Suite à sa prise de fonctions, Phil Spencer a très vite pris position, et n’a cessé de le marteler : qu’on joue sur une console ou sur un PC, peu lui importe du moment qu’on joue à des jeux Xbox.
On connait tous cette position, et pourtant la communauté gaming sur consoles ne l’avait jusque-là pas réellement intégrée.
On a gardé nos vieux réflexes. On a continué de parler de « générations de machines ». Intellectuellement, nous n’avions pas jusque-là réellement assimilé le sens véritable de ce projet. La One X : une machine de mid-gen. À l’E3 en 2019 ? Ce sera la présentation de la next-gen.
Quelle erreur !
Rendre les jeux Xbox accessibles sur Switch via xCloud, dans une offre Game Pass, est la traduction en réel des engagements de Spencer. C’est la démonstration, de façon tangible et dans la continuité des annonces du jeu via le cloud, que la matière fondamentale de la marque, c’est le jeu, pas le support. Certes, il y aura de nouvelles machines, qui ne seront plus de nouvelles générations, mais juste de nouveaux supports.
Le fait que Microsoft s’invite sur Switch, chez Nintendo, historiquement identifié comme un concurrent, démonte toutes les conceptions précédentes. Ces deux sociétés ont juste réalisé que leurs intérêts n’étaient pas contradictoires. Le Game Pass, incroyablement soutenu mois après mois, est bel et bien la tête de proue de la marque Xbox, conjointement avec le Xbox live. Microsoft est revenu à ses fondamentaux : le software. Quelle idée formidable de s’associer avec Nintendo, boîte à idées qui, lui, compte autant sur ses franchises que sur ses ventes de hardware.
Travailler ensemble est une opportunité mutuelle fantastique. Microsoft va bénéficier d’un circuit de diffusion énorme au regard du parc de Switch étincelant qui ne cesse de croître, et trouve avec cette machine la réponse à l’absence de portable estampillée par sa marque. C’est aussi la chance d’offrir un service supplémentaire à ceux qui sont déjà familiers avec la marque ou déjà abonnés aux services, mais également une opportunité de pénétrer le marché japonais. Pour Nintendo, c’est un enrichissement de ce que peut proposer sa console : sa ludothèque va prendre un coup de boost, et peut-être que la marque pourra s’appuyer sur le savoir-faire de Microsoft pour les services, en particulier en ligne. Cela donne également un argument de poids à la Switch pour convaincre les réticents.
On sentait depuis un moment les deux sociétés ouvertes aux échanges, avec leur campagne de publicité commune et la mise en avant du jeu cross-plateforme. C’est la confirmation que nous sommes en train de vivre.
Dans le même temps, cela ringardise (et isole) terriblement la position de Sony, toujours enfermé dans cette notion de génération associée à une machine. L’ensemble de leurs positions (rétrocompatibilité, cross-plateforme) conduisent à un manque d’ouverture envers cette logique du jeu avant le support. La marque de fabrique de Sony, basée sur la notion d’exclusivités non jouables ailleurs, me semble ne pas être suffisante pour faire face à un front qui mise sur une ouverture synonyme de profusion. Au final, cela va faire, si on veut raisonner de cette façon, bien plus d’exclusivités ailleurs… L’image de Sony est forte, mais au bout d’un moment cela ne sera plus suffisant.
Ce coup de maître ne pourra pas laisser indifférent, et Sony n’aura pas d’autre choix que de chercher à se raccrocher à cette logique, mais ce sera, très probablement, seul. Ils vont devoir sérieusement réfléchir, et je suis persuadé qu’ils sauront réagir. Leur position évolue déjà sur le cross-plateforme, on parle de rétrocompatibilité pour la prochaine machine… Pourquoi pas une association avec Amazon, même si ces derniers croqueraient bien vite le géant japonais ? On peut faire confiance à Sony pour ne pas laisser le terrain à ses concurrents, et cela nous annonce de belles choses. Nous nous dirigeons vers une période pour laquelle toutes les étoiles sont alignées : ça va se bastonner, il va y avoir de l’innovation, des services, et les joueurs en sortiront de toute façon gagnants.
Ils seront gagnants s’ils veulent une Playstation, Sony fera ce qu’il faut. S’ils ont une Switch, un nouveau catalogue débarque. Gagnant avec une Switch et une Xbox, la première devenant une console portable de luxe avec la continuité de la ludothèque. Gagnant avec juste une Xbox, ou même un téléphone : cette stratégie du jeu avant le support ne peut que permettre le développement de jeux en quantités, et assurer les moyens de balancer de la super-production.
Peut-être que je vais un peu loin, mais le seul spectre qui peut inquiéter est celui du monopole : une seule marque pour jouer à tous les jeux. Il s’avère que ça ne me tracasse pas plus que ça. La concurrence, la vraie, celle qui peut bénéficier réellement aux joueurs, se fera toujours entre les jeux plutôt qu’entre les marques.
Une fois de plus la marque Xbox est le détonateur. Leur première console a inventé le Xbox Live et a démocratisé le rapprochement entre les jeux consoles et les jeux PC. La 360 a inventé les succès et a démocratisé les jeux indés et dématérialisés. L’actuelle, en plus d’être la plus puissante, a mis sur la table le Game Pass. À partir de maintenant, c’est officiellement le jeu qui va être mis au centre de tout, avant les supports.
Je ne sais pas pour vous, mais perso je trouve ça terriblement excitant !