Cyberpunk 2077 et la pratique du crunch : des développeurs témoignent

«Crunch ou pas crunch ?» le 20 mai 2019 @ 16:062019-05-20T14:09:07+02:00" - 5 réaction(s)

La présentation de Cyberpunk 2077 a pour le moins suscité un engouement très fort chez les joueurs. Mais une question lancinante demeure : les salariés de CD Projekt Red vont-ils devoir faire d’énormes sacrifices personnels pour le réaliser ?

Le management affirme être à l’écoute de son équipe

Le studio de développement polonais est en effet réputé pour son usage intensif du « crunch », pratique très souvent observée dans le milieu de la production de jeu vidéo demandant à ses employés de travailler des nuits et des week-ends entiers durant des semaines voire des mois.

Il semblerait cependant que cela ne soit plus le cas, et que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle fasse l’objet d’une attention particulière de la part de l’équipe de management. C’est du moins ce qui ressort d’un long entretien de Marcin Iwiński, cofondateur de la société, accordé au site Kotaku

Marcin Iwiński souhaite que désormais l’entreprise soit aussi bien réputée pour la qualité de ses réalisations (souvenons-nous de la série des The Witcher) que de sa façon de traiter les membres de son équipe. « C’est ce vers quoi nous travaillons actuellement. Et je voudrais que nous soyons reconnus pour le respect avec lequel nous traitons nos développeurs » selon Iwiński. Une « politique de non-obligation du crunch » a été instaurée au sein de l’entreprise et Iwiński tient à ce que les développeurs de Cyperpunk 2077 sachent que, même si à l’avenir le studio venait à leur demander de travailler la nuit ou bien les week-ends, cela n’aurait rien « d’obligatoire ».

Il indique qu’en cas de surcharge de travail liée à des moments importants, comme lors de la préparation de la démo de Cyperpunk 2077 pour l’E3, les personnes qui ressentiraient le besoin de faire une pause, de prendre un peu de temps pour se reposer, pourront le faire « sans que cela soit mal vu par quiconque ».

Nous savons tous que dans le monde du travail une demande émanant d’une autorité hiérarchique n’a pas besoin de se voir affubler du terme « obligatoire » pour être perçue comme telle par un salarié. Iwiński ne promet pas la fin du crunch mais s’engage à ce que les employés de CD Projekt Red puissent librement se tourner vers le management pour leur demander de pouvoir lever le pied. « C’est l’engagement que nous sommes prêts à prendre aujourd’hui et nous écouterons les gens », a-t-il déclaré. Mais ces propos ne seraient-ils pas la partie émergée de l’iceberg ? Car si l’on prête attention à l’autre son de cloche, il semblerait que l’ambiance et les conditions de travail au sein du studio ne soient pas le reflet des belles intentions de sa direction.

Une équipe déjà sous pression ?

De nombreux témoignages d’employés du secteur du jeu-vidéo font régulièrement état de conditions de travail particulièrement stressantes et contraignantes, comme chez Rockstar où la pratique du crunch était très souvent de mise ou bien encore chez CD Projekt Red eux-mêmes à l’époque de The Witcher 3.

Kotaku s’était déjà fait l’écho de ces mauvaises pratiques par le passé, et encore récemment avec des informations mettant en cause Bioware et la gestion managériale de la surcharge de travail des équipes dédiées au développement d’Anthem. C’est à la suite de la parution de cet article que quatre anciens employés de CD Projekt Red ont contacté par mail le site et affirment avoir été témoins de problèmes similaires à Varsovie. L’un d’eux allant jusqu’à affirmer y voir des similitudes flagrantes avec les problèmes managériaux rencontrés sur le développement d’Anthem. « Parfois, je me disais qu’il me suffisait de remplacer simplement le nom du studio et le titre du jeu, et cela aurait pu tellement se ressembler, être presque identique » a déclaré cet ancien salarié de CD Projekt Red.

Viennent s’ajouter à cela des rumeurs qui font état de problèmes financiers importants pour le studio polonais, principalement dus aux performances décevantes du récent Thronebreaker, très vite démenties par le duo Iwiński et Badowski. D’autres éléments tendent à faire craindre un développement pour le moins compliqué de Cyberpunk 2077. Par exemple, et toujours selon des propos rapportés à Kotaku par des employés du studio eux-mêmes, l’entreprise a demandé cette année au personnel de travailler pendant les vacances polonaises et imposé des périodes obligatoires pour les congés. La quantité de travail étant trop importante pour permettre aux salariés de prendre leurs congés comme bon leur semble. La prochaine période se situera cet été, juste après l’E3, et la suivante en hiver.

En résumé, et en dépit d’une volonté de façade de la part du management du studio polonais de renvoyer l’image d’une société à l’écoute de ses employés, il semblerait que la vérité soit bien différente et que l’ambiance de travail ne soit pas forcément au beau fixe. La pratique du crunch semble être toujours de mise, et ce au détriment des équipes de développement. CD Projekt Red assure ne plus vouloir rééditer les erreurs du passé. Espérons que cela soit le cas.

Cyberpunk 2077

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Cyberpunk 2077

PEGI 0

Genre : RPG

Editeur : CD Projekt

Développeur : CD Projekt Red

Date de sortie : 10/12/2020

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 5, PlayStation 4, PC Windows

5 reactions

Bob Winner

20 mai 2019 @ 17:04

Perso, pour être salarié moi-même, j’aurais un peu mauvaise conscience de jouer à un jeu ou les développeurs serait mal traités , sous pression constante. On parle toujours d’eux avec respect, car ce sont les artisans de nos loisirs, ils apparaissent toujours cool, en tee-shirt de geek, mais si derrière c’est la misère ben bof, ça gâche un peu la fête. :-(

Ricos79

21 mai 2019 @ 07:36

Moi aussi je suis un salarié qui fait régulièrement des heure sup’ non payées parce que la structure où je travaille est petite et qu’on ne peut engager à tout vas dès qu’il y a un surplus de travail.

La pratique du Crunch buzze depuis quelques temps dans le jeux-vidéo mais ça a tjrs été ainsi dans toutes les grandes boites technologiques à l’approche de la fin d’un projet important avec des deadlines à respecter.

Alors je comprends que tu sois triste/inquiet pour les développeurs de CD Projekt mais je pense que leurs conditions de travail aussi dures et stressantes soient telles ne sont rien comparées aux conditions de travail des ouvriers qui ont assemblés tes chaussures et tes vêtements au Bangladesh ou au Viet-Nam...

Bob Winner

21 mai 2019 @ 10:11

Sûr que c’est pire dans ces pays là, ils ne respectent pas du tout leur personnel. Voir le documentaire d’Elise Lucet sur la manufacture de luxe...Flippant l’esclavage moderne.

ChupaLoL360

21 mai 2019 @ 10:27

@Ricos79 je suis dans le même cas que toi concernant la taille de ma structure qui ne peut embaucher plus, et heures sup’ non payées. On est plusieurs à ne pas compter nos heures et ne pas rattraper les heures sup’, parce que le temps passé en plus dans l’entreprise selon les périodes sont faits dans un esprit « d’effort collectif » et contribuent au développement de l’entreprise ou d’un projet.

C’est une question de management, quand tu te sens bien dans une entreprise, qu’elle ressemble à une famille ou une équipe de sport, avec un bon esprit d’équipe, de solidarité, je pense qu’il est plus facile de consentir des efforts. Il faut évidemment se respecter et ne pas tomber dans l’excès, parce que certains patrons n’hésiteront pas à tirer sur la corde :-)

Du point de vue éthique, je rejoins Bob Winner, ça ternit un peu l’expérience de se dire que certains ont sacrifié leur vie de famille et vie privée pour notre plaisir. Et ce n’est pas parce que c’est moins extrême qu’au Bangladesh ou en Chine que la situation des salariés mieux lotis autre part n’est pas grave et ne mérite pas notre attention. Malheureusement on trouvera toujours pire.

Ce qui est dégueulasse c’est que là ce sont de grosses boîtes qui s’en mettent plein les fouilles au détriment du bien-être des salariés, et les exploitent en silence. C’est quand même chaud les burnouts en pagaille, les suicides chez France Télécom, etc.

Ricos79

21 mai 2019 @ 14:27

Je pense comme toi mais, dans le cas présent, je crois que CD Projekt subit un peu la même maladie que d’autres studios les dernières années comme Telltale ou Quantic Dreams dernièrement. Petite structure plutôt « famille » qui grossit très vite suite au succès inespéré de leurs jeux et avec des managers qui n’arrivent plus à gérer leur équipe.

Quand on part d’une trentaine de développeurs qui se connaissent tous, on peut demander des « sacrifices » parce qu’on est une petite structure et qu’on doit se serrer les coudes et qu’on est fier d’y arriver à si peu.

Quand on est 300, ça devient vite le bor... et si le management ne s’adapte pas, on se retrouve à devoir rattraper les retards dus à des erreurs de communication, ça frustre tout le monde et là, les gens commencent à se plaindre.