Toutes les annonces de Microsoft, qui se concrétisent en actes à peine évoquées, ne cessent de m’enchanter. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer pourquoi dans notre podcast Le Bruit de Fond, je ne vais donc que le résumer très vite ici en quelques mots.
Déjà, parce qu’il se passe enfin quelque chose dans un paysage vidéoludique que je trouve globalement bien morne avec cette génération de consoles. J’aime l’action, j’aime la nouveauté, donc quand quelque chose bouge, ça me plait ! Ensuite, parce que la convergence entre la Xbox One et le PC via Windows 10, quelle que soit sa forme, me semble être un bénéfice évident pour tout le monde. Les joueurs PC, puisqu’ils voient arriver des jeux qu’ils n’auraient pas eus, et pas des mauvais. OK, il y a peut-être à redire sur certains points techniques, mais j’ai envie de dire que cela restera de toute façon toujours mieux que quand le jeu n’existait pas. Mais bon, perso, je n’ai pas le PC qui va bien, je n’ai pas l’intention d’allonger la thune pour l’avoir, et surtout je reste avant tout un “joueur console” qui préfère poser ses fesses dans son canapé, allumer et jouer sans se prendre la tête. Ce n’est pas en 4K, ou même en 1080p ? M’en fout complétement, ça n’a jamais empêché un jeu d’être joli ou pas, et surtout d’être bon et agréable à jouer. Et pour le joueur console que je suis, le fait que le marché s’ouvre sans que la One ne soit abandonnée est une garantie supplémentaire de continuer à voir débarquer toujours plus de jeux. Enfin, l’idée même de se concentrer sur le jeu plus que sur le hardware qui le fait tourner ne peut que me ravir. Ce ne sont pas les machines que j’aime, en tant que joueur, ce sont les jeux. Cette mutation est à mon sens le grain de modernité qui peut éventuellement dé-scléroser une vision des choses qui n’a pas bougé depuis les consoles 8bits.
Bon, je pourrais développer beaucoup plus, mais ce n’est pas le sujet du jour, comme vous l’avez deviné en lisant le titre de cet édito. Je me suis plutôt posé la question, bien aidé par les commentaires divergents sur le sujet de la convergence, sur les raisons qui font que ce nouveau principe développé par Microsoft génère chez moi de l’enthousiasme. En y réfléchissant bien (c’est-à-dire après quelques bières), la réponse m’est apparue, de façon très claire (enfin, pas si claire que ça, puisqu’après quelques bières !) : je n’aime pas la Xbox One en tant que machine. Je crois que j’aime encore moins la PS4. Je ne veux pas dire par là que je leur en veux, c’est juste qu’en tant que machines elles m’indiffèrent. Or, si vous avez bien suivi mon argumentation, vous avez noté que je mets en avant le fait que les jeux sont plus importants que les machines. Et bien ça n’a pas toujours été le cas. Avec cette génération de consoles, la convergence existe déjà clairement au niveau du hardware. La Xbox One et la PS4 ne sont rien d’autre que des PC avec une interface pour jouer. On a récupéré tous les inconvénients du PC, avec les mises à jour et les installations. Reste une différence importante du fait de la simplicité du jeu sur consoles, mais plus aussi simple qu’avant malgré tout.
Attention, on va maintenant entrer dans la zone « c’était mieux avant ». Je prends donc le risque de passer pour un vieux grognon ressassant sur le passé, mais je pense qu’il est important de se pencher sur le jeu vidéo d’avant pour comprendre la logique de ce que fait Microsoft aujourd’hui. Il y a deux éléments qui me semblent capitaux : d’une part les jeux en eux-mêmes, et d’autre part la conception technique des consoles. Les deux se mêlent pour arriver à un résultat qu’on ne connait plus : les machines avaient une « personnalité » immédiatement identifiable.
Du côté des jeux, les choses étaient très claires. Si on préfèrait l’arcade, on allait chez Sega. On y trouvait des représentants de tous les styles, mais c’était le genre dominant. Le fabricant était aussi un développeur de jeux, donc on avait l’assurance de voir débarquer de très nombreux titres avec la patte du concepteur. Si on aimait les jeux de plateforme et les jeux pour toute la famille, on allait chez Nintendo. On y trouvait des représentants de tous les styles, mais c’étaient les genres dominants. Là encore, le fabricant était un développeur, ce qui donnait de bonnes garanties. La question n’était donc pas tant de se demander qui était le meilleur, mais plutôt de se demander à quoi on avait le plus envie de jouer. Avec l’arrivée de Sony, le message s’est un peu troublé. L’argument de Sony sur ses jeux est plus sur la mode du moment. A chaque fois que je dis ça je me fais incendier car on perçoit cette appréciation comme négative. Il n’en est rien. Si les jeux de ce créneau vieillissent de fait plutôt mal, ils correspondent toutefois à une vraie demande et répondent à une vraie envie du public, ce qui est très respectable et pas évident du tout à réussir. Par exemple, pour la Playstation, c’était Toshinden. La mode était à la 3D, ils ont livré de la 3D, et ce même si techniquement c’était difficile de faire autre chose que des jeux moches. Bref, si on veut ce qui est en vogue, on joue chez Sony, qui n’est pas un développeur, donc qui n’a pas la même patte sur sa ludothèque.
Du côté hardware, la situation était totalement différente de celle d’aujourd’hui. Les consoles étaient plus conçues comme des cartes d’arcade que comme des ordinateurs. Ainsi, d’une machine à l’autre, il y avait de GROSSES différences. Pas juste une différence de définition ridicule, des textures plus ou moins fines ou des temps de chargement fluctuants. On pouvait bien sûr déjà argumenter sur qui avait la plus longue, mais c’était sans doute encore plus stupide qu’aujourd’hui. Les couleurs n’étaient pas les mêmes chez Sega ou Nintendo, et on savait immédiatement sur quelle machine on était. Les routines de programmation étaient plus ou moins efficaces, et reconnaissables. Par exemple le fameux mode 7 de la SNES, et de l’autre côté les scrollings sur plusieurs plans de la Megadrive. Les capacités mêmes des machines étaient définies par leur conception, avec comme meilleur exemple la Saturn, capable de prouesses techniques grâce à une architecture complexe typique d’une carte d’arcade, mais en même temps poussive avec certains effets 3D ou les transparences. Cette étrange machine n’est d’ailleurs toujours pas émulée sur PC. La Playstation est à nouveau la machine qui à mon sens a commencé à installer la normalité dans les consoles, avec ses capacités et surtout son rendu qui étaient plus ou moins ceux d’un PC de l’époque.
Là où je veux en venir, c’est qu’aujourd’hui les consoles n‘ont plus de « personnalités » aussi fortes que par le passé. Celles de Nintendo mises à part, mais, tout du moins pour l’instant, cette marque est hors-jeu. Microsoft et Sony ont leurs licences, des produits déjà connus, de très bonne qualité, mais dont l’identité n’a rien de particulier qui la rattache à une marque ou l’autre si ce n’est le nom écrit sur le chèque à débiter. Cette identité en retrait, c’est la raison pour laquelle je n’arrive même pas à m’intéresser à la PS4, vu que j’ai déjà une Xbox One. Si j’avais une PS4, j’imagine que l’inverse serait tout aussi vrai. C’est la première fois dans ma vie de joueur que je ne cherche même pas à jouer à tous les supports existants : m’en fout, je ne vois pas assez de différences pour faire cet effort. Cette identité en retrait, c’est aussi la raison pour laquelle je cautionne autant la direction prise par Microsoft. A partir du moment où les consoles ne sont plus que des supports, et plus les vecteurs de diffusion de jeux bien particuliers, pourquoi s’acharner à continuer de les considérer comme autre chose que de simples supports ?
Et c’est pour ça que Sega me manque ! Leurs machines n’étaient pas juste des supports, mais aussi des bécanes conçues d’une certaine façon, pour un résultat à l’écran immédiatement identifiable. C’était aussi le cas pour Nintendo, mais bon, je suis un gars de chez Sega, le patron de l’arcade. Il est très probable que je n’aurais pas pris avec autant d’enthousiasme la convergence qui prend forme pour la marque Xbox si cela était arrivé pour une machine Sega, j’y aurais vu un risque de perte d’identité. Et d’ailleurs, c’est bien ce qui s’est passé quand Sega est devenu un simple éditeur. Leurs jeux n’ont cessé de se banaliser, ne se distinguant plus du tout-venant. Cette nostalgie de la machine définie par sa ludothèque et par le rendu technique qu’elle permet, ce n’est rien d’autre que ça : de la nostalgie. Soit on reste passéiste en recherchant cette configuration, et Nintendo est alors le seul choix cohérent, soit on accepte son époque avec des machines dont les différences sont tellement minimes qu’on n’est plus capable de deviner sur quel support un jeu tourne si on ne voit pas la machine qui est à côté de l’écran. On peut toujours se lamenter en disant que c’était mieux avant. C’est sans doute vrai pour certaines choses, mais aussi faux pour d’autres. Ce n’est ni mieux, ni moins bien, c’est juste différent. Comme dans Arnold et Willy, acceptons cette différence, et projetons-nous plutôt vers le futur : l’entretien d’un modèle dépassé, ça ne marche jamais, et l’évolution est une chose contre laquelle on ne peut de toute façon pas lutter. Plutôt que de grogner, et si on se contentait d’en profiter ?