la moindre mise en perspective de lieux hors norme ou de point de vue impressionnants. Les marais, les montagnes enneigées, les villes ou campements traversés ne sortent jamais du lot et on ne retient rien de leur traversée. Aucune carte postale ne peut être extraite de notre périple, aucun lieu qui peut nous faire dire « ici, je suis à Vertiel et nulle part ailleurs ». Le jeu se traverse, mais ne se vit pas.

La folie des grandeurs

Mais pourquoi je ne suis pas dans Dragon Age moi ?...

Si s’attaquer au développement d’un RPG d’envergure est louable en soi, il faut le faire en toute humilité et adapter son histoire et ses ambitions à ses moyens. Pour Bound by Flame, Spiders a clairement manqué d’humilité, tant soit au niveau de sa narration, qu’au niveau de sa mise en scène et de son système de combat.

Raconter l’affrontement de deux armées, dont une véritable légion innombrable constituée de morts-vivants sans les montrer une seule fois est un exercice de style qui induirait de tenir en retrait le personnage principal de la ligne de front afin de se concentrer sur sa quête. Les scénaristes ne prennent jamais ce parti et placent Volcan en première ligne sans jamais montrer les combats d’envergure et en réduisant la Mortarmée à quelques groupes épars et la résistance à un ridicule campement d’une dizaine de personnes. Ce qui enlève toute ampleur épique au scénario et engendre une grande frustration.

Une petite différence de taille ?

La dualité entre le personnage et son hôte démoniaque passe elle aussi totalement à côté de son sujet. Sur le papier, cette approche était très intéressante, dans les faits et dans le jeu, cela ne se traduira qu’à un gimmick esthétique et un choix entre les deux fins possibles du jeu. Le gain de puissance accordé par le démon étant totalement ridicule dans les faits. Le combat intérieur de Volcan ne se résume qu’à des cinématiques clés à certains moments du jeu, on ne se sent jamais dépossédé de ses choix par le démon. Le langage cru et rustre de Volcan n’aidant en rien la qualité d’écriture de l’ensemble, il est dès le début sûr de lui et semble n’avoir à aucun moment besoin du démon pour se construire ou pour ne pas sombrer.

L’acte 3 se présente comme un suicide en bonne et due forme
Bonjour la discrétion...

Le personnage principal n’est pas le seul à proposer une double personnalité. Malgré ces écueils évidents, Bound by Flame se présente dans sa première partie comme un jeu de rôle passable dont la seule grosse tare est de ne pas proposer au joueur suffisamment d’aspérité pour se plonger dans ses personnages et dans son univers. L’acte 3 se présente comme un suicide en bonne et due forme. Les scénaristes, mal inspirés dans les deux premiers actes, quittent totalement le navire et laissent le jeu partir totalement à la dérive. Tout commence par l’apparition ridicule du grand méchant du jeu avec un mémorable : « Ahah, je suis super puissant, je peux te tuer avec une pichenette dans la tête mais dans ma grande mansuétude je vais te laisser vivre pour mieux te tuer plus tard ! » pour ensuite dériver dans le grand n’importe quoi. Le jeu passe du coq à l’âne sans prévenir et part dans une succession de combats dans de petits couloirs étriqués jusqu’à la fin du jeu. Tout ceci en amassant les invraisemblances scénaristiques. Un final qui indique clairement un manque de moyen total de la part de Spiders qui n’avait pas les épaules pour assumer un tel développement. Ils ont sciemment jeté leur bébé avec l’eau du bain.

Oh, mince, encore un combat !

La fine équipe au grand complet !

Mais l’expérience nous montre que malgré des errances scénaristiques, un jeu de rôle mâtiné beat them all comme l’est Bound by Flame peut encore se sauver du marasme s’il propose un système de combat fluide et passionnant. Cette expérience, on la retrouve dans Dragon’s Dogma qui, même souffrant de la faiblesse de son scénario et de la transparence de ses personnages propose un système de combat qui nous offre des moments épiques et dynamiques. Las, Bound by Flame échoue aussi à ce niveau là en proposant des combats erratiques, brouillons et sans réelle fluidité.

Le jeu sanctionne très durement toute velléité de matraquage de touches bête et méchant. N’essayez pas d’affronter un groupe d’adversaire bille en tête, ce sera le game-over assuré. Les adversaires sont généralement disséminés en petits groupes et cantonnés dans des zones bien précises. Quitter ces zones assurera au joueur la possibilité de se reposer, panser ses blessures et repartir à l’assaut. Chaque monstre tué ne réapparaîtra pas, les autres regagneront l’intégralité de leurs points de vie. On disposera de nombreuses techniques et de deux postures de combat, celle du rôdeur, agile, rapide et pouvant esquiver les attaques et celle du guerrier robuste, pouvant briser la garde de l’adversaire et parer ses coups. Le démon nous permettra aussi d’utiliser des pouvoirs de pyromancie pouvant aussi bien être utile en défense qu’en attaque.

N’essayez pas d’affronter un groupe d’adversaire bille en tête, ce sera le game-over assuré
Le combat va durer longtemps, très longtemps...

Dans le fond, les possibilités peuvent être intéressantes, mais une fois en pleine action, on reste cantonné à une posture de combat, celle que l’on a privilégiée dans la répartition de nos points de compétence et ce quels que soient les adversaires. On notera que, malgré la puissance qui habite Volcan, il n’est pas rare de la voir tomber en deux ou trois coups d’adversaires de base. Les titans de la Mortarmée se combattront comme un mob de base et seuls les morts-vivants armés de deux boucliers poseront de gros problèmes vers la fin du jeu. Le système de combat souffre de plus d’un lock capricieux qui ne se fixe pas sur l’adversaire le plus proche, ce qui rend les combats contre les groupes beaucoup plus frustrants qu’ils ne le sont réellement. On appréciera toutefois l’utilité de la furtivité qui est réellement un plus dans l’appréhension des niveaux. Chaque zone, dans les deux premiers actes du moins, peut être abordée de manière furtive et laisse la possibilité au joueur de pouvoir se débarrasser de ses adversaires petit à petit en distillant pièges et coups mortels dans le dos.

Pour finir ce test, on passera rapidement sur un système de craft issu de Mars : War Logs assez sympathique basé sur la récupération d’objets et leur recyclage, mais moins utile que dans le précédent jeu de Spiders. La réalisation est quant à elle suffisamment honnête pour ne se faire oublier, elle souffre surtout du manque d’identité de l’ensemble. On dénote malgré tout des bugs qui feront notamment passer notre personnage au travers du sol, et un système de sauvegarde automatique bien mal conçu qui peut parfois bloquer le héros dans le décor. Il n’y aura alors aucune autre issue que de lancer la dernière sauvegarde manuelle. Heureusement, ces bugs sont assez rares. L’ambiance sonore est dans la moyenne, les doublages, en anglais sont corrects, et les musiques bénéficient d’une certaine recherche à défaut d’être transcendantes.

Bilan

On a aimé :
  • Le design des créatures
  • Le système de craft
  • L’utilité de l’infiltration
On n’a pas aimé :
  • Le manque d’identité de l’ensemble
  • Le démon sous exploité
  • Un scénario traité par-dessous la jambe
  • Les deux derniers actes sont un calvaire
Le démon de l’insipidité…

Il serait intéressant de connaître l’historique du développement de Bound by Flame et de savoir comment un studio peut se lancer à corps perdu dans une impasse aussi évidente. Dénué de toute originalité, échouant dans les grandes lignes, Bound by Flame n’arrive même pas à atteindre la fraîcheur et inspirer la sympathie comme Mars : War Logs, le précédent jeu de Spiders. Il semble dès lors que l’on a eu à faire à un manque d’humilité de la part du petit studio français, qui s’est vu trop gros et qui a explosé en plein vol. L’illusion très moyenne des deux premiers actes disparaissant totalement au tout début du troisième, transformant Bound by Flame en véritable calvaire inintéressant dans sa dernière ligne droite. Si vous désirez toutefois connaître le travail de Spiders, mieux vaudra pour vous s’orienter sur un Mars : War Logs en tous points supérieur et beaucoup moins cher. Même en y jouant on n’aura aucun mal à oublier ce Bound by Flame insipide, tout en espérant que le studio français puisse par la suite se relever de ce désastre et nous proposer quelque chose de plus intéressant, plus original et de beaucoup plus consistant.

Accueil > Tests > Tests Xbox 360

Bound By Flame

PEGI 0

Genre : Action RPG

Editeur : Focus Home Interactive

Développeur : Spiders

Date de sortie : 09/05/2014

Prévu sur :

PlayStation 4, PC Windows

2 reactions

Darkpimp94

04 jui 2014 @ 11:35

Alors pas de regret qu’il ne soit pas sur ONE... je serai carrément tombé dans le panneau du Day ONE pour soutenir ces devs français. Les ventes ont été bonne profitant d’une période moins animé et d’un désert de jeu sur la nouvelle monture de SONY alors espérons que ça leur donne les moyens d’aller plus loin avec un nouveau jeu plus réussit dans les prochaines années.

Jarel

04 jui 2014 @ 12:19

En tout cas ils sont loin d’avoir transformé l’essai Mars War Logs. Au contraire ils se sont enfoncés dans leurs défauts en gommant toutes les qualités de leur précédent jeu. J’avais envie d’être indulgent vis à vis de ce studio mais pour Bound by Flame ce n’est vraiment pas possible.