Avez-vous déjà pensé à la façon dont le monde marin (sur)vit au beau milieu de tous ces déchets jetés par les êtres humains ? Il est probable, chère lectrice ou cher lecteur, qu’une petite voix émerge de votre subconscient et commence à vous reprocher cet impardonnable oubli ! Toutefois, ne vous autoflagellez pas trop rapidement ! Le studio américain Aggro Crab vous propose une immersion dans les eaux salées avec Another Crab’s Treasure. Un jeu assez original puisqu’il permet d’imaginer le quotidien de ces innombrables espèces aquatiques durant une épopée aussi amusante qu’exigeante. En effet, le titre se révèle être un Soulslike singulier, comme une nouvelle vague qui veut déferler sur un genre ayant le vent en poupe ces dernières années. L’objectif est-il atteint ? Un conseil, prenez une bonne respiration avant de plonger dans la lecture de ce test…
Abyss
Notre aventure aquatique permet de découvrir les péripéties de Kril, un bernard-l’hermite assez solitaire puisqu’il aime rester tranquillement sur son îlot. Un peu trop peut-être, car il ne semble pas être au courant que le monde sous-marin connaît d’importantes mouvances politiques. En effet, une nouvelle duchesse a pris le pouvoir et réclame le paiement d’impôts à tous les membres de son territoire. Cependant, le temps des règlements en algues est révolu. Désormais, place à une taxe sur les déchets ! Notre héros doit s’acquitter d’une somme en plastiques sans délai sous peine de se faire confisquer sa coquille. Et c’est malheureusement ce qui va se produire : un requin-usurier antipathique saisit de force l’enveloppe calcaire du crustacé, déclenchant ainsi la quête principale du jeu qui consistera à la récupérer…
Another Crab’s Treasure retranscrit un univers maritime riche et dense grâce à des graphismes colorés qui rappellent ceux de certains films d’animation. La faune et la flore luxuriantes poussent à la contemplation, d’autant que les différentes zones du jeu proposent des environnements assez variés. Il est d’ailleurs possible d’asseoir Kril sur des sièges disséminés un peu partout, afin de prendre le temps d’observer un banc de poissons en mouvement à travers les récifs par exemple. Et si quelques textures témoignent d’une technique limitée, on ne peut que saluer le travail artistique effectué par les développeurs.
Les fonds marins restent magnifiques malgré la profusion de déchets. Les bouteilles en plastique et les mégots de cigarette tapissent littéralement le sol océanique. Ce faisant, on éprouve une sensation assez déstabilisante au fil des heures passées à explorer la mer. En effet, si l’on peut s’amuser à inventorier toutes les sortes d’ordures rencontrées, force est de constater que cela renvoie à une triste réalité, probablement même sous-estimée par le jeu. Bien que le titre soit classé PEGI 12, l’intérêt pédagogique pour tous les publics coule de source. D’ailleurs, l’introduction sous forme documentaire est une excellente idée pour amener directement les joueurs à adopter une posture réflexive, afin de ne pas se limiter au plaisir procuré par les moments d’action.
Les dents de la mer
Les recherches ne vont pas être de tout repos pour retrouver la coquille de Kril. Il existe de nombreux dangers dans les profondeurs océaniques. Ainsi, notre crustacé va très souvent devoir sortir sa fourchette pour repousser les ennemis qui se mettent en travers de son chemin. Le joueur dispose de deux capacités offensives basiques : porter un coup rapide peu puissant, ou effectuer une attaque chargée plus forte mais qui nécessite un délai. Sans grande surprise, le but est de réduire à néant la barre de vie des vilains, que l’on peut cibler individuellement lorsque les combats se font contre plusieurs créatures. Précisons que l’unique arme de l’aventure peut être améliorée pour devenir plus puissante, et qu’il est possible de débloquer de nouvelles attaques grâce à un arbre de compétences moyennant quelques cristaux. Cependant, les absences de variation et de personnalisation se font ressentir, surtout lorsqu’on connaît le potentiel des autres Soulslike.
On retrouve d’autres mécanismes qui illustrent les inspirations non dissimulées d’Another Crab’s Treasure. L’esquive est une action essentielle pour éviter les grosses attaques ennemies car les vilains crustacés peuvent nous envoyer six pieds sous la mer en un seul coup de peigne ou de tire-bouchon ! Heureusement, le jeu nous permet d’ajouter des « passagers » pour soutenir Kril dans ses duels. Ces petites créatures améliorent certaines statistiques, mais n’ont pas réellement d’impact sur le gameplay.
À l’inverse, les « adaptations » sont des pouvoirs puissants qui, bien employés, occasionnent des dégâts importants sur les méchants. Leur utilisation est soumise à un coût en énergie et demande un temps de recharge après chaque usage. Cela s’avère vite indispensable pour tenter de faire chavirer les boss du jeu. En plus de leur barre de vie, une deuxième jauge apparaît lorsque les ennemis encaissent des attaques bien placées. Une fois remplie, il est possible de renverser l’adversaire pour lui asséner de nombreux coups. Malgré tout, ces fonctionnalités restent très classiques et ne dépayseront certainement pas les amateurs du genre.
Le chant du loup
L’originalité dans les affrontements vient des substituts à la coquille dérobée. Kril est un bernard-l’hermite et donc, sans son enveloppe, il est nu comme un ver. Pour un héros, convenons que ce n’est pas très glorieux ! De ce fait, le crustacé va constamment devoir dégotter du matériel de substitution pour s’équiper plus dignement.
Et ce n’est pas ce qui manque dans le sable : canettes usagées, vieux ressorts, balles de tennis trouées… toutes les ordures adaptées à la taille du pagure sont utilisables ! Chaque déchet possède un poids et des statistiques défensives qui affectent le personnage lors des combats. Il est également possible de s’abriter sous la coquille de fortune pour limiter les dégâts subis, voire même de parer une attaque en ayant le bon timing pour se cacher dessous. L’abondance de détritus est un avantage puisque les ennemis parviennent fréquemment à détruire la carapace temporaire de Kril. Il faut donc régulièrement changer de protection et s’adapter avec ce que l’on trouve dans les parages. Le principe est brillant et offre un dynamisme constant pour les affrontements.
Les collectionneurs peuvent déjà se frotter les mains, parce qu’il existe plus d’une soixantaine d’objets différents à découvrir. La plupart d’entre eux se ramassent lors des phases d’exploration, mais certaines boutiques en vendent contre un nombre de microplastiques. Notons enfin qu’il est possible d’assurer les déchets préalablement récupérés, afin de réapparaître directement avec un équipement sur le dos après un événement malheureux…
Le grand bleu
Si le début de l’aventure peut sembler abordable pour tous les joueurs, la rencontre avec le premier boss marque un véritable tournant. Et ce n’est pas divulgâcher une quelconque surprise de prévenir que ce combat présente un gros challenge ! Another Crab’s Treasure se revendique d’emblée comme difficile, d’autant qu’il n’y a pas de choix à effectuer sur le mode de jeu en lançant une nouvelle partie. Tout le monde est logé à la même enseigne ! C’est l’un des éléments qui a fait le succès de nombreux Soulslike auprès d’une catégorie de gameurs passionnés quand, à l’inverse, les plus occasionnels ont tendance à pester avec véhémence face à l’adversité.
Les développeurs ont eu l’idée de proposer des options pour rendre leur jeu plus accessible. En se rendant dans les paramètres, un mode particulier permet d’ajuster la difficulté selon plusieurs critères : par exemple, il est possible de réduire la barre de vie des ennemis ou, encore de mieux, d’absorber les dégâts subis lors d’une attaque. Ce parti pris semble judicieux, tant l’expérience risque de réellement devenir éprouvante pour un large public attiré par les graphismes colorés du titre. Nous pouvons même encourager les plus jeunes et les débutants à se lancer dans le genre Soulslike avec ce titre, afin de développer des réflexes utiles pour de futures joutes plus coriaces.
En revanche, certains choix restent discutables comme celui de pouvoir doter Kril d’un pistolet en guise de coquille. Ainsi, le bernard-l’hermite peut littéralement dégommer tout ce qui bouge, annihilant par la même occasion toute forme de challenge. Cette option semble même contradictoire avec l’esprit global du jeu. Par ailleurs, les déplacements avec cette arme ne gomment pas les quelques bugs gênants rencontrés lors de ce test. À plusieurs reprises, nous avons traversé le sol océanique ou observé des poissons passer à travers les murs et les plantes. D’autres défauts de collisions concernent les ennemis avec des éléments du décor, comme ce boss qui s’est coincé dans le maillon d’une chaîne engloutie. Et ce n’est là qu’une goutte d’eau dans un petit océan de problèmes…
La voie de l’eau
Le jeu se divise en plusieurs zones à explorer. Elles ne sont malheureusement pas toutes disponibles au début de l’aventure, certaines étant bloquées pour servir des éléments du scénario principal. Une déception à coup sûr pour les adeptes de mondes ouverts et de liberté. Pourtant, ces limitations restent moins critiquables que les moyens mis à disposition des joueurs pour les aider à bien se repérer dans les niveaux. La carte d’Another Crab’s Treasure est magnifique, rappelant celles d’histoires de pirates. Cependant, il est impossible de zoomer ou de se déplacer sur cette dernière, ce qui ne permet pas de prendre la mesure du chemin à parcourir. De ce fait, elle est quasiment inutilisable lors des instants de découvertes ou pour trouver des reliques cachées. Quant à la boussole, elle reste anecdotique tant les pictogrammes qu’elle affiche sont minuscules.
Kril est plutôt agile pour se faufiler à travers les différents lieux. Il faut préciser que le jeu présente de véritables zones de plateformes puisque le bernard-l’hermite doit régulièrement bondir un peu partout, parfois même pour atteindre des endroits éloignés, en maintenant le bouton A jusqu’à ce qu’une bulle d’air explose. Le grappin se débloque assez rapidement dans l’histoire et rend accessible des points en hauteur. Toutefois, il arrive que le contact entre l’animal et le filet se fasse mal, provoquant une chute rageante. Encore une approximation dans les collisions…
Le joueur peut compter sur les cosses de thalacée pour retrouver quelques points de vie salvateurs. À défaut, une incursion dans une coquille de natice permet de guérir entièrement, mais cela fait également réapparaître tous les ennemis battus. Il est possible de se téléporter dans un lieu déjà visité afin d’éviter des allers-retours inutiles et chronophages. Montre en mains, comptez au minimum une quinzaine d’heures pour terminer l’aventure, bien davantage pour les plus curieux et résilients.
Testé sur Xbox Series S