Yves Guillemot revient sur l’histoire d’Ubisoft, parle de Splinter Cell et d’avenir

«Sam le furtif» le 12 avril 2019 @ 12:052019-04-12T11:38:28+02:00" - 1 réaction(s)

Ryan McCaffrey, journaliste pour IGN, a eu l’opportunité d’obtenir une interview avec Yves Guillemot, co-fondateur et directeur général d’Ubisoft. Leur échange est l’occasion de revenir sur le passé de l’éditeur ainsi que leurs licences phares, et aussi d’évoquer des sujets liés à l’actualité du jeu vidéo.

Un peu d’histoire

Avant d’être le plus gros éditeur de jeux vidéo français et le 4e mondial en termes de revenus, Ubisoft est avant tout une affaire de famille. Fils d’entrepreneurs agricoles dont l’activité était en difficulté, les 5 frères Guillemot expriment très vite la volonté de créer leur entreprise dans des domaines plus technologiques que leurs parents. L’idée d’investir dans le secteur du jeu vidéo viendrait de Michel Guillemot qui, à la faveur d’un voyage en Angleterre où le loisir coûte moins cher, entrevoit tout le potentiel du marché. C’est ainsi qu’ils fondent en 1986 Ubi Soft Entertainment, une société spécialisée dans la distribution de jeux vidéo sur Amstrad et Atari.

Peu s’en souviennent mais leur tout premier jeu est Zombi, sorti sur Amstrad CPC et vendu à seulement 600 unités après deux ans de développement. Le jeu a continué de se vendre sur plusieurs années à la suite de portage sur d’autres machines, mais il n’a pas vraiment été un succès. En 1990, les frères décident de louer un château en Angleterre pour y faire travailler leurs développeurs. Michel Ancel, papa de la licence Rayman, a fait partie du lot quand il a intégré l’entreprise à l’âge de 17 ans.

Notre fils, notre bataille

L’éditeur a depuis enchainé les succès commerciaux et possède maintenant 45 studios implantés partout dans le monde, d’Annecy à Montréal en passant par Shanghai. L’éditeur propose un catalogue varié mêlant projets moyen budget et blockbusters, et possède des licences fortes qui ont marqué le paysage vidéoludique mondial.

Ce succès finit par attiser les convoitises, et Electronic Arts ouvre le bal en 2004 en prenant possession de 19,9% du capital, devenant ainsi actionnaire majoritaire de l’entreprise. Ceci intervient un an après que l’éditeur américain a tenté de débaucher les créateurs principaux de la série Splinter Cell Remake avant de perdre au tribunal, ce qui avait retardé d’un an la manœuvre. Les frères Guillemot résistent et Electronic Arts finit par sortir du capital de l’entreprise en 2010.

En 2015, c’est au tour de Vivendi de tenter de prendre le contrôle de l’éditeur en acquérant d’abord 6,6% du capital pour 140 millions d’euros. Leur stratégie agressive leur permet de posséder jusqu’à 25% des parts de l’entreprise en 2016. La famille Guillemot souhaite rester indépendante et met tout en œuvre pour contrer la stratégie de Vivendi. La saga prend fin en novembre 2017, quand Vivendi annonce ne pas avoir la volonté de proposer une offre publique d’achat, alors qu’ils en avaient l’opportunité. Ils ont depuis revendu les actions qu’ils avaient acquises au cours de ces 3 dernières années.

Toujours présents

Lors de l’interview, Ryan McCaffrey souligne le fait qu’Ubisoft supporte systématiquement les lancements de nouvelles machines. En effet, que ce soit la PS1, Xbox première du nom ou la Wii U (pourtant boudée des éditeurs), chacune de ces consoles a pu proposer un jeu publié par Ubisoft dans sa fenêtre de lancement sur le marché. Dans le même sens c’est le premier éditeur qui a montré son soutien à Google avec Stadia, Assassin’s Creed Odyssey étant mis à l’honneur lors de l’annonce de celle-ci. Pour Yves Guillemot, il s’agit ici d’un choix stratégique leur permettant une plus grande prise de risque. Ainsi, il affirme qu’à la sortie d’une console, les joueurs sont plus enclins à tester de nouvelles choses.

On apprend d’ailleurs que Rayman était à l’origine prévu sur Jaguar, mais Atari tardant à sortir sa machine ils avaient décidé de l’adapter sur l’outsider Playstation, rencontrant le succès qu’on lui connaît et assurant à l’IP de multiples suites. C’était la première fois que l’éditeur vivait un lancement de cette ampleur.

Tom Clancy, le pari gagnant

Ryan McCaffrey exprime son point de vue sur l’acquisition des droits d’exploitation des licences Tom Clancy, ayant selon lui permis à Ubisoft de réellement décoller et de passer du petit éditeur français au géant incontournable que l’on connaît. C’est dans les années 2000 avec le rachat du studio Red Storm, fondé par l’écrivain en 1996, qu’Ubisoft met la main sur les droits de ces licences à gros potentiel.

A l’époque ils venaient de racheter un studio en Caroline du Nord, et le directeur de ce dernier connaissait bien Red Storm. C’est grâce à cela ainsi qu’une particularité technique sur les valorisations boursières dont la règle de calcul différait entre États-Unis et Europe qu’ils se sont trouvés en bonne position pour la reprise du studio.

Le premier Splinter Cell a changé l’éditeur, selon Yves Guillemot, car il a été initialement développé sur Xbox. Dans un contexte de domination de Sony, avec peu de concurrence, ils ont fait le choix de parier sur la console d’un Microsoft souhaitant faire son entrée sur le marché du jeu vidéo. Ce pari était d’autant plus risqué qu’ils avaient choisi de ne pas sortir le jeu simultanément sur Playstation, voulant vraiment pouvoir tirer parti de la puissance de la Xbox. Ce fut une bonne décision, le taux d’attache du jeu atteignant les 50%.

Nous voulions utiliser les capacités de la Xbox. Nous avons très bien marché sur Xbox. Nous avons touché probablement 50 pourcents de la base de joueurs.

En parlant de la licence, Ryan McCaffrey en profite pour demander pourquoi cette dernière est en sommeil depuis si longtemps. La question est plus que légitime au vu de l’aura et du succès commercial de celle-ci, vendue à près de 32 millions d’unités selon Wikipedia. La réponse apportée par Yves Guillemot semble tout de même un peu étrange puisqu’il évoque l’exigence des fans ainsi que la nécessité d’apporter un minimum de nouveauté comme un frein à de nouvelles sorties.

La dernière fois que nous avons développé un Splinter Cell, nous avons eu beaucoup de pression de la part de fans qui disaient : « Ne changez rien ; ne faites pas ci, ne faites pas ça » , et une partie de nos équipes étaient plus stressés à l’idée de travailler sur la licence

On apprend tout de même que la licence est loin d’être abandonnée, puisque des personnes travaillent dessus, nous verrons donc « quelque chose » à un moment. Nous n’en saurons pas plus pour cette fois. Ne nous emballons pas, on est loin d’une annonce, mais que le patron d’Ubisoft nous parle de la licence semble très bon signe pour ceux qui attendent son retour avec impatience.

S’en suit un échange sur le film Splinter Cell en préparation, permettant à Yves Guillemot d’affirmer que leur stratégie est centrée sur la création de « grands jeux » avant tout. Pas de crainte de les voir dilapider leurs budgets à tout-va dans les adaptations cinématographiques donc.

Assassin’s Creed, ou quand une mécanique de jeu devient une licence phare

Ryan McCaffrey évoque l’importance du studio de Montréal dans la création de nouvelles IP. En effet, c’est à lui que l’on doit par exemple Rainbow Six, Prince of Persia ou encore Assassin’s Creed. En parlant de ce dernier, on apprend qu’il doit son existence à Prince of Persia. C’est lors du développement d’un épisode de ce dernier qu’ont émergé de nouvelles mécaniques et le concept fort propres à la licence Assassin’s Creed. En y voyant un gros potentiel, l’éditeur a décidé d’en faire une licence à part entière, et à raison au vu du succès commercial et critique de la série.

Celle-ci n’a de cesse d’évoluer, tenant compte des critiques et donnant plus d’importance aux composantes RPG sur les deux derniers volets. On a d’ailleurs appris cette semaine que la prochaine itération se déroulera à l’époque des vikings, mettant plus l’accent sur la mythologie et le fantastique, et entièrement jouable en coop selon nos sources.

Un modèle économique en pleine transformation

Parmi les reproches récurrents qui sont formulés à l’encontre de l’éditeur français, on trouve la conception en monde ouvert de ses principales franchises. Pour Yves Guillemot, le monde ouvert permet plus de liberté pour le joueur, ce qui est un aspect important pour l’éditeur. Celui-ci souhaite proposer des jeux accessibles et amusants pour tous.

Se pose aussi la question de la monétisation. Ryan McCaffrey lui demande alors l’importance de la capacité d’un jeu à générer des revenus après sa vente initiale lors de la validation de celui-ci. Pour Yves Guillemot, l’important c’est la possibilité de durer dans le temps, que ce soit grâce à du multijoueur ou à des mises à jour régulières pour améliorer le jeu. En fait, leur stratégie est d’élargir les possibilités offertes par un jeu au moyen de mises à jour plutôt que de recommencer à zéro en sortant une suite par exemple. Il trouve logique de faire payer ces mises à jour qui mobilisent une équipe de développeurs sur du long terme. Il se sert de l’exemple de Rainbow Six : Siege, dont le suivi après lancement a été exemplaire.

La chose la plus importante pour nous est d’être reconnu pour apporter quelque chose aux gens, dans la durée.

A en voir le succès fulgurant de Fortnite ou Apex Legends, on peut se demander si le principe de Game As a Service séduit l’éditeur français. La philosophie d’Ubisoft sur le sujet est simple, à savoir que si un jeu est bon, les joueurs seront prêts à payer pour son contenu. Selon Yves Guillemot, la compétition entre les jeux ne porte pas sur le coût de ceux-ci mais sur la qualité de l’expérience proposée aux joueurs.

En ce qui concerne le genre Battle Royal, il n’est pas nécessairement question pour eux de faire un jeu de ce type, mais il leur faut se demander quelles en sont les clés de succès. Il donne comme exemple l’émotion provoquée par ce genre de jeux, ainsi que la possibilité de jouer avec ses amis.

Le temps comme richesse

Ryan McCaffrey dit penser qu’Ubisoft est l’éditeur au portfolio le plus varié et proposant le plus de créativité. Il évoque aussi le fait que de nombreuses licences sont en gestation et qu’il semble que les studios ont le temps de travailler sur leurs concepts. Quand on parle de temps dans le monde de l’entreprise, c’est souvent pour exprimer la nécessité d’aller vite ou un besoin de rendement, parfois au détriment de la qualité. Pour Ubisoft c’est le contraire, le temps est vu comme une richesse. Il exprime l’importance de donner du temps aux studios, même si cela représente un risque qui ne paye pas toujours.

Quand on sent qu’on a une bonne équipe qui en restant sur un projet pourrait devenir excellente, on lui donne plus de moyens pour mieux réussir

Enfin, difficile de parler du parcours d’Ubisoft sans évoquer leur partenariat récent avec Nintendo sur Mario et les Lapins Crétins. Yves Guillemot fait preuve de beaucoup d’humilité dans sa réponse, et indique s’être senti extrêmement fier d’avoir l’opportunité de travailler avec Shigeru Miyamoto, auprès de qui ils ont beaucoup appris.

Pour notre équipe c’était comme travailler avec Dieu

En route pour la next-gen

L’interview est aussi l’occasion de demander à l’éditeur sa vision du futur du jeu vidéo, notamment avec l’arrivée prochaine de Stadia sur le marché. Quand certains s’interrogent sur l’avenir des consoles, Ubisoft n’en voit pas la fin pour tout de suite. Pour eux, les consoles et le streaming de jeux vont coexister. Yves Guillemot est très positif sur le futur qui nous est promis, nous apportant des IA plus poussées, des systèmes de jeu plus élaborés, et avec la possibilité de passer d’un appareil à l’autre en un rien de temps.

Il profite de la question pour rappeler que selon la philosophie d’Ubisoft, l’arrivée d’une nouvelle génération ou de nouveaux intervenants est synonyme de plus grande possibilité de prise de risque et de tester de nouvelles choses.

Nous sommes à plein régime sur la prochaine génération

Enfin, Ryan McCaffrey lui demande quelles relations les éditeurs entretiennent avec les constructeurs sur la conception hardware. Yves Guillemot explique que les discussions commencent très en amont et que jusqu’à la finalisation de l’architecture, ils essayent d’influencer les constructeurs pour inclure certaines technologies ou fonctionnalités avec lesquelles les développeurs souhaitent travailler.

Splinter Cell Remake

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Splinter Cell Remake

PEGI 0

Genre : Action/Infiltration

Editeur : Ubisoft

Développeur : Ubisoft

Date de sortie : N.C.

Prévu sur :

Xbox Series X/S, Xbox One, PlayStation 5, PlayStation 4, PC Windows

1 reactions

jm ysb

14 avr 2019 @ 11:47

pour moi, il est évident que l’acquisition de red storm a permis à UBI soft de décoller ! ghost recon et splinter cell ont été des jeux extraordinaires d’un point de vue intérêt, gameplay et graphique !

aujourd’hui, l’annonce d’un spliter cell, voir même un remake, me ravirait !

par contre, pour mon profil de jouer, je trouve qu’obi soft a une force et une capacité à créer des jeux avec une ambiance visuelle extraordinaire (assassin’s creed, ghost recon, Rainbow six, the division, watchdogs, fort honor, etc.) mais qui n’arrivent pas à exploiter le potentiel qui s’en dégage ! je me trouve dans des situations d’ennui, de répétitivité et de non-intérêt à poursuivre l’aventure.