A l’origine, La Planète des Singes est un roman de Pierre Boulle, datant de 1963. Cet auteur français mériterait une notoriété encore plus importante que celle dont il jouit déjà. Au rayon SF, j’aime ainsi beaucoup son roman Les Jeux de l’Esprit, œuvre dans laquelle de nombreux autres auteurs sont venus puiser (à commencer par Stephen King). Par ailleurs, hors SF, on peut également braquer le projecteur vers Le Pont de la Rivière Kwaï, ou le fantastique Un métier de Seigneur. Pour revenir à nos amis primates, c’est une première série de films, dont le tout premier réputé pour sa dernière scène, un twist d’une force rarement égalée. Le reste relève plus de l’exploitation, sans être déplaisant. La série TV, elle, est plus quelconque. Les films plus récents surfent sur ce sujet si riche, qui permet d’aborder des questions essentielles sur l’humanité, sa place, ses buts et ses responsabilités. A l’heure où notre passe-temps favori est la destruction de notre planète, voilà qui est plus que jamais d’actualité. Le défi d’une adaptation vidéoludique est donc, non pas de privilégier le spectacle comme les derniers films, mais bien de traiter le sens réel qu’implique une planète où les singes sont devenus une race qui n’a rien à envier aux hommes. Pas simple.
Envoyez la cinématique !
Le jeu s’ouvre sur une situation de crise chez les singes. La nourriture se fait rare, et il va falloir en trouver rapidement. Les singes se sont réfugiés dans la montagne, loin des humains, et certains voudraient redescendre dans la plaine. Vous jouez le rôle de Bryn, un des fils du chef de la tribu, et il va falloir très vite prendre position… Dans le même temps, dans un groupe d’humains qui ne connaît pas (encore) l’existence des primates intelligents, ce sont pratiquement les mêmes questions qui se posent. Alors que le chef du groupe vient de mourir, son épouse, Jess, c’est-à-dire vous, allez devoir prendre des décisions. Bien entendu, tout ce petit monde va se croiser…
Ce sont donc deux rôles qui échoient au joueur, un procédé intéressant, qui pousse à se mettre alternativement dans la peau des primates et des humains. On devine que l’idée est de montrer que les deux camps sont bien plus similaires qu’on ne pourrait le penser, et le joueur peut ainsi influer, par ses décisions, sur le déroulement de l’histoire.
En pratique, cela revient à regarder une longue cinématique en intervenant ponctuellement sur des choix proposés. En termes de gameplay, c’est donc l’équivalent d’un FMV, comme à l’époque du Mega CD… Autant dire qu’on frôle le zéro absolu : même les jeux Quantic Dream proposent quelque chose de plus évolué. Ce choix pourrait s’avérer malgré tout payant, pour peu que les ramifications dans l’histoire soient nombreuses et complexes, afin de donner une sensation de liberté qui pousserait à refaire le jeu à plusieurs reprises. Hélas, ce n’est pas le cas. Bien entendu, plusieurs fins sont possibles, et il y a quelques variations dans l’histoire. Mais majoritairement, les choix proposés sont très proches et inutiles, ne permettant pas au joueur de prendre les positions qu’il voudrait, et la cinématique a une tendance assez fantastique à revenir sur ses rails, au mépris de ce que vous voulez faire ! La passivité du joueur est ainsi bien proche de la passivité des personnages… Il en résulte un détachement paradoxal : du fait qu’on a si peu d’emprise sur ce que fait notre personnage, on se désintéresse vite de ce qui lui arrive.
Techniquement, le jeu mise avant tout sur la modélisation des visages, très réussie, ce qui cache les lacunes qu’il y a par ailleurs : animations inconstantes, retard dans l’affichage de textures, musique qui disparaît soudainement (et si le silence est volontaire, alors c’est raté !) … Et si vous vous posez la question, c’est bien sur une One X que le test a été fait. De toute façon, même si la technique avait été ébouriffante, il en aurait fallu beaucoup plus pour sauver le joueur de l’ennui qui arrive encore plus vite qu’un générique de fin pourtant pressé de défiler…