Il ne vous est jamais arrivé de vouloir prendre le large après une horrible journée de travail ? Ou pire encore, après une avalanche d’événements tragiques rendant chaque jour plus traumatisant que le précédent. Imaginez un instant que votre vie bascule progressivement vers l’enfer, que vous perdiez petit à petit son goût agréable, que votre famille semble ne plus vous reconnaître. Voilà, vous êtes seul au monde, dépassé par les événements, au point de ne plus apprécier l’amère saveur de la bière. Triste moment n’est-ce pas ? Dans pareille situation, il existe plusieurs remèdes pas toujours agréables. Un bon moment d’isolement en pleine nature pourrait vous faire le plus grand bien, loin de la pollution et de la vie en société. C’est justement ce qu’a choisi de faire Henry en acceptant un poste de garde forestier dans le parc national Yellowstone, et une longue marche l’attend avant de gagner sa tour. Nous sommes en 1989.
Il était une fois la vie
Définir ce qu’est Firewatch est un exercice compliqué, d’autant plus que le jeu possède de nombreux atouts qu’on ne semblait pas soupçonner outre mesure à la vue des premiers trailers. Vous êtes donc Henry, nouvelle recrue au poste de Ranger sous la supervision de votre chef Delilah, dont la seule voix suffit à combler le manque de personnages de l’aventure. Car oui, Firewatch est une véritable épopée humaine, une leçon de vie qui ne manquera pas de vous faire réfléchir un bon moment. C’est d’ailleurs sa plus grande qualité, avec en prime un doublage (en anglais uniquement mais sous-titré en français) très inspiré du duo Henry / Delilah, combiné à une écriture intelligente, drôle et sans concessions. Vos échanges avec votre chef se feront exclusivement via un talkie walkie, avec de nombreux choix de dialogues qui pourront parfois amener à un changement d’humeur global de la discussion. Surtout qu’en dehors de l’exploration du parc, Delilah sera votre seule source de distraction et ce sera amplement suffisant.
Le principal intérêt de Firewatch est donc sans nul doute sa narration. Les thèmes abordés sont tout le temps pertinents et ne manqueront pas de vous cogner droit au ventre selon votre mode de vie et votre personnalité. L’expérience des deux personnages apporte des discussions très enrichissantes, parfois nostalgiques et souvent drôles, surtout que Delilah a un caractère vraiment bien trempé du haut de sa tour de guet. Elle jouera d’ailleurs le rôle de formatrice durant vos premières sorties en forêt, toujours avec votre radio portative, et vous guidera une bonne partie de l’aventure. D’autres personnages viendront compléter le tableau sous la forme de notes manuscrites que vous trouverez à certains endroits, amenant inévitablement vers une intrigue bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Ma bite et ma boussole
Firewatch propose une progression assez lente. Comprenez par là qu’il n’y a pas de déplacements instantanés et qu’il vous faudra crapahuter jusqu’à votre prochain objectif. Le jeu se découpe en plusieurs “niveaux” représentant à chaque fois une journée particulière. Votre première mission en tant que Ranger sera de trouver la source des tirs de feu d’artifice près de votre tour. Pour vous rendre sur les lieux, il suffira simplement de suivre le bruit des pétards, ou bien de sortir votre carte et votre boussole, les deux éléments clés de votre progression (oubliez un quelconque HUD ou balise d’objectif). L’utilisation du talkie walkie et des équipements à la manette a été agréablement pensé, chose que certains développeurs ont parfois du mal en passant du PC à la console. Dommage toutefois que la sensibilité du regard ne puisse pas être modifiée dans les options car celle-ci est un peu trop lente, tout comme le réticule inutile affiché à l’écran, mais qui peut être désactivé dans le menu pause grâce à un récent patch.
Le parc Yellowstone propose des environnements très agréables à l’oeil, avec une palette de couleurs chatoyantes et en parfait accord avec l’heure de la journée, puisque le jeu possède un cycle jour/nuit plutôt bien rendu. Et même si le style graphique se veut simpliste, il n’est pas rare de rester quelques secondes devant un lever de soleil derrière les montagnes à l’horizon ou au bord d’un lac. Cette direction artistique est toutefois gâchée par une technique très en deçà de ce que nous pouvons attendre, même d’un jeu “indé”. Le clipping est souvent très visible et la végétation semble pousser à chacun de nos pas, sans parler des nombreux ralentissements qui ne gâchent, heureusement, pas trop l’expérience de jeu. L’ambiance visuelle et les différents dialogues entre Henry et Delilah suffisent à instaurer de la vie dans notre progression, parfois accentuée par de rares musiques sympathiques mais rapidement oubliables.
Firewatch étant assez linéaire dans son histoire, l’aventure se termine facilement en moins de 5 heures, sans le moindre challenge mais avec une rejouabilité intéressante, ne serait-ce que pour essayer différentes répliques et écouter les réactions de Delilah. Un mode “libre” inédit pourra d’ailleurs être déverrouillé après avoir terminé l’aventure principale, où la totalité du parc (enfin, de la zone du jeu) sera à votre disposition. Inutile de préciser que ce mode devient rapidement anecdotique puisqu’il ne s’agit que d’une balade en forêt dans laquelle on pourra trouver de rares cassettes audio à écouter dans son walkman. D’autant plus ennuyeux puisque le parc ne comporte pas le moindre animal sauvage ou végétation particulière. Une autre option inédite vous permet de rejouer l’aventure avec les commentaires des développeurs, si vous aimez un tant soit peu le style making off.