Dungeon Master, édité par FTL Games, est sorti en premier lieu sur Atari ST en 1987, avant d’être porté plus tard sur Amiga, PC, Apple et même Super Nintendo. Diverses versions sont sorties sur d’autres supports, et le jeu a connu deux suites, Chaos Strike Back en 1989 (une sorte d’add-on), et Dungeon Master 2 en 1993.
Ce petit texte va sans doute être un peu plus long que d’habitude, car pour moi Dungeon Master est placé très haut dans ma hiérarchie personnelle. J’ai beaucoup de souvenirs avec ce jeu, et c’est un titre fondateur d’une grande importance pour les jeux vidéo.
Commençons par ce deuxième point. Dungeon Master n’est rien de moins que le premier jeu de rôle en temps réel. Aujourd’hui c’est quelque chose qui semble évident, mais avant 1987, ça n’existait tout simplement pas, seul le tour par tour était représenté. Autant dire que cela a été une véritable révolution ! Qui plus est, cela aurait pu être un pionnier, mais dans le même temps un mauvais jeu, ou un titre basé uniquement sur cette idée de temps réel, mais il se trouve que les choses ont été plus que bien faites à tous les niveaux. Ainsi, les labyrinthes dans lesquels on évolue ont leur vie propre : tous les ennemis sont gérés, se déplacent, nous poursuivent, etc…Je ne vais pas dire que c’était une IA de première force, mais quel changement par rapport à des jeux fonctionnant par zones ! Cela aurait déjà été un évènement comme ça, en l’état, mais en plus la vue est en 3D pour une immersion totale. Certes, on avance case par case et ce n’est pas vraiment une animation fluide, mais le résultat n’en demeure pas moins redoutablement efficace, et adapté à une maniabilité qui fonctionne bien une fois prise en main. Enfin, Dungeon Master propose un jeu de rôle très complet, avec tout ce qu’on a l’habitude de voir (caractéristiques, armement, compétences), mais surtout avec un système pour lancer des sorts à la fois incroyablement compliqué et totalement génial. Dans la notice, pas une seule indication. Pour créer un sort, il faut associer des runes…Et donc découvrir par l’expérimentation le résultat des multiples possibilités. Voilà déjà une première difficulté ! Mais le pire, c’est qu’il faut former ces runes en temps réel, pendant les combats (on peut tout de même “programmer” certaines combinaisons) ! En d’autres termes, il faut être un véritable spécialiste et connaitre par cœur les différentes associations pour être capable d’agir en combat, sous la pression d’ennemis qui ne sont jamais sur « pause »… Totalement novateur, Dungeon Master regorge d’idées qui en ont fait un hit absolu sur Atari ST.
Au-delà de ça, ce jeu, c’est pour moi des souvenirs émus. Avec un ami qui se reconnaitra sans doute en lisant ces lignes, nous jouions chez lui tous les deux. Je ne sais même pas s’il y avait une histoire dans ce jeu, mais peu importe. Meilleur que moi pour diriger notre avatar et lancer des sorts, c’est lui qui était au clavier-souris. De mon côté, je tenais le rôle de cartographe, pour dessiner les labyrinthes (vraiment tordus, et impossibles à dessiner en jouant puisqu’en temps réel !), et surtout pour servir de co-pilote, alertant des dangers, situant les lieux pour savoir où aller ensuite. Aucune frustration de mon côté à me cantonner à ce rôle : cela demandait une attention totale, car lors de fuites éperdues face à des ennemis trop forts croisés par hasard, sans le co-pilote, le joueur était vite paumé, et risquait de tomber sur les pires adversaires au mauvais moment. Face au moniteur, nous étions tendus comme des arcs (à cette époque, l’expression « tendu comme un string » n’existait pas encore…), totalement absorbés par le jeu jusqu’à très tard dans la nuit, et je ne compte pas le nombre de fois où nous avons sursauté de terreur en tombant sur une affreuse créature au détour d’un couloir alors que nous étions déjà mal en point. Ce sont des émotions qui resteront gravées en moi à jamais, que bien d’autres joueurs ont connu, et qui font que Dungeon Master restera toujours un jeu à part.