Sorti en septembre 2015 dans les premières années de la génération de consoles précédente, Blood Bowl 2 commençait à se faire vieux. Nous attendions de pied ferme la venue de Blood Bowl 3, maintes fois repoussée pour diverses raisons. Autrefois édité par Focus Home Interactive, ce nouvel épisode est cette fois chaperonné par Nacon, depuis leur rachat du studio français Cyanide en mai 2018. Ce 23 février 2023 marqua la fin de cette attente interminable.
Après une vingtaine d’heures de jeu, c’est la douche froide. Nous avons connu ces derniers temps des lancements de jeu catastrophiques et prématurés. Celui de Blood Bowl 3 monte directement sur le podium ; une entrée fracassante dans le classement de la honte. Et pourtant nous sommes confiants pour son avenir ! Cyanide devra cravacher. La communauté BB est fâchée, mais elle est tellement passionnée et fidèle depuis plus de trente ans pour les plus anciens qu’elle pardonnera tout si le studio français tient vraiment ses promesses à terme (court-terme, par pitié !). Le premier gros rendez-vous est fixé à mai avec le commencement de la Saison 1. Après tout, un échec critique pour le lancement du jeu est tellement dans l’esprit de Blood Bowl…
Blood Bowl expliqué pour les Nuls
Si à cinquante ans vous n’avez jamais fait une partie de Blood Bowl, c’est que vous avez raté votre vie ! Oubliez le Quidditch et autres sports de mauviettes à lunettes, le Blood Bowl est un sport extrême pour durs à cuire, créé par Jervis Johnson en 1987 dans l’univers de Warhammer Fantasy Battle, le monde médiéval fantastique imaginé par Games Workshop. Un sport où l’espérance de vie des participants est très courte, que l’on soit Gobelin, Elfe, Skaven (homme-rat), Orque, Troll ou Humain.
Blood Bowl s’inspire du football américain où deux équipes de onze joueurs (plus cinq remplaçants possibles) s’affrontent dans le but de mettre a minima un touchdown de plus que l’adversaire, tout en décimant l’effectif ennemi pour la tactique et le fun. En effet, il est mathématiquement prouvé qu’il est plus facile de franchir les lignes défensives de notre adversaire quand il ne lui reste plus que la moitié de son équipe sur le terrain.
Blood Bowl 3 est la version vidéoludique du célèbre jeu de plateau avec les dernières règles en date. On s’écharpe sur un plateau de jeu représentant un terrain, divisé en deux moitiés de quinze cases en largeur pour treize en profondeur. Une partie se déroule en deux mi-temps composées chacune de huit tours par équipe. Tout se règle à coups de dés, même les affrontements… surtout les affrontements (sourire malicieux).
Comment reconnaît-on un joueur expérimenté de Blood Bowl ? À son flegme face aux injustices légendaires du jeu. Tout échec (aux dés) dans Blood Bowl met fin prématurément à son tour de jeu. Une excellente gestion du risque est donc la clé d’une stratégie gagnante ; effectuer les actions de la moins audacieuse à la plus périlleuse devient essentiel pour espérer gagner. Simplement espérer, car chaque lancer de dé comporte une probabilité d’échec critique, mais aussi de réussite totale. C’est le charme du jeu… et son sel en cas de lose totale. Trébucher à une case du touchdown victorieux avec son joueur star, dont la chute maladroite provoque sa mort, c’est rageant, c’est Blood Bowl. Envoyer au cimetière un Troll de trois mètres avec un Gobelin grâce à son unique chance sur deux-cent-seize, c’est jouissif, c’est Blood Bowl.
Le plaisir du terrain
Vous l’avez compris, les principes et le concept du jeu sont solides et ont fait leurs preuves. En novembre 2020, Games Workshop sort la cinquième édition du jeu de plateau avec quelques règles remaniées, intitulée Blood Bowl : Deuxième Saison. Le principal atout de Blood Bowl 3 version Cyanide est la reprise en grande partie de ces nouvelles règles de jeu. Rien de révolutionnaire, mais il y a suffisamment de petits changements pour demander un temps d’adaptation aux joueurs aguerris. L’ajout de la capacité Passe dans les caractéristiques, qui a permis de dissocier cette action de jeu de la capacité fourre-tout Agilité est le symbole le plus visible de ces modifications. Dans ce nouvel opus, le jeu de passes est revalorisé, ce qui fera plaisir aux amateurs de ce style de jeu.
Blood Bowl 3 apporte également un vent de fraîcheur en ce qui concerne les graphismes et la réalisation technique. Les nouvelles arènes sont superbes et regorgent de détails croustillants. Les traces de sang laissées sur le sol suite aux affrontements renforcent l’immersion. Le titre ne souffre plus des scintillements désagréables (notamment à cause de la pelouse dans BB2) ni de l’aliasing du passé. Les différents acteurs sont joliment présentés et animés. L’ensemble demeure bien plus agréable à l’œil que la précédente version mais n’atteint pas non plus les sommets espérés pour la génération de consoles actuelle. Néanmoins, beaucoup d’animations et de cinématiques ont été reprises de BB2, laissant l’amère sensation pour les habitués de la licence d’une simple amélioration graphique.
Cette sensation mitigée est accentuée par l’absence du doublage français des commentateurs Jim et Bob. L’immersion en prend un sacré coup cette fois, tant les répliques hilarantes, bien que répétitives, font souvent mouche dans le deuxième opus. Difficile de s’adapter aux voix anglaises du vampire et de l’ogre quand nous fûmes bercés par le travail des acteurs francophones durant des années. C’est toujours navrant qu’un jeu développé par un studio français et publié par un éditeur français sacrifie la langue de Molière. Heureusement, les textes et menus restent disponibles dans notre langue.
L’interface des matchs fait le taf
L’interface lors d’un match connaît aussi une refonte salutaire. Si elle ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté, nous sommes plutôt satisfaits du travail accompli. Certes, il nous a fallu un temps d’adaptation pour retrouver nos marques. Mais une fois habitués, nous la trouvons plus cohérente et finalement assez bien pensée. Le score, le nombre de tours de jeu et le temps mis à notre disposition pour effectuer ces derniers sont tous regroupés en haut et au centre de l’écran et non plus éparpillés aux quatre coins de celui-ci.
De nombreux réglages sont accessibles rapidement via une combinaison de touches de la manette, tels l’affichage ou non de la grille du terrain, des zones de tacles, du registre récapitulatif des lancers de dés et des actions (que l’on peut afficher en grand !) ou la présence des icônes représentant les compétences des différents acteurs du jeu au-dessus de leur tête. Nous sommes libres de choisir entre une vision épurée du terrain ou sa version ultra détaillée pour ne rien rater des enjeux tactiques et stratégiques du match. Une loupe est également disponible pour obtenir des informations exhaustives en passant par-dessus les éléments affichés. Toutefois, son déplacement rappelant celui d’un pointeur de souris n’est pas optimal pour un jeu sur console.
La planification des actions d’un joueur lors de son tour repose sur la même mécanique que BB2 à coups de pression sur A. Néanmoins, il faut maintenant appuyer sur X pour valider la séquence finale voulue et une simple pression du bouton B permet d’annuler uniquement le dernier ajout sans effacer tout son plan (il suffit d’une autre pression de B pour cela), chose qui devenait pénible à force sur l’ancien épisode.
Une campagne qui sent le pâté
Pour apprendre à jouer et comprendre le gameplay, la nouvelle campagne est l’endroit idéal. Bienvenue dans les tournois des sponsors, quelques années après la campagne de Blood Bowl 2. Après avoir pris la tête des Reikland Reavers pour les hisser au sommet de la Ligue, nous revenons cette fois-ci à la tête d’une équipe que l’on crée de toutes pièces parmi douze races ou formations mixtes disponibles (pour rappel, elles n’étaient que huit au lancement de BB2). D’autres bases d’équipe s’ajouteront au fil des Season Pass.
Le premier tournoi sert de didacticiel. Celui-ci montre l’essentiel des mécaniques de gameplay, qu’elles soient défensives ou offensives. D’aucuns auront besoin de répéter plusieurs fois cette phase d’entraînement afin d’assimiler les nombreuses informations données. Si l’aspect terrain est assez pédagogique, nous regrettons l’absence d’explications sur la gestion de son équipe en dehors des matchs, notamment sur l’évolution de ses joueurs, dont les débutants comprendront la logique en fouillant l’interface… s’ils sont curieux.
Les cinq autres tournois de la campagne proposent le même concept ultra décevant. Un sponsor organise un tournoi où l’équipe à battre en finale est dirigée par une star de la Ligue, présentée via une cinématique amusante. Après cette mise en bouche réussie, nous enchaînons deux matchs pour atteindre la finale. Une nouvelle cinématique de notre rival fait monter la tension pour ce dénouement tant attendu. Malheureusement, cette dernière retombe comme un soufflé au bout de quelques minutes lorsque l’on s’aperçoit que la star n’est pas du tout au niveau de sa réputation. Pire, une fois le tournoi remporté, aucune cinématique n’est exécutée afin de marquer le coup. Rien. Nada. Tournoi suivant débloqué sans aucune transition. Une campagne bâclée qui sert simplement d’amuse-bouche pour tester et faire évoluer une nouvelle équipe créée pour les compétitions multijoueur.
Des modes de jeu aux abonnés absents
Frustrés par la campagne, nous voulions tester les autres modes solo présents dans la dernière mouture de BB2, tels la Ligue éternelle. Perdu ! Le mode solo que vous avez demandé n’est plus d’actualité. Seul un match amical contre l’IA est possible actuellement en dehors de la campagne. Bon, en route pour les compétitions multijoueur. Pas de chance ! Il faudra patienter jusqu’au lancement de la première Saison prévue en mai si tout se passe bien. Tout est bloqué pour le moment. Seul un match amical en ligne est possible (ou en versus local). Cela a au moins le mérite de nous permettre de tester nos équipes contre des adversaires réels et enfin de connaître un peu d’adversité.
En effet, l’IA dans Blood Bowl 3 nous paraît plus catastrophique que dans l’opus précédent. Elle enchaîne des mouvements de joueur stéréotypés jusqu’à la caricature et propose même par moments réguliers des actions incohérentes et suicidaires au possible. Nous nous sommes amusés à ne pas attaquer en gardant le ballon au chaud dans notre camp. L’IA semblait complètement perdue, perturbée par cette inactivité. En deux tours, une faille béante dans la défense s’est ouverte à cause de mouvements désordonnés ; un tapis rouge jusqu’au touchdown offert gracieusement que notre receveur star a foulé tranquillement sous les applaudissements de la foule en délire. Quelle tristesse. On finit par enchaîner les matchs de campagne ou amicaux sur des scores tellement déséquilibrés que l’humiliation frise l’indécence. Cela devient sans intérêt et monotone.
Un lancement du jeu clownesque
Blood Bowl 3 est donc dans un état indigent aujourd’hui, alors imaginez le jeu lors de sa sortie officielle… Quand nous vous parlions d’échec critique pour le lancement, ayons une pensée pleine de compassion pour les acheteurs des versions Brutal. Un bug permit aux possesseurs de la version classique sur Steam d’obtenir les bonus cosmétiques de la version Brutal sans payer les dix euros supplémentaires…
Et que dire de la personnalisation beaucoup plus poussée de nos joueurs promise et annoncée par la communication du studio comme l’un des gros atouts de cette nouvelle itération de la licence ? Là encore, le lancement fut catastrophique, sans aucun moyen de gagner des récompenses cosmétiques et entaché par une monétisation aberrante des quelques items présents dans la boutique. En effet, un pauvre accessoire acheté via la monnaie locale du jeu (warpstone) n’était utilisable que par un seul joueur uniquement. Si l’on souhaitait équiper toute son équipe avec ce modèle, il fallait l’acheter une dizaine de fois. Des membres de la communauté avaient calculé qu’il fallait dépenser plus de cinquante euros pour customiser une seule équipe ! Autre mauvaise surprise, les mutations de joueurs issus de certaines races ne sont plus visibles en jeu alors qu’elles étaient bien présentes dans BB2. La coupe est pleine.
Cyanide devait réagir urgemment face à la colère des premiers acheteurs. Le studio a atténué la révolte ces derniers jours via des annonces apaisantes. La monétisation des cosmétiques sera modifiée et nous pourrons utiliser les items achetés de manière illimitée pour les joueurs compatibles avec l’équipement (sauf les articles légendaires, ce qui demeure logique). Les possesseurs de la version Brutal recevront mille warpstones de dédommagement. Enfin, la Saison 1 sera offerte à tous lors de sa sortie au mois de mai. Rappelons que chaque saison apportera entre autres des récompenses cosmétiques et une nouvelle race ou équipe mixte à jouer. La balle est dans le camp de Cyanide pour sauver ce qui peut encore l’être, mais la confiance est bien entamée.
Testé sur Xbox Series X.