Il m’est déjà arrivé de jouer à un jeu pas fini et malheureusement je ne suis pas le seul dans ce cas-là. Si je mets de côté les jeux récupérés sous le manteau qui n’ont jamais eu la chance de sortir officiellement, les jeux honteusement vendus au prix fort sortis à l’arrache sont monnaie courante. Et ce encore plus aujourd’hui qu’hier avec cette facilité pour les développeurs de fournir après coup une myriade de patchs tentant de combler les aléas d’une sortie précipitée. Ce qui de toute façon n’a jamais sauvé un désastre annoncé. FF XV je ne pense pas seulement à toi. Mais j’avoue que je n’avais jamais payé sciemment pour jouer à un jeu que je savais pas fini. Ark : Survival Evolved fut l’un de ces jeux qui, pour financer son développement, a permis un accès anticipé à son contenu, les joueurs faisant office, à peu près, de bêta testeurs. Ces derniers ont vu “évoluer” cet Ark : Survival Evolved en étant presque surpris de le voir passer en version “définitive” ce 29 août. Notez que les guillemets n’ont pas été mis dans cette dernière phrase par hasard…
Partir sur une île avec ma b..., mon couteau et des dinosaures…
Qui aurait cru que Ark : Survival Evolved allait rencontrer un tel succès après son lancement en accès anticipé ? Personne, pas même la petite équipe de Wildcard, les développeurs à l’origine du jeu. Un mois après sa mise en disposition sur PC le jeu comptait plus d’un million de ventes, un an plus tard en incluant la version Xbox One, le jeu atteignait les 5,5 millions de copies vendues. Un raz-de-marée, un véritable plébiscite pour Ark malgré sa très longue gestation, à croire que ce mélange de survie et d’action dans une île immense peuplée de dinosaures était un rêve caché pour beaucoup de joueurs. Les acquéreurs de la première heure ont pu voir la progression dans le développement et malheureusement les dérives qui ont suivi. Force est de constater qu’Ark était prometteur lors de ses débuts en accès anticipé, pour peu évidemment que l’on ait en tête qu’il s’agissait d’une version bêta et qu’on accepte sa technique balbutiante, ses nombreux bugs, son ignoble interface, son contenu assez léger et ses problèmes d’équilibrage.
Ark garde encore aujourd’hui un petit côté exotique bien attrayant. Partir à poil sur une île déserte peuplée de dinosaures agressifs, se réchauffer pour ne pas mourir de froid dès la première nuit, cueillir des baies pour ne pas mourir de faim, boire (évidemment) pour ne pas mourir de soif et découvrir l’écosystème de l’île, gigantesque, pour en exploiter les ressources a un petit côté Koh Lanta assez plaisant. On amasse des branchages, du bois, des feuilles, on construit sa petite cahute, tout en luttant contre l’horrible ergonomie du jeu, on fabrique des armes, on chasse et on peste contre la rapidité avec laquelle la viande pourrit. Une fois le rythme de récolte pris, un labeur digne d’un bot chinois pour les quantités demandées, on s’attaque au coeur du jeu : la capture et la domestication des dinosaures.
Dans Ark, on est amené à être un véritable éleveur de dinos : on assomme ou on endort la bête (inutile de commencer par essayer de dompter un tyrannosaures bien entendu) puis on lui donne suffisamment de nourriture pour la domestiquer. C’est à ce moment là que l’on comprend la nécessité de jouer en ligne sur les gros serveurs et rejoindre un clan déjà bien implanté. Seul c’est un long, très long, chemin de croix qui va nécessiter d’avoir des armoires remplies de denrées de toute sorte pour tenter de faire de ce carnivore/herbivore/omnivore son copain pour la vie. Jouer en ligne dans des serveurs déjà bien vivants fait perdre le côté découverte et il s’avère particulièrement difficile d’intégrer un clan déjà bien établi mais cela facilite grandement notre survie. Monter un dinosaure, le Graal d’Ark, confère pas mal d’avantages, non seulement il vous protège des attaques sournoises de petits prédateurs mais aussi rend vos déplacements plus rapides et améliore votre capacité de récolte suivant le type de dinosaure monté : baie et végétaux pour les herbivores, peau et viande pour les carnivores. En gros, malgré tous les soucis rencontrés, si on arrive à s’accrocher aux branches et à faire fi de son ignoble interface on peut réellement prendre du plaisir sur Ark et en y jouant en accès anticipé on pouvait rêver à des lendemains qui chantent et à une version définitive à la hauteur des promesses entrevues. En vain.
Allez les gars, on se dépêche et on s’éparpille !
Hé, monsieur le développeur, votre jeu il va être super bien ! C’est quand que vous allez régler les bugs, optimiser les performances du moteur, revoir totalement l’interface et la rendre correcte ? Ahahah, bientôt mon petit mais avant regarde on a ajouté des nouveaux dinosaures et de nouveaux objets que tu peux créer dans les niveaux avancés ! Content ? Oui, oui mais bon ce serait quand même chouette de régler le plus important avant non ?
Et bien non. En tout cas pas pour l’équipe de Wild Card. Durant la période en accès anticipé du jeu on est passé de la case “espoir” à celle de “grosse crainte” avant de finir sur celle de “grande déception”. Le contenu a été continuellement augmenté, ajoutant par bribes des éléments comme des dinosaures, sympathiques mais accessoires, pendant que l’interface restait désespérément indigente et que la technique variait du catastrophique au franchement passable de ses débuts.
On s’est même posé beaucoup de questions avec la sortie “anticipée” d’une extension nommée Scorched Earth le premier septembre 2017. Sortir une extension à 20 euros d’un jeu soi-disant en plein développement et souffrant toujours de grosses carences est… étrange pour rester poli et les primos acheteurs ont eu la désagréable impression d’être pris pour des jambons. Cette extension réalisée sur le temps libre des développeurs (sic) était à sa sortie plus aboutie que le jeu de base… et elle l’est même encore aujourd’hui. Une honte tout comme l’apparition d’un season pass en cours de route à 50 euros alors que le jeu était encore loin d’atteindre le minimum de ce que l’on était en droit d’attendre d’une version proche de sa commercialisation.
À l’annonce de la sortie de la version définitive d’Ark, on ne pouvait espérer que l’intervention divine et un miracle pour qu’il puisse enfin atteindre le degré d’exigence que doit avoir un jeu commercial, autant dire, l’impossible. La version définitive du jeu est techniquement indécente, elle rame, reste truffée de bugs notamment dans sa gestion des ombres, et souffre presque des mêmes défauts d’équilibrage qu’à ses débuts. Vendu pour le prix d’un triple A, Ark : Survival Evolved a gardé la technique et l’optimisation d’une version bêta. La nouvelle interface qui devait botter les fesses de l’ancienne, est totalement obsolète, lourde et moche. Wild Card semblent incapables d’en sortir une correcte. Ils plombent Ark avec une véritable usine à gaz qui se permet même d’avoir parfois un temps de latence monstrueux valider nos choix. Du point de vue ergonomique et intuitif, c’est une véritable catastrophe et rien n’est fait pour aider le joueur à se retrouver dans ce véritable capharnaüm. La traduction française est aussi restée dans les cartons avec des phrases sortant des cadres prévus ou coupées dans les menus et d’autres pas encore traduites. On ressort de ce très long accès anticipé avec l’impression de s’être légèrement fait avoir par une équipe qui semble avoir perdu les pédales après un succès phénoménal et inespéré arrivé bien trop tôt…