Teenage Queen a été édité par Infogrames (et développé par ERE Informatique) en 1988 sur Atari ST et Amiga, avant d’être adapté sur Amstrad et PC en 1989.
Fondamentalement, ce n’est qu’un jeu de poker, mais suffisamment original pour qu’on s’y arrête. Il y avait pléthore de jeux de strip-poker sur Amiga et Atari, ces machines permettant d’afficher des images digitalisées histoire d’exciter le boutonneux à la recherche de la vision fugace d’un bout de cul ou d’une paire de seins. Teenage Queen prend le contre-pied (pour qu’on prenne le notre ?) en affichant de très beaux dessins pastels, dans un style faisant un peu penser à du Manara (célèbre auteur de BD érotiques qui ont fait les beaux jours de l’Echo des Savanes). Chaque pose est très suggestive, plaçant clairement le titre sur le terrain de l’érotisme plutôt que sur celui de la pornographie. En bonus, la partie est ponctuée de quelques voix digitalisées, petits rires sexy et autres sons affolant le joueur qui n’était pas encore plongé dans la culture du hardcore made in internet.
Et ça fonctionnait très bien ! On est entre nous, nous sommes tous adultes, alors on peut bien l’avouer : si on a eu un Atari St ou un Amiga, on a joué à Teenage Queen ! Et franchement, en lisant ce court article, ce ne sont pas de bons souvenirs qui vous reviennent en tête ? La tension suite à une grosse mise qui peut permettre de faire tomber un vêtement…Ou qui lui laissera la possibilité d’en remettre ? Et si vous avez réussi à la déshabiller complétement, n’avez-vous pas hurlé en voyant le dernier dessin ?
La miss ne joue pas très bien, et ce n’est pas très difficile de remporter la majorité des pots, mais une fois de temps en temps elle se permet un bluff culotté (enfin culotté…ça dépend de l’avancée de la partie !) qui remet tout en cause, ce qui fait que le joueur reste toujours méfiant quand les mises s’envolent…
En dehors des bons souvenirs évoqués ci-dessus, si je parle de ce jeu, c’est aussi parce qu’il est un bon révélateur de son époque. En 1988, il ne suffisait pas de surfer quelques secondes pour visionner du porno. On devait aller, un peu honteux, chez le marchand de journaux pour mettre la main sur des revues érotiques, et pour le porno, cela se trouvait sur des VHS circulant sous le manteau. Cette graduation dans l’érotisme a malheureusement disparue…Pourtant, d’un autre côté, comment imaginer un seul instant qu’un jeu comme celui-là pourrait sortir aujourd’hui dans le commerce ? Teenage, pour ceux qui ne sont pas bons en anglais, cela désigne des personnes ayant entre 13 et 19 ans, et la demoiselle à l’écran est d’un âge indéterminé, et pas forcément majeure.
A vue de nez je dirais 17 ans…Autant dire que dans notre société bouffant du porno hardcore de la main droite tout en prétendant de la gauche que le sexe est impudique et pervers, un jeu de strip-poker dont le titre même comprend le mot « Teenage » est tout simplement inenvisageable. Voilà comment un simple jeu de cartes avec des dessins est en fin de compte un témoignage d’une époque où on avait accès à beaucoup moins de choses, mais où, dans le même temps, l’auto-censure était encore peu présente, l’hypocrisie n’ayant pas encore autant progressé. Comme tous les loisirs, les jeux vidéo sont eux-aussi le reflet de la société, et de très bons marqueurs temporels.
