Qu’est ce qu’un jeu moche ? On pourrait ressortir l’adage éculé, jauni par le temps de la non discussion autour du goût et des couleurs, on pourrait aussi étaler les faits que l’on jugerait objectifs pour étalonner le beau et l’ignoble. Mais rien n’est simple, ni tout à fait blanc ou noir. NieR:Automata divisera encore sur sa beauté, tout comme l’avait fait à son époque son grand frère, NieR Gestalt. Mais peu importe car, à l’instar de son aîné, il dispose de bien d’autres arguments pour faire vivre aux joueurs une expérience unique, loin des sentiers balisés qu’arpente généralement un média qui ronronne dans son confort. NieR:Automata est une expérience unique, un mélange de genres enivrant, un jeu qui aime se déconstruire pour mieux surprendre !
Symphonie Mélancolique
Même si NieR:Automata Become As Gods Edition (que l’on nommera juste NieR:Automata dans le reste du test) se place dans la continuité de NieR Gestalt, les mille ans qui les séparent permettent au novice de pénétrer sans mal dans l’univers atypique du jeu sans se perdre dans les vestiges de l’opus précédent. La terre, ou ce qu’il en reste, a été vidée de toute présence humaine suite à l’avènement des machines. Les rescapés de cette guerre ont trouvé refuge sur la Lune et mirent leur survie entre les mains du projet YoRHa, une armée d’androïdes luttant pour repousser l’invasion des robots et permettre, un jour, le retour sur terre de l’humanité. NieR:Automata suit l’une de ces androïdes de combat, 2B accompagnée par 9S une unité de reconnaissance. Confrontés à la menace des machines, ils vont se rendre compte que ces dernières sont loin de partager le même désir de destruction de l’humanité et que cette guerre cache quelque chose bien plus complexe...
Tout comme NieR Gestalt, NieR:Automata n’est pas un jeu qui se termine au premier générique de fin rencontré. L’histoire ne se dévoile complètement qu’en rejouant une partie du jeu plusieurs fois, permettant une grille de lecture différente à chaque fois et un dénouement autre permettant de lever le voile sur toutes les zones d’ombres de la première partie. Sauf que pour NieR:Automata on frise presque l’indigestion avec ses 26 fins différentes et un générique de fin qui tombe à la longue comme un gimmick un peu lourd. Tarô Yoko le créateur du jeu, aime déconstruire son univers jusqu’à en proposer un nouveau, surprendre le joueur, transformer en quelques phrases un combat homérique lors de sa première partie en une mise à mort pitoyable dans un autre run. Tarô ne se contente plus de pénétrer dans la psyché de ses personnages mais joue aussi sur le côté machine des androïdes, faisant intervenir des bugs, des voyages au cœur de leur matrice, de leur système d’exploitation ou des tentatives de piratage des machines. Tarô pousse le concept de NieR Gestalt au maximum de ses limites, heureux de pouvoir enfin matérialiser les plus folles envolées de son imagination.
Une classe sobre !
NieR:Automata n’est pas un parangon technique, les décors sont épurés pour ne pas dire vides, les modèles simples, et le jeu semble tout comme son aîné issu de la génération précédente. On regrette aussi sur XBOX One première génération du moins, des ralentissements et les saccades de la caméra dans certains environnements ouverts. Mais on ne peut pas lui enlever sa magnifique direction artistique, ce charme inhérent à tout projet qui en dispose d’une particulièrement forte. NieR:Automata ne ressemble à rien d’autre qu’à un NieR, le côté délavé de ses couleurs, le vide de ses paysages transpire de la mélancolie de son histoire et de ses protagonistes, le tout magnifié par une OST en tout point fabuleuse.
Keiichi Okabe et Keigo Hoashi déjà à l’œuvre sur NieR Gestalt nous offrent une bande son sublimée par rapport à la précédente gagnant en maturité et transcendant chaque passage, chaque moment de NieR:Automata. Jouer à la dernière création de Tarô c’est se recevoir une volée d’uppercuts en pleine face par les scènes mémorables issues de son imagination fertile et des phénoménales compositions qui les accompagnent. Que l’on aime ou que l’on aime pas, NieR:Automata ne laisse pas indifférent, il cogne, il imprègne, il marque son territoire et laisse son empreinte de façon durable, tenace sur le joueur.
Profusion
Il est toujours difficile de cataloguer NieR Gestalt. Avec beaucoup d’imagination on pourrait le ranger dans le tiroir des action-rpg sans en être fier tant il brasse ses influences dans bien d’autres genres comme le beat them all et même… le manic shooter. Tarô voulait en faire un jeu hybride, NieR:Automata embrasse à pleine bouche toutes ces influences pour les faire siennes et assumer pleinement son côté compilation. Associé à PlatinumGames pour le jeu, Tarô arrive enfin à proposer des combats dynamiques, spectaculaires, gracieux. 2B alterne les esquives/contre-attaques mortelles, les tirs grâce à son Pod d’attaque comme dans Bayonetta. NieR:Automata s’amuse à enchaîner les séquences de shoot them up, de twin stick shooter, de beat them all, de plate-forme, les mélanger au gré des séquences, varier le gameplay suite au changement brutal de l’angle de la caméra. 2B n’est plus la seule à danser, le jeu entier le fait à sa place, dynamisant les séquences d’action, les combats dantesques contre des boss immenses. Le joueur est sans cesse pris à contre-pied, toujours sollicité et toujours récompensé.
On en arriverait presque à oublier le peu de combos disponibles malgré l’arsenal varié de 2B et le manque de diversité des adversaires rencontrés (au moins durant les premiers runs). Cela se ressent surtout en enchaînant les différentes parties en New GAME+. La lassitude pointe le bout de son nez, un nez de plus en plus fréquent si on s’échine à voir toutes les fins, à découvrir les différentes strates de l’histoire élaborée par Tarô. Les combats deviennent routine et les immenses décors vides finissent par devenir monotones à défaut de les trouver mélancoliques. Tout comme Nier Gestalt, NieR:Automata n’est pas un monde ouvert à proprement parler mais un ensemble de grandes zones, liées entre elles par des couloirs ou des hubs. On peut toujours trouver et monter quelques animaux pour les parcourir plus facilement, comme des élans ou des sangliers géants ; certains lieux s’avèrent plus pénibles à arpenter que d’autres, surtout si l’on se perd à vouloir finir toutes les quêtes annexes que nous proposent les différents PNJ du jeu. Quêtes qui seraient fortement dispensables si elles n’octroyaient pas autant d’XP ou d’objets intéressant pour améliorer son Pod et son équipement.
À trop vouloir être généreux, NieR:Automata confronte le joueur à ses propres limites, ses défauts de conception. Le monde qui semble immense lors de sa découverte se fragmente peu à peu et fait tomber le voile sous les quêtes successives et nombreux runs à enchaîner. Mis à part trois grandes zones bien vides, on passe la plupart de notre temps à arpenter des couloirs et des niveaux étriqués. Effectuer des quêtes de livraison sans saveur puis revenir à leur pourvoyeur pour en récolter la récompense. Même si au cours de l’histoire de nouveaux chemins permettent de varier les trajets et raccourcir les aller-retours, limitant l’utilisation du voyage rapide, NieR:Automata n’arrive pas à cacher sa structure étriquée. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de lui porter un regard attendri, presque amoureux, capable de gommer tous les défauts d’un jeu certes imparfait mais dont le charme et la sincérité sont tels qu’il arrive à marquer le joueur comme rarement. Il est à noter que NieR:Automata Become As Gods Edition est accompagné de tous les DLC cosmétiques sortis sur PS4.