Les éditions Haltelà se lancent dans les jeux vidéo

Vous connaissez forcément les éditions Haltelà. Mais si, vous savez bien : « Construisez une réplique au 1/35e de la superbe Renault Fuego. Le premier numéro vendu au prix de 2€37 comprend une roue, le pot d’échappement et la moumoute à mettre sur le volant. ».

Le concept est simple, mais terriblement efficace. En kiosque, on peut trouver à chaque nouveau numéro les pièces détachées d’un truc à construire ou bien des personnages à collectionner. Les premiers numéros ne coûtent presque rien, et les derniers, une fois le client ferré, sont beaucoup plus chers. Au total, la maquette ou la collection coûte donc un bras. Ce sont des spécialistes, depuis bien longtemps, de ce qui s’apparente en jeux vidéo au « free to play – pay to win », ou bien aux fameux DLC qui contiennent tout ce qui manque dans le jeu à la base.

Il se dit dans le milieu que ça fait longtemps qu’ils sont consultés par les plus grands éditeurs sur la meilleure stratégie à adopter pour imposer cette logique de jeux en kit, et donc pour glaner le plus d’argent possible. Depuis des années cette logique s’est insidieusement installée. D’abord discrètement, avec des DLC s’ajoutant à des jeux déjà bien complets à la base, puis vicieusement avec des euros à lâcher pour des éléments déjà sur le disque de jeu. Ces derniers temps, il semblerait que tous les signes soient au vert, et que les acheteurs soient mûrs pour se faire…euh… pour accepter de payer avec le sourire.

Gran Turismo Prologue avait fait un essai, Metal Gears l’a transformé, avec la vente de démos. Celle des season-pass est devenue quelque chose de tellement normal qu’on trouve ça étrange quand il n’y en a pas. Les micro-transactions sont tellement courantes que leur absence en deviendrait louche. Sans compter les bonus de précommandes qui incitent les joueurs à acheter un produit dont ils ne connaissent pas la qualité, juste pour avoir le jeu complet. Mortal Kombat X a fait encore mieux, en communiquant sur la présence du Predator et de Jason, présence seulement possible dans un pack vendu pour le prix d’un rein.

Bref, le marché est mûr pour qu’Haltelà s’y intéresse de façon active, comme nous l’explique Francky V., un de ses dirigeants.

« Les jeux vidéo sont le reflet de la société. Leur démocratisation a fait que ce loisir devient abordable pour beaucoup trop de bourses. Avoir un jeu complet devient donc un signe extérieur de richesse et est réclamé par ceux qui veulent étaler leur fortune, qu’elle soit réelle ou prétendue. Un peu comme les polos Lacoste chez les wesh-wesh il y a quelques années. Celui qui n’a pas le slip bleu fluo dans Batman : Arkham Knight se sentira humilié par ses copains qui l’ont. De même, dans notre jeu, ceux qui n’auront que la version de base souhaiteront acquérir des suppléments qui seront l’équivalent d’un ascenseur social. »

En langage non-cadre-mon-école-de-commerce-est-trop-géniale, cela pourrait se traduire par « les joueurs vont acheter pour se la péter ». Une façon un peu cynique de voir les choses, mais un levier commercial non-négligeable.

L’autre argument mis en avant par ce même cadre ne surprendra pas grand monde.

« Il y a quelques années, pour débloquer des bonus, que ce soient des niveaux, des costumes ou de nouveaux personnages, il fallait suer sang et eau. Bien peu de joueurs prenaient cette peine, ce qui fait que les développeurs travaillaient pour peu de gens. D’accord, c’est ce qui donnait de la valeur à ces bonus, mais une valeur non marchande. Pire, c’était le talent ou la pugnacité du joueur qui permettait cela. Un pauvre talentueux pouvait donc avoir des jeux plus complets qu’un riche feignant. Si cela était encore acceptable il y a quelques années, ce n’est plus tolérable aujourd’hui. En tant qu’entreprise nous nous devons d’être raccord avec notre société. Puisque celle-ci glorifie la finance, il n’est pas pensable que nous proposions quelque chose en décalage. L’ordre naturel des choses est que ceux qui peuvent dépenser aient plus de choses que ceux qui ne peuvent pas. C’est tellement logique qu’on se demande encore comment à une époque les bonus se gagnaient au mérite et gratuitement. »

Pas besoin de vulgariser cette démonstration, tellement elle est limpide et claire.

Le jeu d’Halelà devrait commencer à sortir en fin d’année. Intitulé « Le désert », il devrait proposer au joueur de pouvoir faire tout ce qu’il veut à partir du moment où celui-ci sera prêt à le payer. Ainsi, la version de base comporte un désert de 200 km², en 720p (upgradable en 1080p avec le pack « résolution + »). On pourra le parcourir à loisir, dans la longueur, dans la largeur, mais aussi, avec le pack « Sans limites », en diagonale. Bien entendu, c’est un désert, donc il n’y a rien. Dès la mise en vente, une série de packs sera disponible, et chacun pourra donc choisir ce qu’il veut faire dans une totale liberté. Ainsi, certains prendront le pack « circuit de F1 » pour construire un circuit au milieu de nulle part (il ne faudra pas qu’ils oublient de prendre le pack « voitures de F1 », vendu séparément). D’autres opteront pour le pack « coupe du monde FIFA », un des plus complets d’après l’éditeur (et donc des plus chers, comptez environ 70€), permettant de construire des stades, d’utiliser des ouvriers exploités comme des esclaves, et bien entendu de soudoyer les instances mondiales, la FIFA en tête, pour qu’elles fassent comme si de rien n’était. D’autres encore prendront le pack « parc d’attraction », le pack « Call of duty », etc… Tout sera possible, y compris acheter d’autres pays pour augmenter la surface exploitable. Si un joueur souhaite quelque chose qui n’existe pas, pas de souci, il suffira de soumettre l’idée à travers un crowdfunding en versant une caution de 500€, et si une certaine somme définie par l’éditeur est atteinte, un pack sera développé. Enfin, et c’est une petite révolution qui se prépare, un pack « 1000G », contenant 10 succès de 100G chacun, sera mis en vente pour la petite somme de 5€.

Le but d’Haltelà est d’offrir le jeu ultime, celui de la liberté totale pour celui qui paie, qui ne sera plus jamais ennuyé par tous ces geeks qui aimeraient tant lui ressembler. Espérons que nous en saurons plus à l’E3. En tout cas, Xboxygen sera sur le salon, et nous avons déjà déboursé les 200€ nécessaires pour avoir le pack « présentation du jeu ». Si nous parvenons à rassembler les 300€ supplémentaires nécessaires pour avoir le droit de l’essayer avec le pack « authentique journaliste », nous vous ferons un compte rendu par le détail qui sera disponible sur Xboxygen version Premium (seulement 9.9€ par mois pour un contenu VIP comprenant dans tous les articles les voyelles « a », « e » et « u » qui manquent dans la version simple).

Vivement.