C’est en mars 2006 qu’arrivait sur Xbox 360 le très beau (et bon) TPS tactique Ghost Recon : Advanced Warfighter, GRAW pour les intimes. Avec sa suite GRAW2, les 2 titres ont laissé aux joueurs des souvenirs, de très bons moments, que ce soit en solo ou en multijoueur, donc forcément, après un Ghost Recon : Future Soldier très orienté action/casual, l’annonce en 2015 d’un retour fracassant de la franchise cette fois en monde ouvert à fait forte impression. Seulement voilà, on ne peut pas dire que les différentes phases de beta aient été des plus convaincantes : I.A à la ramasse, conduite mauvaise, répétitivité des missions et technique aux fraises sur Xbox One, les joueurs n’ont pas été tendres avec le jeu.
“Soy el fuego que arde tu piel”
Nous voici donc débarqué en Bolivie. Après avoir créé notre personnage via une interface dédiée plutôt complète, une courte vidéo nous explique les raisons (très floues) de notre venue. Concrètement, il faut aider les rebelles à faire tomber El Sueño, un baron de la drogue qui sévit sur le sol bolivien, de façon à arrêter le trafic de cocaïne dans le pays. Dès notre arrivée, on est frappé par la beauté de la carte. Immense, variée, vivante, l’ambiance bolivienne est renversante de crédibilité. Divisée en 21 provinces, elle nous fait passer par des jungles, des marécages, déserts, sommets enneigés ou encore lacs salés, le dépaysement est total, bien aidé par des effets de lumière, de brume, une météo et un cycle jour/nuit saisissants. Nombreux sont les moments où l’on reste ébahi devant des levers ou couchers de soleil sur un manteau neigeux ou transperçant les arbres d’une forêt.
L’ambiance sonore joue aussi un rôle essentiel avec les cris d’oiseaux les plus réussis de l’histoire du jeu vidéo et une BO à tomber par terre réalisée (entre autres) par Alain Johannes (connu pour sa collaboration avec les groupes Queen Of The Stone Age et plus récemment Arctic Monkeys). Ainsi, on se retrouve souvent à se balader dans le monde ouvert avec en fond quelques légers accords de guitare accompagnant la faune et la flore locales, rappelant parfois les ambiances posées et minimalistes que l’on peut par exemple retrouver dans The Last Of Us. Le HDR est également de la partie et sublime parfaitement les différentes expositions ; on se retrouve avec des journées éblouissantes et des nuits d’un noir profond.
Malheureusement, la beauté des lieux n’est pas gâtée par la technique sur Xbox One. Les textures sont baveuses, l’aliasing omniprésent, le framerate à la ramasse dans les endroits denses et surtout, l’image souffre d’un bruit absolument immonde dans les zones très claires. De ce fait, elle “crépite”, n’est jamais propre et les environnements lointains ne sont rien de plus qu’une bouillie de pixels. Si artistiquement le jeu est une réussite, la technique, elle, est un des gros points noirs du soft.
La drogue c’est mal m’voyez
Pour faire tomber El Sueño, il faut attaquer hiérarchiquement ses lieutenants, capitaines et chefs de 4 partis (influence, production, sécurité, trafic). La carte est divisée en 21 provinces de niveaux différents (de 1 à 5 crânes de difficulté), et il faut, à chaque fois que l’on découvre une nouvelle zone, collecter deux types d’intel : les jaunes servent à découvrir les missions concernant nos cibles dans la province et sont matérialisés par un document ou un capitaine à intimider/interroger. Les blancs, eux, nous permettent de découvrir sur la map un tas de choses utiles comme des caches d’armes, d’accessoires (viseurs, chargeurs…), et des points de compétence servant à améliorer notre personnage. En plus de ces points de compétence, il faut collecter des ressources (carburant, nourriture, médicament…) pour les forces rebelles. Ces collectes de ressources constituent les missions secondaires du jeu et se résument à voler des avions ou hélicoptères et attaquer des convois encore et encore… Une fois de plus, Ubisoft nous sert son cocktail de remplissage avec des quêtes annexes toutes identiques et un scénario effacé par des documents, objets, et enregistrements à ramasser. Le tout au détriment de cinématiques narratives ou d’une quelconque mise en scène, et c’est bien dommage. On passe donc totalement à côté du scénario qui n’a de toute façon pas grand intérêt surtout que, open-world oblige, on peut faire les missions dans l’ordre que l’on souhaite. Ces dernières sont plutôt diversifiées, et même si on se retrouve souvent à nettoyer un camp et ramasser un objet, il n’est pas rare de devoir voler un véhicule, filer un suspect, espionner des conversations ou encore extraire une cible prioritaire. Quoi qu’il en soit, il y a toujours quelque chose à faire (avec plus ou moins d’intérêt) et la durée de vie est colossale pour un tel jeu. Pas moins d’une cinquantaine d’heures sont à prévoir pour venir à bout de la trame principale, et pour éradiquer totalement la cocaïne du pays, il faudra en prévoir au moins une quinzaine de plus.
Le jeu, c’est mieux à 2 (ou 3, ou 4…)
Pour nous aider dans notre tâche, lorsqu’on joue en solo, on dispose en permanence de 3 I.A “sous nos ordres”. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont, comme les ennemis d’ailleurs, pas très fute-fute, ne servant principalement qu’à nous soigner ; ils ont par contre la faculté de raconter des petites blagues/anecdotes durant les phases plus calmes. Une roue d’ordres nous permet de les contrôler mais cette dernière est aussi ergonomique que *insérez ici le truc que vous trouvez le moins ergonomique au monde*. Il faut dans un premier temps ouvrir la roue avec RB, orienter le stick gauche vers l’ordre voulu (ce dernier étant mal calibré, on clique souvent au mauvais endroit), sélectionner avec le stick droit l’emplacement où on veut déployer nos hommes et enfin, appuyer sur A pour exécuter la demande, rien que ça. Oups on est mort… Au final, on se servira le plus souvent du tir synchro, hérité de Ghost Recon : Future Soldier, il permet de marquer jusqu’à 3 cibles, et une fois ces dernières acquises (en quelques secondes généralement même si nos compagnons n’ont aucun champ de vision sur l’ennemi) on ordonne l’élimination d’une simple pression de A.
Forcément c’est très efficace et il faut le dire ultra cheaté, mais au moins on a trouvé une utilité à ces IA qui sinon mettent un temps monstre à éliminer les cibles même si elles sont à 2 mètres d’elles, et comme ils ne se font jamais repérer, pourquoi s’en passer ? De plus, il est impossible de choisir les armes, ou ne serait-ce que les classes de nos hommes. Ainsi, inutile d’espérer former une escouade polyvalente lorsque l’on joue seul, il faut se débrouiller pour jouer tous les rôles, et c’est bien dommage d’observer une telle régression par rapport aux opus précédents. L’ADN de la série en pâtit également. Clairement, le jeu est beaucoup plus jouissif en coop, à 4 c’est un réel bonheur d’évoluer et de nettoyer des camps sans se faire repérer, de pouvoir se poster où l’on veut et mener des attaques rapides et ultra-efficaces.
Des armes, un maximum d’armes !
Côté gameplay, le jeu reprend les bases du solo des épisodes Advanced Warfighter avec une caméra TPS et des déplacements relativement lourds. En revanche, lorsqu’on vise avec LT, le jeu passe en vue FPS. Assez déroutant au début (mais paramétrable), cela se révèle à la longue plutôt efficace. Sinon, il faut oeuvrer avec un système de couverture automatique totalement immonde qui manque de précision et souffre de nombreux bugs de collision. Quand on sait qu’Ubi est maître des cover-base-shooter, on se demande comment ils ont pu nous pondre une chose pareille dans Wildlands. Le feeling des armes quant à lui manque d’un poil de sensations, et même si l’éventail de flingues à notre disposition est énorme, on ne remarque que peu de différences de ressenti à travers celles d’une même catégorie. Il est en revanche toujours appréciable de pouvoir personnaliser de A à Z nos bébés avec des chargeurs, viseurs, bouches, compensateurs, camouflages et autres joyeusetés et d’apprécier le soin apporté aux sons de chaque calibre. La balistique est aussi présente mais simplifiée ; il faut prendre en compte uniquement l’axe vertical dû à la distance pour anticiper la retombée de la balle. Il est également possible d’empoigner et de se déplacer avec des cibles de façon à les extraire ou les escorter, constituant une mécanique de gameplay intéressante.
Avec une carte aussi vaste que celle de Wildlands, les déplacements sont souvent très longs. Heureusement, une multitude de véhicules sont à notre disposition : voitures, blindés, motos, bateaux, avions, hélicos et même des tracteurs (si si !). Souvent, conduite et Ubisoft ne font pas bon ménage, mais étrangement (et contrairement aux premières sensations assez “surprenantes”) elle est ici plutôt poussée et réussie pour un open-world. Si on met de côté la physique des motos totalement ratée et infestée de scripts et aides absurdes en tout genre, on se rend compte que pour les véhicules terrestres à 4 roues (voitures, SUV, Humvees, camions…) c’est vraiment pas mal. En effet, quand on prend un peu le temps de se pencher dessus, la physique se révèle au final crédible, simulant les transferts de masses, les sous/sur-virages, les sensations de traction et de propulsion ou encore le passage de rapport de chaque véhicule. Les changements de surface influent aussi comme il faut sur l’adhérence et les sons sont plutôt bons ! Là où ça pose problème en fait, c’est lors des collisions, sauts ou tonneaux, ou comme toujours (ce fut le cas aussi dans Watch Dogs 2 par exemple) Ubi’ vient mettre des scripts/aides venant parasiter la physique logique qu’un véhicule doit avoir. Les hélicos ne dérogent pas à la règle puisque dès lors que l’on lâche les “gaz”, une “aide au vol stationnaire” vient cabrer l’appareil sans que l’on ne demande rien à personne… Au delà de ça, les contrôles sont logiques et la conduite dans son ensemble est réussie et plaisante (oui oui !).
Globalement, le jeu est une réussite mais n’aurait pas dû s’appeler Ghost Recon. Malgré les approches qu’offre le monde ouvert, l’aspect tactique en pâtit et on se retrouve finalement à toujours faire la même chose. Les possibilités de gameplay sont au final peu nombreuses et “l’esprit Ghost” très identifiable dans les précédents opus est absent ici. Le terme “ghost” lui même n’est d’ailleurs jamais employé. On aurait pu imaginer un certain lien avec les précédents opus ou même quelques clins d’œil rappelant cette atmosphère particulière, mais il n’en est rien. Il aurait aussi été judicieux par exemple, vu la tonne d’environnements différents parcourus, de voir que les camouflages que l’on peut mettre à nos tenues aient une incidence sur le gameplay (ennemis qui nous repèrent moins facilement etc…), plutôt que de n’être qu’un élément cosmétique... On se retrouve plus devant un sandbox qu’un TPS tactique en monde ouvert et de ce fait un gros problème d’identité se dégage du jeu. Le titre manque aussi énormément de finition, des bugs sont présents, quelques animations laissent à désirer et de nombreuses fonctionnalités manquent de calibration. Enfin, un multijoueur PvP est bien prévu mais arrivera prochainement et gratuitement, aucune information n’est pour le moment disponible mais on peut très bien imaginer des modes en 4vs4. Il y a en tout cas de la place pour accueillir un multi digne de ce nom, grand absent de ce “Ghost Recon”.