Certains jeux vidéo font travailler notre mémoire et Toy Soldiers : War Chest fait partie de cette catégorie. Attention, il ne s’agit pas d’un Memory, ni d’une adaptation vidéoludique du célèbre Simon, ni même d’un jeu de puzzle idoine ; non, il s’agit simplement d’un Tower Défense. Le haussement de sourcil que vous m’adressez montre votre scepticisme. Comment un jeu où l’on doit simplement placer à des endroits précis des unités de défense visant à annihiler des vagues successives de belligérants qui n’ont comme but que de détruire notre base peut-il mettre à contribution notre mémoire ? Et bien en étant le troisième opus d’une série agréable et en poussant le joueur à se poser continuellement la même question : “Je me demande si ce n’était pas mieux avant” ?
La guerre n’est pas un jouet
Quelle ne fut pas ma joie -non feinte- de voir débouler le troisième opus de cette sympathique série qu’est Toy Soldiers sur Xbox ONE. J’avais particulièrement apprécié les deux volets précédents, le premier mettant en scène un combat de tranchée entre des petits soldats de plomb de la guerre de 14-18, le second situant son action en pleine guerre du Vietnam. L’originalité de cette série, outre celle de nous faire jouer avec des petits soldats dans un coffre à jouet comme terrain de guerre, est de pouvoir nous glisser aux commandes de chaque unité défensive. Le fait de pouvoir les diriger augmentant nettement l’efficacité de celles-ci, oubliant leur portée maximale, la précision relative de l’IA et surtout le choix prioritaire des cibles. Cela donne un petit supplément d’âme vis à vis des traditionnels tower défense et un côté arcade loin d’être déplaisant.
Toy Soldiers : War Chest partait donc sur des bases solides et déjà bien éprouvées et c’est avec sérénité que j’ai lancé le jeu avant d’être agressé par une intro particulièrement moche. Je ne comprendrai jamais pourquoi certains développeurs perdent du temps à faire des intro hideuses. A ce niveau de médiocrité mieux vaut ne rien faire. Ce n’est qu’après quelques heures de jeu que je me suis rendu compte qu’en fait, cette affreuse séquence animée à la hache, faite certainement à la hâte et sans aucune application, introduisait parfaitement le jeu. Et c’est maintenant que vous allez saisir toute la pertinence de la nébuleuse introduction à ce test. Ce doit être l’âge, ou la fatigue, qui sait, mais une sorte d’Alzheimer sélectif m’a touché lors de mes premiers pas dans Toy Soldiers : War Chest. En cherchant au plus profond de mes souvenirs à la truelle, puis au tractopelle pour finir au foret, je ne me rappelais pas que les Toy Soldiers aient été aussi moches, même en comparant avec le rendu sur Xbox 360, et insipides.
L’originalité de War Chest est de proposer quatre troupes de base reprenant l’univers fictif de nos jouets d’enfants : Kaiser Wilhelm pour les petits soldats de plomb de la guerre 14-18, Dark Lord pour un univers d’heroic-fantasy mâtiné jeu de rôle, Phantom pour un genre science-fiction et enfin Star Bright pour les filles et ceux qui veulent combattre avec des Bisounours, des fées et des licornes arc-en-ciel. Sur le papier c’est un effort de diversité louable, vu que chaque armée dispose de troupes de défense avec des caractéristiques différentes, des forces et des faiblesses propres et un chef de guerre que l’on peut appeler lorsque notre combo de destruction de vagues adverses arrive à un certain seuil. Dans les faits, le jeu perd toute cohérence, subit le design mal inspiré de ces jouets et souffre d’un manque de lisibilité flagrant sur les cartes avec ses vagues de soldats gris sur fond gris ou ses véhicules volants sombres dans un ciel noir. Les personnages et les troupes proposées souffrent d’un design peu inspiré ; seuls les G.I. Joe et les Maitres de l’Univers sortent du lot et posent d’emblée ce qu’aurait dû être l’originalité et même la force de War Chest : rejouer avec les héros en plastique de notre jeunesse. Pourquoi ne pas avoir ajouté Mask, Action Man, Big Jim, les Transformers de l’époque,.etc. Le jeu aurait énormément gagné en cohérence et surtout en charisme. Le comble est que ces jouets là, G.I. Joe et les Maitres de l’Univers ne sont pas disponibles dans la version de base mais seulement en DLC. Un non sens qui plombe un jeu qui n’avait vraiment pas besoin de cela. Les tares sont si importantes, si… étranges, que j’ai immédiatement opté pour la seule prescription raisonnable qui m’est venue à l’esprit pour répondre à cette question qui me hantait : mais est-ce que la série était vraiment si nulle que cela ? J’ai donc profité de mon statut de membre preview pour lancer la rétro des deux précédents titres : Toy Soldiers et Toy Soldiers Cold War…
Et là, c’est le drame…
Relancer Toy Soldiers Cold War est peut-être la dernière chose qu’il aurait fallu faire si l’on souhaitait accorder la moindre chance à War Chest dans un test. Car tout, je dis bien tout, paraît en défaveur de ce dernier. On peut juste constater la déchéance dans laquelle est tombée cette licence en passant sous le giron d’Ubisoft. Car oui, sans aller jusqu’à dire qu’il s’agit là de la cause, Ubisoft a hérité du plus mauvais épisode de la série. Visuellement, Cold War est plus beau, plus lisible que War Chest, le jeu est réglé comme un papier à musique et va même jusqu’à nous offrir une pléthore de stats après chaque carte. Ce que n’esquisse même pas War Chest. Ce dernier semble souffrir d’un manque flagrant de finition, tant soit au niveau des menus que de l’équilibrage des unités et du gameplay. Alors que les précédents épisodes ne proposaient qu’une simple amélioration pour les unités de défense, il faut maintenant jongler à chaque fois entre plusieurs paramètres : augmenter la résistance de l’unité, sa précision, sa portée et ses dégâts. Pour un tower défense où l’on passe l’essentiel de son temps à diriger une unité afin d’augmenter grandement son efficacité, cette multiplication des augmentations est totalement hors de propos et le pénalise plus qu’autre chose.
Tout l’équilibre du jeu devient bancal, tant soit au niveau des gains, de leur répartition, des unités disponibles et même de l’utilisation du héros de chaque camp qui pénalise le joueur plus qu’il ne l’aide vu qu’il le contraint à le diriger sur le terrain et à se concentrer sur une seule vague. Vu que ces « héros » ne peuvent même pas sauter, la moindre petite bosse du décor devient un obstacle infranchissable ! Et War Chest continue d’accumuler les tares. Toy Soldiers Cold War proposait cinq niveaux de difficulté dans toutes les cartes de sa campagne solo, War Chest n’en propose qu’un seul. On avait la possibilité de poser des entraves visant à ralentir les troupes adverses, on ne peut maintenant plus le faire. Il est impossible de voir durant le combat les objectifs secondaires à accomplir alors qu’on pouvait le faire dans Cold War, et le contenu de ces objectifs secondaires n’apparait même plus au début de chaque niveau ! Seule la petite bouée du multi pourrait sauver le jeu du naufrage.
Hélas, là aussi tout est en deçà de ce que l’on pouvait espérer trouver dans un troisième opus. On retrouve le même principe d’attaque/défense à tour de rôle que dans les précédents Toy Soldiers sur autant de cartes (seulement trois). Le jeu est plombé par les carences au niveau du gameplay solo, c’est à dire un manque de lisibilité, un mauvais équilibre entre gestion de ses unités et temps nécessaire à les diriger etc. Seul le mode coopératif aurait pu sauver la donne grâce à une juste répartition des tâches et une grande complémentarité sur le champ de bataille. Cela se vérifie en partie : la campagne solo gagne en intérêt et surtout en jouabilité avec ce mode jouable en ligne comme en écran splitté. Mais la médiocrité ne tarde pas à repointer le bout de son nez avec un bug empêchant le second à joueur à choisir le camp qu’il souhaite, le cantonnant aux troupes de Kaiser Wilhelm ! Vu la disparité de l’efficacité des unités de chaque camp, c’est une tare supplémentaire dont on aurait bien voulu se passer.